LES DERNIERS EXPLOITS D’HÉRACLÈS

Print Friendly, PDF & Email

Les derniers exploits d’Héraclès illustrent les étapes avancées du processus de purification-libération ou de « dévoilement » du divin involué dans la matière. Après l’installation du chercheur dans le surmental, ce sont les premières expériences de la transformation supramentale.

Héraclès combattant Cyknos - Musée du Louvre

Héraclès combattant Cyknos – Musée du Louvre

Cette page du site ne peut être vraiment comprise qu’en suivant la progression qui figure sous l’onglet Mythes grecs interprétation et suit le cheminement spirituel. En particulier doivent être préalablement étudiées les pages qui traitent des douze travaux. 

La méthode pour naviguer dans le site est donnée sous l’onglet Accueil.

Les capacités requises pour accéder au monde supramental :
« Capacité d’élargissement indéfini de la conscience sur tous les plans, y compris le matériel.
Plasticité illimitée pour pouvoir suivre le mouvement du devenir.
Égalité parfaite abolissant toute possibilité de réaction d’ego. »

Agenda de Mère

Dans le précédent volume, nous avons laissé Héraclès à la fin des douze travaux, les « athloi ». Les aventures du héros se poursuivent toutefois avec les « praxeis », les actes libres, qui ne situent pas pour autant « après » les travaux.
Rappelons en effet que le héros avait dressé les célèbres colonnes au début du dixième travail alors qu’il faisait route vers l’île « brumeuse » d’Érythie située aux confins de l’océan en Extrême-Occident pour en ramener les troupeaux de Géryon. Le onzième travail, la quête des pommes du Jardin des Hespérides, concernait l’acquisition de la Connaissance qui se révélait un travail sans fin, et le douzième, la capture de Cerbère aux portes de l’Hadès, une démarche préliminaire au travail dans le corps, à savoir la prise de conscience de ce qui empêche sa transformation.
Les trois derniers travaux étaient donc considérés par les Anciens comme des réalisations de l’humanité future, ce qui était confirmé par leur localisation en des lieux mythiques. Le dernier travail situé en un lieu repérable géographiquement était le neuvième, celui de la Ceinture de la reine des Amazones.
Au fur et à mesure que les initiés progressaient, les expériences vécues sur le chemin de ces trois derniers travaux durent leur permettre de donner quelques indications complémentaires.
Toutefois, aucune synthèse supérieure ne pouvant être faite, la chronologie des mythes correspondants reste très incertaine. Nous avons tenté de les organiser à partir du sac de Troie par Héraclès qui, en toute logique, aurait dû avoir lieu durant le neuvième travail. (Rappelons que les aventures d’Héraclès représentent la théorie du chemin.)

Le sac de Troie

Nous devons reprendre les aventures du héros au moment où il revint avec une flotte de six vaisseaux pour saccager Troie, épisode dont nous avons étudié les principaux éléments au chapitre 3.
Héraclès voulait se venger de Laomédon qui avait refusé de lui donner la récompense promise pour la libération d’Hésione, à savoir les meilleurs chevaux de la Terre que son père Tros avait reçus de Zeus en échange de Ganymède. Tous les fils de Laomédon furent tués sauf Podarcès « celui qui écarte l’incarnation » qui fut racheté par sa sœur Hésione et prit alors le nom de Priam « le racheté ».
Cet épisode indique que le chercheur qui a réalisé la joie en l’esprit (car Ganymède fut enlevé par Zeus pour devenir l’échanson des dieux) bénéficie d’une seconde chance pour retrouver le chemin juste. Il permet en outre d’expliciter l’une des raisons de la guerre de Troie à venir, le maintien du chercheur dans une voie évolutive erronée par manque de consécration.

Ce sac précède donc d’environ deux générations la guerre de Troie puisqu’Hector n’est pas encore né. D’autre part, Priam sera trop âgé pour participer à la guerre qui correspond donc à une phase plus avancée du chemin.
Cet écart de générations situe le sac de Troie à la même période que la chasse au sanglier de Calydon, longtemps donc avant la guerre menée par Agamemnon. On pourrait en déduire que les anciens voulurent indiquer soit que l’erreur troyenne prenait ses racines dans un manque de purification de la nature vitale profonde, soit que le chercheur pouvait détecter l’erreur troyenne dans le processus théorique de la purification-libération, longtemps avant d’être à même d’opérer le renversement du yoga.

Si, à l’inverse, les anciens prirent la peine de préciser que les aventures qui suivirent les travaux étaient des « praxeis », c’est-à-dire « des actes libres », ce fut pour indiquer que le niveau de réalisation correspondant était celui de la libération en l’esprit, et donc celle de la peur, du désir et de l’ego (mental et vital), le chercheur ayant parfaitement accompli les neuf premiers « travaux » dont le Lion de Némée et l’Hydre de Lerne définissent le but essentiel. Ces « praxeis » concernent donc les chercheurs parvenus au terme des anciens yogas, en route vers le grand renversement de la guerre de Troie. Ce chapitre couvre donc une vaste période autour de la guerre de Troie, et c’est la raison pour laquelle nous avons préféré le situer après l’étude de cette guerre.
Toutefois, il est un épisode qui, avec le sac de Troie, peut encore être associé aux Athloi car il se produisit deux générations avant Troie : le détour à Kos.

Le détour à Kos

En quittant Troie, Héraclès dut subir une tempête provoquée par Héra avec l’appui de Borée. La déesse demanda à Hypnos d’endormir Zeus tandis que le héros était emporté vers Kos, loin des siens.
À son réveil, Zeus voulut s’en prendre à Hypnos, mais celui-ci trouva refuge auprès de Nyx. Le roi des dieux suspendit alors Héra dans l’éther, attachant deux enclumes à ses pieds et liant ses mains d’une chaîne d’or infrangible. Quiconque parmi les autres dieux, émus par cette scène, s’approchait pour la délivrer, était jeté par Zeus sur la terre où il était alors incapable de bouger.
Lorsqu’Héraclès arriva sur l’île de Kos, les habitants se crurent attaqués. Le héros dut alors combattre pour débarquer et tua le roi Eurypylos dans la mêlée. Il fut lui-même blessé par Chalcodon mais Zeus enleva son fils loin du combat.
(Pindare mentionne à cette occasion la défaite des Méropes.)
Avec Chalciopé, la fille du roi, Héraclès engendra Thessalos qui lui-même eut deux enfants Pheidippos et Antiphos qui conduisirent le contingent de Kos à Troie.

