POSÉIDON – INTERPRÉTATION

Poséidon est la puissance qui règne sur le subconscient. Par les remous qu’il soulève, il oblige à une progressive maîtrise du vital.

Poséidon. Musée du Louvre

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Poséidon, deuxième fils de Cronos, est le dieu des eaux, mais pas de toutes les eaux. Il règne seulement sur la mer, les sources et les lacs. Les rivières et les fleuves, images des courants d’énergie, dépendent du Titan Océanos et sont régis par des divinités particulières.

Voir la Planche Généalogique 17

Les divinités liées au monde des eaux, pour lesquelles les initiés grecs utilisaient des termes précis, sont à différencier avec soin.

Tout d’abord Pontos, appelé dans les mythes « le flot marin » ou encore « la mer aux flots stériles », fut engendré par Gaia sans intervention d’une puissance mâle (de même qu’Ouranos). Faisant partie de la première génération divine, il est le symbole de la Vie, coexistante avec la Matière et l’Esprit, une et indivisible, d’où son qualificatif « aux flots stériles ». Il préexiste aux Titans et donc à la conscience humaine. Les cinq enfants qu’il eut de sa mère Gaia représentent les étapes d’évolution de la croissance vitale. L’aîné est Nérée « le vieillard de la mer », le tout premier stade de l’évolution animale, avec l’apparition des premières cellules.
Pontos est associé à la haute mer, car il est lié aux « profondeurs de la vie », à ses divinités et à ses monstres.
Comme le subconscient est étroitement lié aux manifestations vitales, Poséidon, frère de Zeus et maître du subconscient, est le « Ποντο-μεδων, le roi de la mer ». Le terme Pélagos (πελαγος) lui est aussi associé, chez Hésiode du moins, car il apporte une dimension de profondeur et de danger.

Le second terme que l’on pourrait attribuer par erreur au monde de l’eau est Océanos. Divinité titanesque de la seconde génération, c’est une puissance de création, un symbole des courants de conscience-énergie qui parcourent aussi bien l’univers que notre corps, le macrocosme que le microcosme. Pour faire coïncider les images suggérées avec les éléments naturels, les anciens ont placé les fleuves et les rivières sous son influence. Le nombre de ses enfants est donc incalculable.
L’époque grecque tardive a associé son nom à « la mer extérieure », c’est-à-dire l’océan Atlantique, mais il n’est jamais utilisé dans ce sens dans la mythologie primitive.

Le troisième terme désignant la mer est Thalassa Θαλασσα (forme attique Θαλαττα Thalatta), dont la racine est thal, Θαλ qui signifie « pousser, croître ». Il est en rapport avec l’évolution et donc avec le parcours du chercheur. On le rencontrera donc dans le récit des grandes épopées sur mer.
Enfin, deux autres mots sont utilisés concernant la mer : « als » désignant aussi bien la mer que le sel, semble se rapporter à l’essence de la vie qui est liberté (le feu vital délivré de toute sentimentalité), et « nau » est employé dans le contexte de la navigation et donc de l’orientation et du progrès de la quête.

Poséidon est le deuxième fils du Titan Cronos, suivant Hadès et précédant Zeus. Il appartient à la troisième génération des dieux, celle qui règne sur les formes. Rappelons que dans la répartition du monde de la conscience entre les trois frères, c’est à lui qu’échut le subconscient, vaste réservoir qui enregistre le moindre phénomène mental-vital, la moindre sensation. Et comme la mer est à la fois une expression symbolique de la vie et le lieu qui conserve les mémoires de l’évolution, Poséidon en est le maître.
Poséidon n’est pas le subconscient lui-même mais la force du plan surmental qui œuvre à sa transformation.
Complémentaire de Déméter, son nom pourrait se comprendre comme « le maître (Ποσει) de l’union (Δ) ». Si la déesse maintient une tension en vue du perfectionnement, Poséidon lui, veille à ce que rien ne reste en arrière. Aussi, son action n’est-elle pas toujours appréciée à sa juste valeur car il met en lumière par des chocs émotionnels, physiques et mentaux, les nœuds psychologiques et les imperfections du chercheur.
Comme les manifestations vitales restent le plus souvent hors du contrôle de l’intellect, il est davantage le dieu des mers agitées que des mers calmes. Comme les émotions ont un fort retentissement sur le corps, effets que nous appelons psychosomatiques, il est aussi nommé « l’ébranleur de la terre » ou « le support de la terre » (la terre étant ici associée au corps).

