Cette conférence a été donnée à Auroville le 7 février 2015
dans le cadre des Conférences du Pavillon de France
Cette conférence se propose de montrer en quoi la mythologie grecque peut être rapprochée de l’œuvre de Sri Aurobindo.
Cette mythologie constitue en effet une vaste synthèse spirituelle et son étude peut constituer une bonne introduction aux écrits de Sri Aurobindo.
Il faut se souvenir également que Sri Aurobindo, non seulement s’était très fortement imprégné de la culture grecque et latine durant ses études en Angleterre, mais qu’il s’était aussi intéressé de très près à la mythologie grecque. Il avait même commencé à écrire, parallèlement à Savitri, un long poème de près de quatre mille vers qu’il laissa inachevé, Ilion[1]. Ce poème reprend l’histoire de la guerre de Troie là où l’avait laissée Homère dans l’Iliade, depuis le soutien apporté aux Troyens par l’amazone Penthésilée jusqu’à la chute de Troie.[2]
Sous toute réserve, nous pouvons imaginer que le cadre de la mythologie grecque ne laissait sans doute pas à Sri Aurobindo assez de liberté pour exprimer ses visions et ses expériences, mais surtout impliquait un décodage préalable du symbolisme utilisé qui privait le lecteur d’une compréhension directe. Nous supposons que c’est l’une des raisons pour lesquelles il abandonna Ilion au profit de Savitri.
Le travail d’interprétation qui a permis ce rapprochement est édité en trois volumes sous le titre Mythologie grecque, yoga de l’Occident aux Éditions de Midi et un bref aperçu peut être consulté sur le site lemythographe.fr. Ce travail de quelques décennies n’aurait pas été possible sans la mise au jour progressive des clefs de cryptage qui comprennent :
- le sens des symboles élémentaires tels qu’ils étaient utilisés à l’époque d’Homère et dont nombre d’entre eux sont tirés des védas, tel celui de la vache, principe illuminateur du supramental.[3]
- les contenus archétypiques des lettres de l’alphabet grec composant le nom des héros, des personnages, des dieux et des lieux.
- le principe de structuration des enseignements et des expériences selon une structure complexe d’arbres généalogiques.
- la concentration en un symbole unique, le Caducée d’Hermès, de l’organisation de la Réalité sous sa forme dynamique, symbole qui, sous sa forme statique, peut-être étudié avec l’arbre des Sephiroth.[4]
- des artifices divers pour préciser certains éléments tels la chronologie des expériences ou la progression dans le yoga.
Avant d’aborder le chemin spirituel proprement dit, il est nécessaire de se familiariser avec la structure générale de la mythologie. Aussi allons-nous considérer l’évolution humaine depuis les débuts de l’évolution de la vie, bien que ces stades archaïques de la conscience ne soient en fait abordés que dans les phases les plus avancées du yoga, celui-ci étant un processus progressif de dévoilement et d’ascension-intégration. L’ascension permet en effet de contacter des forces indispensables au processus de descente et de purification.
LES ORIGINES (Planche 1)[5]
Nous laisserons de côté les premiers niveaux définis par Hésiode[6] à partir du Chaos, qui, selon le symbolisme de la lettre Khi (X), représente la Conscience suprême concentrée en elle-même. Nous commencerons avec Gaia, lorsque cette Conscience-Existence se projette dans une manifestation. Simultanément apparut Éros, à la fois Béatitude et principe de l’Amour divin, « le plus beau d’entre les dieux » selon Homère, ainsi que le Tartare que Sri Aurobindo appelle « la Nescience », le principe opposé à la conscience[7]. Le Tartare, c’est l’endroit dans les profondeurs de la conscience « qui est aussi éloigné de la terre que la terre l’est du ciel, car il faudrait neuf nuits et neuf jours à une enclume de bronze tombant du ciel pour arriver à la terre, et il lui en faudrait tout autant pour aller de la terre au Tartare ». Si certains héros descendent dans l’Hadès, lieu de l’inconscient dans le corps, le Tartare ne peut être un lieu de relégation que pour les dieux.
Lors de cette projection dans la manifestation, le principe de Conscience-Existence se dédouble en Esprit et Nature : Gaia « la Terre » fit naître égal à elle-même Ouranos « le ciel étoilé », mais « ce dernier devait pouvoir l’envelopper totalement ». Pour maintenir la liaison Esprit-Matière, elle fit naître également Ouréa « les montagnes ». Tout était prêt pour qu’elle enfante alors Pontos « le flot stérile », symbole de la Vie.
Mais à ce stade, tout est encore potentiel et aucune création ne peut voir le jour tant que l’esprit infini n’est pas borné. C’est pourquoi Ouranos enfouissait dans le sein de Gaia tous les enfants qu’elle lui donnait, et, nous dit Hésiode, « elle gémissait, l’énorme Terre ».
Ses enfants, ce sont :
– les six Titans et les six Titanides incarnant l