Le début de cette histoire révèle une lutte dans le supraconscient du chercheur entre le mouvement qui cherche une extension indéfinie de la conscience sur tous les plans (Zeus) et celui qui veille à ce que rien ne soit laissé en arrière à l’intérieur des lois divines (Héra).
Dans un premier temps, c’est Héra qui poursuit Héraclès de sa haine, car elle est la force qui oblige au mouvement juste, lequel peut seulement être obtenu à ce stade par une purification approfondie. C’est la raison pour laquelle Borée, le vent de l’ascèse, donna son appui à la déesse pour éprouver le héros.
Dans cette épreuve, la puissance d’extension de la conscience est d’abord inhibée (Hypnos endormit Zeus).
Le chercheur est alors entraîné vers une nouvelle opportunité d’ouverture de conscience, loin de son fonctionnement coutumier (il est emporté vers l’île de Kos gouvernée par Eurypylos « une vaste porte », loin des siens). Cette ouverture est le résultat du travail du subconscient dans l’établissement des anciennes structures (Eurypylos était un fils de Poséidon et d’Astypalaia « la ville ancienne »).
Lorsque le chercheur sort de cet « endormissement », il aspire au plus haut de son être à le vaincre, mais c’est encore une lutte vouée à l’échec car cet « hypnotisme » est encore puissamment lié à la nuit de l’inconscience primordiale (Hypnos prit refuge auprès de Nyx « la Nuit », fille de Chaos).
Le mouvement d’extension de la conscience pèse alors de toute sa force contre ce qui le contrebalance en permanence pour que soit enfin décidé une nouvelle possibilité d’évolution (Zeus contraint Héra à l’immobilité). Il arrête même toute autre puissance du surmental qui voudrait soutenir les anciens chemins de yoga (Zeus empêche les autres dieux de délivrer Héra).
Mais le premier contact avec la nouvelle voie révèle une incompréhension intérieure et le chercheur manque le passage de « la grande porte » (les habitants se crurent attaqués et le roi Eurypylos fut tué).
(Cet épisode semble lié à la fin définitive de l’intervention du mental logique dans le yoga, les Méropes défaits par Héraclès étant par homonymie liés à la femme de Sisyphe.)

Une fois l’incompréhension surmontée, cette nouvelle ouverture offre « une vision puissante, incontestable » du chemin (Chalciopé « une vision d’airain ») pour la poursuite du chemin (Thessalos). Ce sont les résultats du travail du héros dans l’accomplissement de cette vision, associés à une plus grande humilité en dépit de l’importance de ses réalisations, qui participeront au grand mouvement de renversement du yoga (la guerre de Troie) : « une autolimitation dans le recours à son propre pouvoir » (Pheidippos) et « un voile pour masquer sa lumière » (Antiphos).

Le meurtre de Cycnos et la blessure d’Arès

Héraclès rentra en conflit avec un fils d’Arès dénommé Cycnos qui était uni à Thémistonoé, fille de Céyx chez qui se rendait le héros.
La rencontre se produisit dans le sanctuaire d’Apollon à Pagasai où, accompagné de son père, Cycnos volait les victimes sacrificielles apportées par les fidèles. (Pour Stésichore, il coupait la tête des voyageurs pour édifier avec elles un temple à Apollon.)
Il resplendissait dans son armure. Iolaos dirigea contre lui les chevaux d’Héraclès parmi lesquels était Aréion. Juste avant l’affrontement, Athéna conseilla au héros de tuer Cycnos puis, sans se soucier de s’emparer de ses dépouilles, de s’attaquer à Arès. Toutefois il ne lui était permis ni de prendre les chevaux du dieu ni de le dépouiller de ses armes.
Héraclès rappela alors à Cycnos que déjà par trois fois dans la sablonneuse Pylos il avait touché de sa lance son père le dieu Arès qui était tombé face contre terre.
La ville des Myrmidons ainsi que Iolchos, Arné, Héliké et Anthéia retentirent des clameurs du combat, puis Héraclès tua Cycnos.
Athéna ne put retenir Arès qui s’élança pour venger son fils mais elle affaiblit toutefois la puissance de la lance du dieu lancée contre le bouclier du héros.
Héraclès blessa alors à la cuisse Arès qui fut emporté sur le vaste Olympe par ses enfants Phobos et Déimos.

Pour Stésichore, Héraclès fut d’abord défait par Cycnos et dut revenir pour le vaincre. Pindare ne mentionne que sa défaite.

Chez Apollodore, Héraclès affronta par deux fois un personnage du nom de Cycnos.
Une première fois, ce fut en allant chercher les pommes sur l’Atlas, au pays des Hyperboréens. En chemin, il parvint au fleuve Échédoros où Cycnos, fils d’Arès et de Pyréné, le provoqua et fut aussitôt tué.
Arès, pour venger son fils, suscita un combat singulier. Mais Zeus lança sa foudre entre les deux adversaires pour arrêter le combat.
Une seconde fois, après l’épisode de la tentative de viol de Déjanire par le Centaure Nessos, Héraclès rencontra Cycnos, ici fils d’Arès et de Pélopia, l’affronta et le tua.

Parmi les autres Cycnos, l’un est un troyen fils de Poséidon et Calycé, et fut tué par Achille à Troie. (Toutefois, Homère ne le mentionne pas.)

L’histoire relatée ici est issue du poème d’Hésiode « Le bouclier d’Héraclès », qui décrit également les autres grands défis du yoga. Son interprétation repose sur une bonne compréhension du personnage de Cycnos « le cygne ».
Le cygne est un oiseau emblématique d’Apollon : sept cygnes survolèrent l’île où il naquit. S’il est en étroite relation avec l’être psychique (Apollon est fils de Léto), il n’en est pas pour autant le symbole qui est la rose.
Blanc comme la colombe, il symbolise un mental lumineux, intuitif et inspiré, comme résultat d’un vital purifié, tandis que celle-ci est davantage liée au seul mental pur. Cette lumière mentale est donc associée à la manifestation de l’être psychique qui permet l’évolution du yoga au-delà de l’ascèse : les cygnes assistèrent à la naissance d’Apollon puis furent attelés à son char pour emmener le dieu en Hyperborée.

Dans ce mythe cependant, cette lumière mentale est issue de la force spirituelle qui œuvre au renouvellement des formes et travaille à développer une pensée juste (Cycnos est fils d’Arès et il est uni à Thémistonoé « la pensée qui suit la loi de la rectitude, du juste »). Ce n’est donc pas ici une lumière psychique, mais seulement une très haute lumière du monde de l’esprit qui appartient encore au monde de la dualité et prétend prendre la place de la lumière du cœur. Elle récupère pour sa propre gloire et justification nombre de potentialités ou énergies que le chercheur veut consacrer en toute bonne foi à la croissance psychique (la rencontre se produisit dans le sanctuaire d’Apollon à Pagasai où Cycnos volait les victimes du sacrifice). C’est le même symbolisme qui est proposé lorsque le chercheur empile les « trophées » de ce qu’il a tué en lui en pensant établir la structure de l’être psychique (Cyknos coupait la tête des voyageurs pour édifier avec elles un temple à Apollon).

Il ne s’agit pas ici seulement de la réalisation du silence mental qui est l’arrêt du mental discursif, mais de la suppression dans le chercheur de toute lumière mentale appartenant encore au monde de la dualité.
Le combat se rapproche alors de la source même de cette dualité et le chercheur parvient à affaiblir sa force en lui (Héraclès se mesure à Arès qui est blessé à la cuisse). Ce combat entre Arès et le héros signe également une installation du chercheur sur le plan des dieux, celui du surmental, et sa capacité à dominer les forces qui y règnent. Mais ces forces qui gèrent le monde des formes ne peuvent disparaître : le chercheur doit en effet passer au-delà, dans le supramental.

Il y a d’autres Cycnos homonymes, tous tués par les héros à une période avancée du yoga se situant en général autour de la guerre de Troie. Ils symbolisent des « lumières mentales » qui appartiennent encore au monde de la dualité.

Le premier de ces Cycnos homonymes, fils de Poséidon et Calycé, régnait en Troade. Il fut tué par Achille durant la guerre de Troie. Il est ici en relation avec une grande lumière naissante générée par le subconscient dans les hauteurs du mental (Calycé « en bouton » peut être associée à l’héroïne fille d’Éole dans la lignée de Japet).