Poséidon , Hermès et Athéna - Musée du Louvre

Poséidon , Hermès et Athéna – Musée du Louvre

Maître des énergies vitales, il peut tout aussi bien soulever des tempêtes que sauver des navires en perdition en apaisant les flots déchaînés.
Il fait aussi parfois surgir des taureaux qui représentent le « pouvoir du mental lumineux » que l’on doit maîtriser (mettre sous le joug) et sacrifier au Divin. (Pour Minos, il fit ainsi sortir un magnifique taureau de la mer que ce héros ne put se résoudre à sacrifier, ce qui fut l’origine du Minotaure).
Mais c’est sa relation au cheval qui est primordiale, car ce dernier est le symbole de la force vitale disciplinable ou disciplinée et par conséquent du pouvoir dans le vital. Lorsqu’il travaille à la maîtrise, il est nommé « le dompteur de chevaux », et attribue parfois au chercheur le cheval correspondant à son niveau (cf. par exemple les chevaux d’Idas, de Pélops ou d’Adraste).

Uni à Méduse, il engendra Chrysaor « l’homme au glaive d’or » et Pégase « le cheval ailé » ou « l’énergie vitale libérée » au service du mental.
Il est uni à Méduse – l’une des Gorgones, et donc petite fille de Pontos -, symbole de la peur dont l’homme a besoin pour évoluer. La peur est donc sous le contrôle de Poséidon. Mais, lorsque cesse la peur, de puissantes forces sont libérées (du cou tranché de Méduse) : apparaissent un guerrier inflexible, Chrysaor, et une puissante force vitale capable de « s’élever », c’est-à-dire de participer au yoga, le cheval Pégase. Mère dit qu’une étape très importante est franchie dans le yoga lorsque le vital accepte librement de collaborer.

Les plans inférieurs de son royaume abritent pulsions, désirs, sensations, émotions, passions, instinct de possession, colère, peur, avidité, convoitise, etc.
À la frontière inférieure, jouxtant l’Hadès, le chercheur aborde les plans du vital ancrés profondément dans la matière, ce qui fait dire à Homère que les chevaux du chariot de Poséidon ont des sabots de bronze.

Nous avons déjà décrit à plusieurs reprises le partage des royaumes de la conscience entre les trois frères. Il n’est pas inutile d’y revenir en y ajoutant quelques précisions sur celui de Poséidon, dans la mesure où les termes du langage courant traitant de la conscience ne sont pas toujours utilisés ici dans la même acception. Sont reprises ici les définitions données par Sri Aurobindo qui correspondent à celle des mythes grecs. (Sri Aurobindo, Lettres sur le Yoga, deuxième partie. Chapitre Plans et parties de l’être).
Le conscient ou conscience physique de veille est le domaine des trois frères : la surface de la terre. Ses frontières ne sont pas les mêmes pour chacun d’entre nous car nous n’avons pas la même expérience des plans qui l’entourent.
L’inconscient, royaume d’Hadès, est une conscience « involuée » ou « enfermée » qui contient tout, mais en laquelle rien n’est formulé ni exprimé.
Le subconscient, royaume de Poséidon, est la partie de notre être où il n’y a ni volonté, ni sentiment consciemment éveillé, qui reçoit et emmagasine les moindres impressions et toutes nos expériences. Il contient toutes les réactions primitives devant la vie qui lutte pour émerger de la matière. Tout ce qui est réprimé s’y enfonce et y demeure, prêt à se manifester à la moindre occasion. De lui, tout cela ressurgit en rêve ou à l’état de veille, de manière mécanique, répétitive, obstinée, souvent sans aucun rapport avec la situation en cours. Il est en grande partie responsable de nos maladies.
Ce subconscient appartient aux trois plans du mental, du vital et du physique. Il est aussi bien universel qu’individuel.
Bien qu’il soit l’un des obstacles majeurs au progrès dans le yoga, Sri Aurobindo recommande de ne s’en préoccuper que pour le rejeter comme n’étant pas notre nature essentielle, mais seulement un résultat de l’action de l’ignorance. Se focaliser sur lui et sur l’aspect imparfait de notre nature, engendre la dépression et doit être évité.