Un autre Cycnos décrit par Apollodore est lié à la quête des pommes de la Connaissance que l’on obtient au-delà de l’ascèse (en Hyperborée). Il concerne l’évolution du feu intérieur par le travail de l’évolution juste des formes dans la dualité (Cycnos est ici fils d’Arès et de Pyréné « l’évolution du feu ») dans le prolongement des acquis résultants de la concentration (Cycnos défie Héraclès au bord du fleuve Echédoros « qui a des dons » et se fit tuer). Si cette lumière imparfaite peut être éteinte, le temps cependant n’est pas encore venu pour une confrontation du chercheur à la source de la dualité (Zeus lança sa foudre entre Arès et Héraclès pour arrêter le combat).

Le second Cycnos évoqué par Apollodore, alors fils d’Arès et Pélopia, intervient après la tentative de viol de Déjanire « le détachement » par le Centaure Nessos, et donc peu de temps avant la mort du héros. Il est également tué par Héraclès.

Héra et Hadès blessés par Héraclès

On trouve dans le parcours d’Héraclès qui établit la théorie, plusieurs indications que le chercheur est parvenu au niveau des dieux, parfois illustrées par les blessures qu’il leur inflige.
L’Iliade mentionne celles qu’il causa à Héra et Hadès.
C’est à Pylos « la porte » qu’Hadès fut blessé à l’épaule par le héros. Cet épisode, qui suit immédiatement celui de la blessure d’Héra, traite donc du passage de « la porte des dieux » (liée à l’épaule ou aux clavicules) et donc de l’accès au supramental.
Il y a dans le yoga plusieurs « portes » à franchir et donc plusieurs villes nommées Pylos. Celle de Messénie où Nélée, soutenu par son père Poséidon, combattit Héraclès, marque l’entrée dans le yoga. Elle ne peut évidemment pas être identifiée à celle qui est mentionnée ici, souvent appelée « la sablonneuse Pylos » pour indiquer que ne subsiste aucun élément vital (lié à l’eau et donc à la végétation). Le franchissement de la porte des dieux permet en effet la descente dans le corps (chez Hadès) et le début d’une réalisation d’unité à ce niveau (la blessure du dieu).
Cette entrée dans l’unité esprit-matière est source d’abondance de richesses divines. Cela explique pourquoi, dans certaines représentations, Hadès semble transmettre la corne d’abondance à Héraclès (corne dont le héros dispose dans d’autres illustrations).

Même si elle est mentionnée juste avant celle d’Hadès, rien ne nous permet de situer avec précision la blessure d’Héra, causée par une flèche à triple pointe enfoncée dans son sein droit. Elle correspond à la fin de l’intervention de la puissance spirituelle qui veillait à une juste évolution dans la dualité, impliquant une destruction des formes puis une reconstruction par le travail de ses deux fils, Arès et Héphaïstos. Mais le nouveau mouvement évolutif, sous l’impulsion du supramental qui doit amener le pouvoir de l’Amour lorsque sera établi le règne de la Vérité, doit permettre une transformation des formes sans la nécessité de passer par leur destruction. L’équilibre entre le mouvement d’expansion et la force de limitation sera dépassé par l’exactitude et le pouvoir direct de transformation.
Dans l’Agenda du 10 janvier 1961, Tome 2, Mère précise : « L’Amour est plus puissant même que le pouvoir de purification qui dissout les mauvaises volontés et est le maître en quelque sorte des forces adverses, mais qui n’a pas le pouvoir direct de transformation, parce que le pouvoir de purification dissout D’ABORD pour reformer après, il détruit une forme pour pouvoir en faire une meilleure, tandis que l’Amour n’a pas besoin de dissoudre pour transformer : il a le pouvoir direct de transformation ».
La purification éclairée est toutefois indispensable pour parvenir à cette exactitude : c’est le sens de l’histoire des enfants de Léto, Apollon et Artémis, qui doivent devenir de plus grands dieux que les enfants d’Héra, marquant une première étape évolutive dans le yoga futur.

Eurytion

Eurytion « une vaste conscience sur le plan de l’esprit (et/ou connaissance, maîtrise, pouvoir) » est un Centaure qui porte le même nom que le gardien des troupeaux de Géryon. Il serait donc logique de situer cet épisode avec le dixième travail. Mais nous avons vu dans le Tome 2 que certains auteurs mentionnaient cet épisode lors du cinquième travail à Olénos chez Déxamenos « une âme réceptive » qui était sur le point de marier de force sa fille Mnésimaché « celle qui reste dans la logique du combat » au Centaure Eurytion.
Quel que soit le moment, Héraclès tua le Centaure qui se comportait de façon déplacée, soit en essayant de faire violence à la fille de son hôte, soit en imposant un mariage.
Nous avons dit que les Centaures exprimaient certaines réalisations, parfois très avancées, qui ont été obtenues malgré la persistance d’une partie du vital non purifiée.
Si l’on situe ce mythe parmi les dernières aventures du héros, il traiterait donc également du renversement du yoga.

Augias et les Molions ; le sac d’Élis

Héraclès vint tirer vengeance d’Augias qui avait refusé de lui payer le salaire convenu après le nettoyage des écuries, lors du sixième travail.
Il dut d’abord affronter les frères siamois, Eurytos et Ctéatos, appelés les Molionides, et les tuer. Ils avaient Poséidon pour père divin et certains affirmaient qu’ils étaient nés dans un œuf d’argent. Ils tenaient leur nom « Molions » de leur mère Molioné, mais ils étaient aussi appelés « Actorions » du nom de leur père humain Actor, frère d’Augias « éclats de lumière » dont ils étaient les neveux.
Ils avaient par le passé défait l’armée du héros à Élis. Nestor les avait affrontés à Pylos et les avait maîtrisés, mais ils étaient alors de jeunes garçons peu aguerris.
Héraclès, malade, fit d’abord une trêve avec les Molionides. Mais ces derniers ne la respectèrent pas et tuèrent nombre de compagnons du héros. Celui-ci leur tendit une embuscade près de Cléonai et les tua. Puis il marcha sur Élis et prit la ville. Il tua le roi des Épéiens, Augias, et ses fils à l’exception de Phyleus qu’il plaça sur le trône.
Selon Apollodore et Pindare, Héraclès fonda alors les Jeux Olympiques.

Cet exploit, comme les deux suivants, se déroule dans le Péloponnèse, avant la vie du héros à Calydon en compagnie de Déjanire. Il traite donc d’un processus du yoga antérieur au renversement de la guerre de Troie.
Dans le sixième travail d’Héraclès, le fumier qui s’accumulait dans les enclos du roi Augias a été interprété comme les scories, dues à l’ego, des premières « expériences lumineuses » (Augias « lumière éclatante »).
Parmi ces « déchets » figurent les retombées de la première grande expérience spirituelle telle qu’elle est racontée dans la quête de la Toison d’Or, retombées que le chercheur doit évacuer afin d’éviter l’épreuve du labyrinthe. Toutefois, en ces débuts du chemin, si le chercheur consent à se purifier en partie des retombées de ses expériences (Héraclès négocia le travail contre un salaire), il ne renonce pas à en tirer un certain bénéfice. La volonté, même subconsciente, de vouloir obtenir des « avantages » du chemin spirituel perdure très longtemps sous la forme de « tractations » plus ou moins conscientes avec le Divin.
S’il ne peut jouir des « résultats » de ses premières expériences, le héros peut conserver tout de même quelque chose de l’ordre de cette lumière, car le fils d’Augias apporte son support au héros et quitte l’Élide avec lui (son nom Phyleus semble indiquer une notion de solidarité ou pourrait être rapproché de la racine phil « aimer »).
Lors d’une étape plus avancée du yoga, le chercheur vient effacer le souvenir même de l’importance de ces premières expériences et de leurs effets à l’exception de ce qui l’a fait grandir dans le sentiment de l’unité ou de l’amour : Héraclès tua Augias et ses fils à l’exception de Phyleus.
Augias est le roi d’Élis, ville d’Élide à laquelle appartient le sanctuaire d’Olympie, symbole de la libération en l’esprit. Il est donc logique de suivre Apollodore qui situe cette histoire après le sac de Troie.

Pour mettre fin à cette glorification des expériences passées, le chercheur doit d’abord vaincre deux oppositions issues du subconscient et très étroitement liées, les siamois Molionides, fils de Poséidon. Ces obstacles ont grandi en parallèle avec les expériences, puisque les Molionides sont des neveux d’Augias et que Nestor « l’évolution juste de la rectitude » les affronta et les vainquit alors qu’ils étaient encore de jeunes garçons.
Mais ils n’en sont pas moins essentiels à l’évolution dans cette période du chemin (ils sont nés d’un œuf d’argent et ont des chevaux blancs).

Poséidon « le subconscient » est leur père divin et ils ont pour père humain Actor « le chef, le guide » ou « le juste mouvement d’ouverture de la conscience vers l’esprit ». Ces frères siamois représentent donc les effets indissociables de la forte impulsion subconsciente pour réaliser l’union en l’esprit. Le premier est une vaste ouverture de l’esprit (Eurytos), le second une volonté de conquête (Ctéatos). Lorsque le chercheur a réalisé l’unité en l’esprit, ces deux mouvements deviennent inutiles. Mais lorsqu’ils sont insuffisamment établis dans le chercheur (ou peut-être que l’équilibre de leur action n’est pas réalisé), ils ne peuvent l’emporter sur la quête de rectitude (Nestor les maîtrisa alors qu’ils étaient jeunes garçons). En revanche, ayant pris de la force, c’est eux qui soutenaient la quête de libération en l’esprit et le mouvement juste ne pouvait les vaincre (ils défirent Héraclès à Élis).
Lorsque la libération est accomplie, ils sont éliminés par le mouvement juste de libération-purification non sans avoir affaibli ses forces (ils furent finalement occis par le héros après avoir tué nombre de ses compagnons).
Ce pouvoir des Molionides nous semble liés au phénomène d’alternance dans le mental et ils ne pourront plus exercer cette domination sur le processus de purification dans le nouveau yoga.

La mort des Molionides et celle d’Augias ainsi que le sac d’Élis marquent la réalisation de la libération en l’esprit et donc la fin du yoga personnel : Héraclès fonde les Jeux Olympiques.
Le yoga qui avait commencé avec le franchissement de la porte étroite (les Jeux Isthmiques fondés par Sisyphe), s’était poursuivi avec la découverte de la tâche et l’entrée dans le processus de purification (les Jeux Néméens fondés lors du départ des Sept vers Thèbes) puis la découverte et le passage au premier plan de l’être psychique (les Jeux Pythiques), voit ici son accomplissement avec la libération en l’esprit et les expériences associées du Soi, du Divin cosmique, etc. (les Jeux Olympiques).
Mais si cette libération constituait une apothéose pour la plupart des voies spirituelles, ce n’était pour Homère et sans doute quelques autres que le début d’une autre aventure.

Hippokoon

Cet épisode qui a lieu après le sac d’Élis a été traité au chapitre 3, avec la lignée royale de Sparte.

Augé et Télèphe

Augé « une lumière éclatante » est fille d’Aléos « croissance vers la liberté » et appartient à la lignée royale d’Arcadie qui expose les développements de « l’endurance » dans le yoga.
Héraclès s’unit à elle alors qu’il revenait chercher les chevaux de Laomédon et lui donna un fils Télèphe.
Télèphe appartient donc à la quatrième génération après Arcas « celui qui endure ».
Nous avons vu dans le chapitre précédent que Télèphe avait succédé à son père sur le trône de Mysie et avait été blessé par Achille lors de la première tentative d’expédition vers Troie qui mena les Achéens à débarquer en Mysie, deux ans après le rapt d’Hélène.
Nous en rappelons ici l’essentiel.
Les Achéens en route vers Troie la confondirent avec la ville de Mysie gouvernée par Télèphe. Blessé, celui-ci fut guéri après leur avoir indiqué la route vers leur destination.
Bien avant que le renversement du yoga n’intervienne (dix années séparent les deux débarquements, soit une demi génération symbolique), le chercheur croit s’attaquer aux structures qui bloquent l’évolution, mais il ne s’agit en réalité que d’une structure intérieure secondaire érigée à la suite d’une puissante expérience de lumière qui a servi d’orientation au travail de purification-libération (Héraclès uni à Augé). Il a confondu :
une construction intérieure provenant d’une ascension dans les plans de conscience et qui s’est détournée d’une totale consécration (la ville de Troie gouvernée par la lignée royale troyenne, symbole du mental illuminé).
et celle tournée vers la consécration (la ville de Mysie) élaborée par le processus de purification-libération travaillant dans le sens de sa puissante expérience de lumière, mais encore influencée par les anciens yogas (Télèphe est un fils d’Héraclès et d’Augé, descendante de Taygète, et s’est uni à une Troyenne).
Cette dernière union a ouvert « une vaste porte » qui sera refermée lors du basculement du yoga (Eurypylos, fils de Télèphe et de la Troyenne Astyoché, sera tué par Néoptolème à Troie).

L’union avec Déjanire

Selon Bacchylide, Héraclès épousa Déjanire après les travaux, selon la promesse faite au frère de celle-ci, Méléagre, lorsque le héros descendit dans l’Hadès.
D’autres disent qu’après sa campagne contre Hippocoon, le héros décida de s’installer en Étolie à Calydon, car il voulait épouser Déjanire, la fille d’Œnée (Oineus) et d’Althaia.
Dans les deux cas, cet épisode peut être situé, comme nous l’avons vu, à partir du dixième travail.
L’union du héros consacre l’accomplissement du « détachement », fruit du travail en vue de la joie (Déjanire « celle qui détruit l’attachement » ou « le détachement », fille d’Oineus (Œnée) « le vigneron uni à Althaia dans la lignée de Protogénie), concomitant au travail de purification dans le vital (Déjanire est sœur de Méléagre), c’est-à-dire la libération en l’esprit qui entraîne la réalisation du Soi et parfois celle du Divin cosmique.

Mais le héros dut au préalable triompher du fleuve Achéloos qui avait pris la forme d’un taureau pour courtiser Déjanire.

Lorsque le chercheur est proche du détachement (de la libération), le mouvement de la conscience cosmique qui a pour but d’emmener l’humanité vers la libération en l’esprit veut bien sûr s’emparer de cette réalisation à ses propres fins (Déjanire fut courtisée par le fleuve Achéloos, le courant de conscience-énergie qui est « la douleur avantageuse » ou celle « qui conduit vers la libération en l’esprit »). Le fleuve Achéloos est le fils aîné du Titan Océanos, et donc le tout premier courant de conscience-énergie qui intervient dans l’évolution selon la nature dès le début du yoga, avant même que ne s’ouvrent les capacités de concentration qui devaient engager le processus de purification-libération. La « douleur favorable » pourrait alors être comprise comme la souffrance qui est le moteur de l’évolution tant que le chercheur n’est pas éveillé, et comme un outil pour parvenir au détachement (lorsque Achéloos courtise Déjanire).
Le fleuve Achéloos s’unit à l’une des muses qui lui donna les Sirènes, qui sont, rappelons-le, des oiseaux à tête humaine : ce courant entraîne donc vers les paradis de l’esprit et ses trop séduisantes « harmonies ».
Dans le cas où l’Achéloos est le fleuve de la « souffrance », son alliance avec une muse transformerait celle-ci en une fausse harmonie dans les mondes de l’esprit, hors de l’incarnation. Pour accomplir le détachement, Héraclès doit donc vaincre le courant profond qui lie l’homme à la souffrance.