En dehors de ces trois plans et bien au-dessous encore du royaume d’Hadès est le royaume de la négation de l’Esprit, le Tartare, que Sri Aurobindo nomme la Nescience. Son nom est composé selon la forme classique x+Ρx, ici Τ+ΡΤ « esprit + retournement (de l’esprit) selon le plan de la vérité ». Selon Hésiode, c’est une région « qui est aussi éloignée de l’Hadès que la terre l’est du ciel » ou « qu’une enclume, tombant dans un puits, mettrait dix jours à atteindre ».

Enfin, au-dessus des trois plans inférieurs de la conscience est le supramental. Dans la mythologie, il est représenté par le plan de création des Titans et de certains de leurs enfants.

Dans la première phase du yoga, le chercheur est surtout en relation avec le monde de Zeus et de ses enfants. Tandis qu’il progresse, il descend progressivement dans les couches du subconscient et se heurte davantage aux exigences de Poséidon qui, par exemple, semblera s’acharner sur Ulysse. Enfin, les « aventuriers de la conscience », impliqués dans un yoga du corps, et pour certains, jusqu’au niveau même des cellules, pénètrent au royaume d’Hadès, comme Héraclès et Ulysse.

A l’instar de Déméter, induisant des allers-retours avec le royaume d’Hadès par l’intermédiaire de sa fille Perséphone, Poséidon habite tantôt dans son palais d’or sous la mer, tantôt sur l’Olympe.
Ce palais s’appelle Aegae, « le début de la conscience ». Ce qui explique sa situation mythique au large de Samothrace, lieu des écoles de Mystères qui précèdent ceux d’Éleusis (Orphée initia les Argonautes aux mystères de Samothrace, lors de l’une des périodes du début du chemin).
Certains disent aussi qu’Aigai se trouvait au large de l’Eubée, « le lieu de l’incarnation ».

Son tempérament est à l’image de ce qu’il fait surgir en nous, des tempêtes émotionnelles souvent incontrôlées : on le dit bourru, coléreux, jaloux, et toujours insatisfait.
Mais, concernant un dieu, ces caractéristiques ne concernent pas seulement le nécessaire travail de maîtrise de ces mêmes énergies chez le chercheur, mais l’attitude à adopter vis-à-vis de la quête : si Poséidon est bourru, c’est que l’on ne peut se contenter de faux-semblants ou d’un demi-engagement, car aborder les couches profondes de la conscience est difficile. S’il est coléreux, c’est que la tiédeur n’est pas de mise et que la transformation de notre nature vitale ne se fera pas sans de rudes tempêtes. Et s’il est rancunier, c’est que les mémoires logées dans le subconscient reviendront un jour ou l’autre à la surface pour être traitées.

« Maître des chevaux » (de la force vitale), Poséidon offre les meilleurs d’entre eux à quelques héros qui ont accompli des prouesses dans le domaine de la maîtrise vitale. Par exemple, à Pélops qui épousa Hippodamie « la dompteuse de chevaux », il fit présent de chevaux ailés, car celui-ci avait réussi à dompter l’énergie vitale sans répression ni refoulement. Ou encore, il donna à Pelée les célèbres Balios « rapide » et Xanthos « jaune doré clair » qui furent plus tard les chevaux d’Achille.

C’est donc un dieu très présent dans la phase avancée du yoga durant laquelle il faut réaliser le difficile équilibre d’une maîtrise de l’énergie de vie, tout en lui assurant son plein développement. Car cette dernière est longtemps le moteur et la source d’enthousiasme pour la quête.
Il aide à dépasser toute propension au jugement, car il confronte aux pulsions primitives de la vie, au-delà des attractions/répulsions, au-delà du dégoût.
Toutefois, le vital (humain) ne coopère pas spontanément au yoga. Issu de l’évolution dans l’ignorance, il est naturellement friand d’émotions, d’agitation, d’échanges vitaux et dans ses couches supérieures, d’art et de beauté. Il doit être converti plutôt que réprimé. Cela fait l’objet d’un yoga plus ardu que le yoga qui œuvre au perfectionnement du mental, car il exige beaucoup plus de persévérance face à des phénomènes de plus en plus ancrés et répétitifs.