Le chercheur libéré en l’esprit doit donc empêcher que son « détachement » ne soit entraîné vers un rejet du monde et de l’incarnation, et donc vers le risque de l’erreur troyenne. Le fleuve Achéloos ayant pris la forme d’un taureau, cette tentation s’impose à lui comme la réalisation suprême ou comme une réalisation grandiose à effectuer, réalisations auxquelles le chercheur doit renoncer s’il veut poursuivre le yoga.
Certains disent que lors de la capitulation du taureau-fleuve, le héros aurait arraché l’une des cornes, la fameuse « corne d’abondance » : lorsque le chercheur renonce à l’illusion de telles réalisations, il reçoit alors en abondance les dons divins. (Rappelons que nous avons également vu dans l’étude de Zeus que la corne brisée serait celle de la chèvre qui nourrissait l’enfant-dieu et que ce dernier aurait offerte à sa nourrice Amalthée).

Puis, tandis que le Centaure Nessos faisait traverser le fleuve Euénos à Déjanire, il tenta de la violer. Héraclès abattit le Centaure d’une flèche. Mourant, celui-ci offrit à Déjanire un peu de son sang qui était mélangé au venin de l’hydre dont était enduite la flèche du héros en lui disant que c’était un philtre d’amour.

S’il veut poursuivre dans la voie du « détachement », le chercheur ne peut plus rester dans la cadre d’une « évolution noble, convenable  » (Déjanire doit franchir le fleuve Euénos).
Mais cette traversée en des contrées de yoga inconnues nécessite l’intervention du Centaure Nessos qui est lié à une progression de la circulation des deux courants (son nom est formé sur le groupe de lettres Ν+ΣΣ, proche de celui d’Ulysse Δ+ΣΣ). Mais, comme tous les Centaures issu d’Ixion et d’une nuée d’Héra, Nessos exprime un manque de purification dans les profondeurs et ne peut donc se maîtriser. Cet épisode montre une volonté du chercheur engagé dans cette voie de réunification esprit-matière de parvenir de force au détachement, ce qui est alors un renoncement. Mais le chercheur arrête ce mouvement sans toutefois discerner que la graine d’une nouvelle illusion est semée (Héraclès tue Nessos qui, avant de mourir, donne un philtre d’amour à Déjanire).
Avant de mourir, cet élément de la quête non totalement purifié pervertit la volonté de détachement en lui faisant miroiter un élément magique qui serait capable de la maintenir au premier plan du yoga : un poison fait d’un mélange de l’essence d’une quête d’unité non parfaitement purifiée et de la racine du désir à l’origine de la vie, autrement dit, le risque du désir universel.
Rappelons que Sri Aurobindo met très sérieusement en garde contre la tentation de s’ouvrir à l’amour universel « avant que la réalisation de l’unité avec le divin ne soit confirmée dans sa suprême pureté », car il subsiste alors toujours le risque que l’amour universel ne devienne le désir universel.

Déjanire donna plusieurs fils à Héraclès, le plus connu Hyllos, ainsi que Glénos, Ktésippos et Oneitès.
Certains disent qu’Héraclès passa plusieurs années à Calydon, car Hyllos était presque adulte à la mort de son père.
Hyllos est « celui qui est très libre » ou « la double libération mentale et vitale ». Cette période à Calydon concerne donc une purification approfondie dans les profondeurs du vital entamée par la chasse au sanglier de Calydon, période qui ouvre sur l’élargissement des centres (les guerres de Thèbes qui suivent la chasse d’une génération).
Le séjour du héros à Calydon marque donc l’accomplissement de certaines réalisations dans le cadre du « détachement ». La réalisation majeure est symbolisée par Hyllos « la double ou très grande libération ΛΛ » qui est assez avancée à la mort du héros, car Hyllos était alors presque adulte.
Sont aussi nommés Glénos « objet brillant » et donc « la matière ou le corps lumineux », Ktésippos « celui qui possède les chevaux » et donc « celui qui a la maîtrise de l’énergie vitale » et Oneitès « celui qui est efficace en l’esprit » ou « celui qui possède le pouvoir supérieur de l’esprit ».
Cette très grande libération ouvre donc sur les possibilités de réalisations les plus avancées auxquelles peut parvenir un chercheur dans le processus de purification-libération.

Eurytos, Iphitos et Iole

À peu près à l’époque de sa vie avec Déjanire, Héraclès vint à Oichalie pour rendre visite à Eurytos ou pour lui demander la main de sa fille Iole. Ce dernier organisa un concours à l’arc dont sa fille était le prix. Héraclès l’emporta mais le prix lui fut refusé. Aussi, lorsque le fils d’Eurytos, Iphitos, vint à Tirynthe pour rechercher les chevaux perdus d’Eurytos volés par Autolycos, le héros se vengea en le tuant alors qu’il était son hôte.
Héraclès tenta de se faire purifier par Nélée qui refusa, mais Déiphobe, fils d’Hippolyte, accepta.
Le héros fut malgré tout affligé d’une terrible maladie en raison du meurtre. Aussi se rendit-il à Delphes pour y chercher conseil. L’oracle d’Apollon lui répondit qu’il serait guéri s’il acceptait librement d’être vendu.
(Chez Apollodore, comme la Pythie refusait de lui répondre, il s’empara du trépied afin de fonder son propre oracle. Apollon attaqua alors le héros et Zeus dut séparer avec sa foudre ses deux fils. La Pythie accepta alors de répondre à sa demande.)
Le héros devint ainsi l’esclave d’Omphale, reine de Lydie en Asie, pour un an (ou trois selon les variantes). Selon certains, c’est Hermès qui fut chargé de la transaction.
Dès son arrivée, il fut guéri de sa maladie.

Eurytos et ses enfants Iphitos et Iole, tout comme Déjanire, appartiennent au mouvement d’ascension des plans de conscience (ou de traversée du mental) qui vont déterminer le chemin de l’évolution au-delà du yoga personnel. Tout ce qui était nécessaire jusqu’à présent dans le yoga doit céder la place à un nouveau mouvement.
Selon le Catalogue des Femmes, tous ces personnages sont issus d’une impulsion juste quoique mal orientée. En effet Eurytos « un grand développement sur le plan de l’esprit » était le fils du « divin Mélaneus », association de notions contradictoires : « noir » et « juste », et donc « un travail mal orienté ». Ce dernier s’était uni à Stratoniké « la victoire par le combat », elle-même fille de Porthaon, et donc sœur d’Œnée « le vigneron ». Eurytos est donc l’expression d’un mouvement nécessaire mais faux qui a conduit par la séparation et le combat jusqu’à un stade avancé du yoga. Il doit donc être transformé : lui et ses fils seront tués.
Eurytos eut pour enfants Clytios « un travail renommé », Toxeus « celui qui vise le but », Iphitos « celui qui tend puissamment vers les hauteurs de l’esprit » et Iole « la libération de l’existence-conscience ». Il eut aussi un fils Déionéus que l’on peut sans doute comprendre comme « celui qui arrête l’évolution », en rapport avec l’accession au Soi qui fait cesser toute volonté d’évolution.
Pendant toute la première phase du yoga, le chercheur considère que l’ascension est mieux à même de le conduire vers le but que l’être psychique (Eurytos prétendait rivaliser à l’arc avec Apollon). Mais si « la victoire par le combat » produit de bons résultats (Clytios, Toxeus) ainsi qu’une libération de la conscience (Iole), elle génère aussi « une forte séparation esprit-matière » (Iphitos) et « un arrêt de l’évolution » (Déionéus).

Même si le travail de purification-libération se montre le plus à même de révéler la nouvelle direction de yoga et de contribuer à sa réalisation (Héraclès remporta le concours de tir à l’arc), le chercheur dans « sa haute conscience » ne peut encore se résoudre à évoluer en ce sens (Eurytos refusa de donner Iole à Héraclès). Il devra pourtant procéder à nombre de purifications au plus profond de lui-même (chez Omphale) avant d’emprunter le nouveau chemin.
Mais à ce tournant du yoga, le chercheur renonce cependant à poursuivre dans la voie de l’esprit (Héraclès tua Iphitos). Toutefois, Homère précise qu’Ulysse hérita de l’arc d’Iphitos, ce qui laisse entendre que les moyens de yoga qui servent à la concentration sur le but et à l’élimination des obstacles restent valables dans la suite du yoga.

Si « l’aspiration à la libération (dans l’esprit) » ne peut permettre au chercheur de justifier ce renversement, en revanche « la cessation de toute peur » provenant de la fluidité d’un « vital libre » le cautionne et lui permet de continuer son chemin (Nélée « ce qui œuvre à la libération (en l’esprit) » refusa de le purifier mais Déiphobe « celui qui en lui a tué toute peur » fils d’Hippolyte « le vital libre » accepta). Rappelons qu’une purification d’un acte qui semble odieux indique toujours qu’il était juste sur le plan du yoga.

Si le chercheur est désormais libéré sur les plans du mental et du vital, il ne l’est pas encore dans le physique. Le renversement du yoga entraîne un affaiblissement de celui-ci (Héraclès tomba malade).
(Dans la version d’Apollodore, comme la Pythie restait silencieuse, Héraclès voulut fonder son propre oracle : comme le chercheur ne reçoit pas d’indication de son être psychique, il veut s’élancer dans ce nouveau yoga même sans cette guidance. La chronologie donnée par Apollodore pour cet épisode n’a pas été retenue car elle conduit à des invraisemblances.)

Lorsque le chercheur a renoncé à poursuivre le yoga dans la voie de l’esprit, il ne peut plus obéir à celui qui jusqu’alors ordonnait les travaux, Eurysthée « une grande force intérieure ou grande détermination » ou encore « la puissance de la volonté ». Il accepte alors librement de se soumettre, en vue d’une purification approfondie, à la voix intérieure la plus centrale au niveau du corps que l’on peut associer au mental corporel (Omphale). C’est la lumière psychique (ou le supraconscient) qui l’éclaire sur les conditions de sa « guérison ». Il sait qu’il n’aura plus le moyen de s’échapper une fois engagé (Selon les révélations de la Pythie, Héraclès accepte librement la servitude chez Omphale « le nombril » ou encore « la voix pour la liberté).
À ce tournant du yoga, l’être psychique ne peut plus en effet être le guide. Ceci est peut-être dû au fait que celui-ci est lié à l’individualité alors que le yoga du corps concerne l’humanité entière.
C’est une combinaison d’une information donnée par le psychique et d’une mise en œuvre par le surmental qui permet au chercheur de se repositionner (l’oracle d’Apollon l’informe et Hermès réalise la transaction).
Omphale est la reine de Lydie « l’unité qui conduit à la libération (Λ+Δ) » : désormais c’est un travail dans le corps et par l’unité corps-esprit qui mènera vers davantage de liberté, alors que le chemin jusqu’alors était gouverné par l’être psychique, la demeure d’Apollon à Délos « l’union par la libération (Δ+Λ) ». La Lydie est la province située la plus à l’Est de l’Asie mineure, au sud-est de la Troade, et donc le symbole du yoga le plus avancé.

Dans cette étape qui dure symboliquement une année, le chercheur doit encore procéder à diverses purifications/transformations.
Lors de sa captivité, Héraclès accomplit plusieurs exploits.
Il rasa la cité des Itoniens et réduisit en esclavage leurs habitants qui étaient des maraudeurs.
Il tua Syleus qui obligeait les passants à sarcler son vignoble.
Puis il s’attaqua aux Cercopes qui, malhonnêtes, vagabondaient et pratiquaient le pillage. Bien que mis en garde par leur mère contre le Mélampygos « l’homme aux fesses noires », les Cercopes tentèrent de dérober les armes du héros. Héraclès les captura, les suspendit par les talons et les amena captifs à Omphale.
Son esclavage terminé, il revint à Oichalie et la mit à sac. Il tua les autres fils d’Eurytos tandis que ce dernier s’enfuyait en Eubée.
Homère ajoute qu’Eurytos fut tué par Apollon car il prétendait rivaliser à l’arc avec le dieu.
Puis Héraclès emmena Iole chez lui à Trachis, ce qui provoqua la colère de Déjanire.

Si l’on comprend le mot Itoniens avec les lettres structurantes (Τ+Ν), le chercheur doit éliminer tout d’abord les structures qui ont permis l’évolution vers la libération en l’esprit, lesquelles désormais le privent d’énergie (les Itoniens sont des maraudeurs).
Puis il arrête en lui les contraintes opérées sur certaines parties de son être en vue de la purification (Héraclès tua Syleus « celui qui dépouille » qui obligeait les passants à sarcler son vignoble).

Il s’attaque ensuite aux mensonges qui sont à la base de sa nature, dans les profondeurs du vital (les Cercopes « hommes fourbes »). Ces mensonges tentent d’utiliser à leur profit les outils du yoga (les Cercopes tentèrent de dérober les armes du héros).
Dans les textes tardifs, Héraclès est surnommé le Mélampygos « l’homme aux fesses noires ou aux fesses poilues », faisant le plus probablement référence à une puissante énergie vitale. Le Cercopes sont alors faits prisonniers et emmenés chez Omphale suspendus par les talons, ce qui indiquerait un possible redressement de ces mensonges par un renversement.

Lorsque tout cela est accompli, le chercheur peut mettre fin aux dernières structures et aux ascèses liées à la libération en l’esprit (il met à sac Oichalie et tue les fils d’Eurytos). La lumière psychique de son côté élimine la suprématie de l’esprit (Eurytos fut tué par Apollon car il prétendait rivaliser à l’arc avec le dieu).

Le combat des dieux et des géants

Les sources qui mentionnent le combat des dieux contre les Géants sont relativement confuses du point de vue de la chronologie, sans compter que les traditions tardives ont souvent confondu les Titans et les Géants.
Homère ne mentionne ni Déjanire, ni le combat, ni même la divinisation d’Héraclès si l’on excepte la Nekuia (chant XI de l’Odyssée avec l’évocation des âmes disparues).

Il semblerait que le terme « Géant » ait été employé dans différents contextes pour décrire soit des forces qui dominaient avant l’irruption de la conscience mentale ou à ses tout débuts, soit des phases particulières du yoga.