Poséidon entra en compétition avec les autres dieux pour devenir la divinité tutélaire de certaines grandes cités de la Grèce antique représentatives de l’une des particularités de la quête, mais sans succès : Zeus gagna à Égine, Dionysos à Naxos, Héra en Argolide, Apollon à Delphes, Hélios à Corinthe et Athéna en Attique.
Il n’obtint qu’un demi-succès à Trézène où il partagea la fonction avec Athéna. En effet, dans l’organisation consciente que représente une ville, Poséidon, sans contrepartie, ne pouvait que semer la confusion. Trézène est la ville native de Thésée dont Poséidon est le père divin, et la « remise en ordre » du chemin entreprise par ce héros devait être assistée tout autant par le subconscient (Poséidon) que par le conscient (Athéna).

Poséidon épousa logiquement une des divinités des plus grandes profondeurs du vital, Amphitrite, fille de Nérée, « le vieillard de la mer » qui lui donna un fils, Triton, mi-homme mi-poisson, que nous retrouverons dans le mythe de la Toison d’Or. Amphitrite était, dit-on, réticente au devoir de vie commune avec son époux et, comme les autres Néréides, aurait préféré rester vierge en compagnie de ses parents et de ses sœurs.
Nérée « le vieillard de la mer » symbolise le premier stade de développement de la vie émergeant de la matière, associé aux cellules. Le nom de sa fille, Amphitrite, signifie « tout ce qui concerne le troisième », ce qui est assez obscur. On peut seulement supposer qu’il s’agit là du niveau le plus archaïque, le vital corporel, en dessous du vital mental (Phorcys-Céto) et du vital pur (Thaumas). Si Amphitrite préfère demeurer vierge dans les fonds marins en compagnie de ses parents et ses sœurs au lieu d’accompagner son époux sur l’Olympe, c’est qu’à ce niveau de la conscience archaïque, les éléments subconscients sont très résistants à toute évolution (celle qu’incarne Poséidon, « maître de l’union »), préférant le connu.

Triton, fils du couple Poséidon-Amphitrite, traduit le travail de pénétration et de transformation des couches archaïques de la vie. Il est, dit-on, familier des monstres des profondeurs marines qui font souvent partie de son cortège, et représentent les pulsions archaïques de la vie dans le corps. C’est pourquoi « il fait peur ».
Malgré une morphologie similaire à celles des Sirènes de l’imagerie populaire tardive (mi-femme, mi-poisson), il n’a aucun rapport avec ces dernières qui sont, dans la mythologie grecque primitive, des êtres ailés avec une morphologie proche de celle des oiseaux.

Également en relation avec le nombre trois, le trident est l’attribut de Poséidon. Il lui fut offert par les Cyclopes, « ceux qui possèdent la vision de vérité », symboles de l’omniscience divine, lors de la guerre des dieux contre les Titans. Il pourrait être en rapport avec l’Arbre de Vie, dans lequel il y a trois « sentiers » qui partent de la sphère de Yesod (la Sephira du monde vital) vers le haut et un sentier qui part vers le bas, l’ensemble formant le dessin d’un trident.

Durant la guerre de Troie, Poséidon donna son appui aux Grecs contre les Troyens. Ces derniers refusaient en effet de considérer la maîtrise du vital et sa libre adhésion au yoga qui étaient ses seules préoccupations.
Et c’est pour « purifier » le vital d’Ulysse qu’il s’acharna contre le héros.

Outre son fils légitime, Poséidon eut de très nombreux enfants. Cette paternité signe un début subconscient du processus symbolisé par le héros (Thésée, Nélée, Bélos et Agénor). Certains sont parfois des êtres violents, issus des mémoires subconscientes vitales, qui exigent une force correspondante pour être vaincus. D’autres sont des indications de processus évolutifs subconscients ou encore sont liés à l’irruption de capacités spéciales subconscientes au cours du chemin, tel le cyclope Polyphème.

Poséidon en nous 

Il est l’instigateur des tempêtes indispensables à notre évolution, mais aussi le pourvoyeur de la maîtrise vitale.
Il nous enseigne que l’obstacle est le levier ou l’allié. Il génère les conditions de notre liberté et nous apprend l’endurance.
Lorsque nous progressons vers l’égalité d’âme, il peut être senti comme un enthousiasme joyeux, quelles que soient les conditions extérieures. Et, son travail accompli, une parfaite équanimité s’installe dans le vital.