Ainsi les Géants mentionnés par Homère dans l’Odyssée, au sujet desquels il n’est pas question de combat, évoquent des réalisations obtenues grâce à des capacités ou maîtrises très avancées (« des ardents Géants »), mais qui doivent être dépassées car le yoga dans l’incarnation n’est pas terminé :
Eurymédon était jadis le roi des ardents Géants mais il causa la perte de son peuple présomptueux et se perdit lui-même. La plus jeune de ses filles était Péribée, la plus belle de toutes les femmes. Poséidon s’en s’éprit et elle lui donna un fils, Nausithoos, premier roi des Phéaciens. Celui-ci dut conduire son peuple en Schérie car il subissait les assauts des Cyclopes.
Nausithoos engendra à son tour Alkinoos qui épousa Arété, la fille de son frère Rhexénor qui, sitôt marié, avait été tué par Apollon.
Alkinoos succéda à son père comme roi des Phéaciens.
Au début de ce mythe, Homère évoque en quelques mots le passage d’une période où le chercheur a acquis de puissantes capacités gouvernées par une vaste maîtrise (les ardents Géants dont le roi est Eurymédon). Mais cette ardeur est aussi liée à une certaine présomption, ce qui cause la fin de cette réalisation. Cependant, son dernier effet entraîne vers « tout ce qui concerne le processus d’incarnation » et se situe donc dans le juste chemin (La dernière fille d’Eurymédon était Péribée « la plus belle de toutes les femmes d’alors »).
Le yoga est alors dirigé par le subconscient et produit une rapide évolution qui permet l’apparition de forces dont le rôle est de faire franchir au chercheur « les barrières d’inconscience » (le fils de Péribée et Poséidon est Nausithoos « celui qui navigue rapidement », premier roi des Phéaciens).
À ce moment du chemin, le chercheur doit faire clairement la distinction entre ce qui relève de ses pouvoirs de vision intuitive et de nouvelles « perceptions lumineuses » qu’il doit protéger des premières en les rapportant au corps (en emmenant son peuple, les Phéaciens « la conscience lumineuse qui s’incarne » en Schérie « la terre ferme »)
De cette évolution surgissent deux mouvements
« une puissante volonté intelligente » ou « un esprit indomptable » qui gouvernera désormais le passage vers « la nouvelle lumière supramentale » (Alkinoos « un esprit puissant », roi des Phéaciens)
un mouvement de « percée » qui est arrêté par la lumière psychique alors qu’il veut s’appliquer au yoga, le plus probablement parce qu’il laisse trop de choses en arrière, insuffisamment purifiées (Rhexénor « celui qui effectue une percée dans les rangs ennemis » fut tué par Apollon). Toutefois, ce mouvement devait permettre d’identifier le but du yoga : Rhéxénor eut une fille Arété « celle qui est exaltée » qu’épousa son frère Alkinoos.
Cette « exaltation de la matière » est désormais le but du chercheur doté d’une « volonté indomptable » (Alkinoos épousa Arété).
Les Géants mentionnés dans ce passage de l’Odyssée n’ont donc aucun rapport avec ceux qui furent opposés aux dieux dans un combat qui traite des mouvements les plus avancés du yoga.
Un commentaire de l’Odyssée affirme même « qu’Homère ne connaît pas les choses qui se trouvent chez les nouveaux poètes et ne sait ni que les Géants étaient monstrueux et avaient des pieds en forme de serpents, ni qu’ils habitaient Phlégra, ni qu’ils combattirent contre les dieux ». S’il est possible de contester cette affirmation – car nous verrons avec l’étude de l’Odyssée que bien des combats d’Ulysse sont en rapport avec les Géants dont nous allons aborder l’étude – il faut se tourner vers d’autres sources pour trouver un récit du combat.

C’est celui d’Apollodore que nous suivrons, bien que cet auteur ait fait figurer ce combat à la suite de la guerre des dieux contre les Titans, à tort selon nous, car l’intervention d’Héraclès serait alors incompréhensible.
D’autres auteurs semblent le placer après l’apothéose du héros, c’est-à-dire lors de la psychisation du chercheur et son accès à la non-dualité considérée comme l’effacement de l’ego (celui qui est imperturbable, inébranlable, affranchi de l’attachement et de l’aversion, au-delà même de la préférence), ce qui nous semble en revanche assez logique.
Les Géants étaient les fils de Gaia et d’Ouranos, nés à Phlégra.
Ils étaient insurpassables en taille, irrésistibles en matière de force et d’apparence effrayante. Leurs membres inférieurs étaient faits d’écailles de serpent. Porphyrion et Alcyonée étaient les plus puissants d’entre eux. Ce dernier était même immortel tant qu’il combattait sur la terre où il était né. C’est lui encore qui emmena d’Érythie les bœufs du soleil Hélios, ce qui fut la cause de la guerre.
Il existait chez les dieux un oracle qui disait que les Géants ne pouvaient périr que si un mortel s’alliait aux dieux. Lorsqu’elle l’apprit, Gaia se mit en quête d’une drogue à procurer à ses enfants les Géants pour éviter leur mort. Peut-être même implora-t-elle Zeus pour qu’il les épargnât. Mais celui-ci défendit à Éos (l’Aurore), à Séléné (la lune) et à Hélios (le soleil) de se montrer et devançant Gaia, il cueillit lui-même la plante tout en faisant appel par l’entremise d’Athéna à l’alliance d’Héraclès.
Les Géants lançaient contre le ciel des rochers et des chênes enflammés.

Au même titre que les Titans, les Cyclopes et les Cent-bras, les Géants sont des puissances de la seconde génération divine. Toutefois, leur particularité est de ne pas être immortels. Ils ne représentent donc pas des forces appartenant au monde de l’unité, mais plutôt des éléments qui ont été utiles à un certain moment de l’évolution mais sont appelés à disparaître.
Ils sont apparus à Phlégra « qui s’oppose au feu (de l’évolution) » ou selon certains, sur la péninsule de la Pallène « le maintien de la stabilité » et c’est dans la plaine de ce nom que se tint le combat.
Ce sont, selon nous, des forces ou des mécanismes qui sont entrés en jeu au début de l’évolution et permirent la stabilisation des formes, principalement corporelles. Ce sont donc, aux yeux du chercheur qui vise non seulement la descente des forces divines en lui mais aussi la transformation (phase ultime du yoga selon Sri Aurobindo) des forces gigantesques « insurpassables pour la taille et irrésistibles pour la force ». Ces forces sont encore imprégnées de la puissance évolutive dont elles sont issues (leurs membres inférieurs étaient faits d’écailles de serpent).

Parmi ces forces, il en est deux particulièrement puissantes qui opposent la plus grande résistance à la transformation.
L’une est symbolisée par Porphyrion « ce qui se soulève en bouillonnant » qui exprimerait la qualité primordiale de la vie faisant irruption dans la matière par des jaillissements de type éruptif.
L’autre est représenté par Alcyonée « la puissance évolutive » à la racine de la vie mentalisée qui est faite de répétitions indéfinies selon des mouvements circulaires ou spiralés. Ce mouvement est indestructible tant qu’il conserve ses racines dans la matière (il était immortel tant qu’il combattait sur la terre où il était né). Ce Géant est si puissant dans son opposition à la transformation qu’il est même capable de récupérer à son profit des réalisations de la lumière supramentale (c’est lui qui emmena d’Érythie les bœufs du soleil Hélios).

À ce stade du yoga, ce n’est plus le seul jeu des forces de la nature et de l’esprit qui doivent conduire l’évolution mais une alliance des puissances de l’esprit et de la conscience humaine : l’homme doit s’allier aux dieux pour participer activement à son évolution, car il s’agit alors de dépasser les lois de la nature, le mental ne pouvant s’élever au-dessus de lui-même. C’est pourquoi « il existait chez les dieux un oracle qui disait que les Géants ne pouvaient périr que si un mortel s’alliait aux dieux » et c’est pourquoi aussi aucun Géant ne périt sans le concours du héros car« tous dans leur agonie furent frappés par les flèches d’Héraclès ». (Si Héraclès figure presque toujours aux côtés de Zeus, la participation de Dionysos semble avoir été introduite tardivement.)
Cette participation du pionnier de l’espèce requiert l’établissement progressif d’une absolue transparence, jusqu’à supprimer la moindre réaction personnelle, y compris dans le corps.
Mais la Nature qui est soumise au principe de stabilisation – et donc d’inertie – refuse la transformation et s’y oppose par tous les moyens possibles (Gaia se mit en quête d’une drogue à procurer à ses enfants les Géants pour éviter leur mort). Le supraconscient inhibe toutes les lumières supérieures qui, parce qu’elles sont expressions de la Vérité, pourraient permettre que l’existant trouve un moyen de se maintenir, et fait appel à la conscience « humaine » pour la transformation (Zeus interdit la manifestation d’Éos « la nouvelle lumière », Séléné « l’individualité vraie » et Hélios « la lumière supramentale », et fait appel à Héraclès). En effet, le chercheur doit « tâtonner » pour ouvrir le nouveau chemin, car « les puissances de Vérité » n’interviennent que là où la parfaite transparence est réalisée.

Puis Héraclès frappa Alcyonée de ses flèches. Tandis que, tombé sur le sol, celui-ci reprenait vigueur, Héraclès l’entraîna sur le conseil d’Athéna hors de la Pallène. C’est ainsi qu’il mourut.
Porphyrion s’étant élancé contre Héraclès et Héra, Zeus suscita en lui le désir de posséder la déesse. Comme le Géant déchirait ses vêtements et s’apprêtait à la violer, celle-ci appela au secours. Zeus frappa Porphyrion de sa foudre et Héraclès l’acheva de ses flèches.
Puis Apollon décocha une flèche dans l’œil gauche d’Ephialtès, Héraclès une autre dans son œil droit.
Dionysos tua Eurytos d’un coup de thyrse.
Hécate tua Clytios avec ses torches.
Héphaïstos tua Mimas avec des projectiles de fer rougis au feu.
Athéna lança sur Encelade l’île de Sicile puis elle écorcha Pallas. Avec sa peau, elle couvrit son propre corps.
Poséidon poursuivit Polybotès à travers la mer. Ce dernier parvint à Kos et le dieu lança sur lui un morceau de l’île appelée par la suite Nisyros.
Hermès, portant le casque d’Hadès, tua Hippolyte.
Artémis tua Gration.
Les Moires tuèrent Agrios et Thoon qui luttaient avec des massues de bronze.
Les autres furent abattus par Zeus à coups de foudre, et tous dans leur agonie furent frappés par les flèches d’Héraclès.

Le symbolisme des Géants tués correspond à des expériences de yoga très avancées.
Nous n’en donnerons ici qu’un aperçu, les sources dont nous disposons étant sujettes à caution, n’étant pas directement issues de grands initiés.
Alcyonée : nous avons décrit ci-dessus la puissante force liée à la première mentalisation de la vie et enfermée dans les nécessités de stabilisation des formes (Alcyonée à Pallène). Dans un premier temps, le chercheur tente vainement d’en venir à bout car ce qu’il croit avoir vaincu réapparaît aussitôt.
L’Alcyon était un oiseau qui faisait son nid sur la plage à la limite des vagues et chantait d’une voix plaintive. Il est donc le symbole d’un mental situé à la limite du monde vital et de la matière. Le Géant Alcyonée peut alors probablement être associé au plan que Sri Aurobindo appelle « le mental physique » qui était considéré comme le grand obstacle par les maîtres de sagesse grecs. C’est cette partie du mental qui s’occupe de l’interaction avec le monde matériel et à laquelle on ne prête habituellement aucune attention. Il est défaitiste, incrédule et inquiet de tout. Le « maître intérieur » (Athéna) fait savoir au chercheur que le seul moyen de vaincre ce Géant est de le séparer de son socle stabilisateur. Notons que Pindare traite séparément la lutte d’Héraclès contre Alcyonée et la situe juste après la défaite des Méropes à Kos et avant la guerre contre les Géants.

Porphyrion « ce qui se soulève en bouillonnant » pourrait exprimer la nature fondamentale de la manifestation de la force de vie dans la matière et non plus son modus operandi. Ceci aussi doit être transformé afin de permettre un autre fonctionnement du corps et la transformation des organes.
Il ne serait possible d’arrêter cette force que lorsque le chercheur peut l’amener à vouloir contrôler l’évolution (Zeus suscita en Porphyrion le désir de posséder Héra, ce qui lui permit de le foudroyer). Autrement dit, ce qui bloque en profondeur la transformation des processus archaïques vitaux ne peut être vaincu que si le chercheur lui permet de se manifester dans toute sa puissance, au risque sans doute de l’échec du yoga et peut-être même de la mort physique.

Éphialtès «  ce qui oppresse », c’est-à-dire « l’angoisse ». Ce Géant fait sans doute référence à une peur ou angoisse fondamentale de disparition. Pour la vaincre, il faut l’empêcher de percevoir ce qui la provoque (Apollon et Héraclès l’aveuglent).

Eurytos : peut-être faut-il considérer ici Eurytos comme le principe de séparation. Il est tué par l’extase résultant de l’union avec le Divin. (Dionysos tua Eurytos d’un coup de thyrse).

Clytios « célèbre » : les processus « bien établis » sont supprimés par la puissance qui est « sortie de l’erreur », qui est hors de « l’aveuglement de l’esprit » et manie les premières lueurs de Vérité (Hécate tua Clytios avec ses torches).

Mimas « le processus de répétition » est anéanti par la puissance surmentale créatrice des formes nouvelles (Héphaïstos tua Mimas).

Encelade « la vibration d’excitation » disparait sous l’action du maître intérieur qui la met face au « manque de sincérité » (Athéna lança sur Encelade l’île de Sicile).

Pallas : si l’on prend ce mot au sens d’une force assurant stabilité et cohésion, elle doit évidemment cesser pour permettre la transformation (Athéna écorcha Pallas et de sa peau, couvrit son propre corps). Seul le maître intérieur doit maintenir sa stabilité, tout le reste étant susceptible de transformation. Ce Géant Pallas ne doit pas bien sûr être confondu avec la compagne de jeu d’Athéna dont la déesse provoqua involontairement la mort.

Polybotès « ce qui nourrit abondamment » ou « les différentes manières d’alimenter » : le subconscient traque dans le vital les processus qui alimentent la structure actuelle jusqu’au point où il en comprend le mécanisme (Kos « ouverture de conscience ») puis le remplace par un nouveau et juste processus évolutif (Poséidon poursuivit Polybotès à travers la mer jusqu’à l’île de Kos et lança sur lui un morceau de l’île appelée par la suite Nisyros).

Hippolyte « l’énergie de vie contrainte ou au contraire débridée » : c’est le surmental, se manifestant à travers le silence mental, qui conduit le vital à l’exactitude (Hermès, portant le casque d’Hadès, tua Hippolyte).

Les Moires « les puissances qui règlent le destin » mettent fin à l’impétuosité et la violence des forces qui règnent aux sources de la vie (les Moires tuèrent Agrios « sauvage, violent » et Thoon « prompt » qui luttaient avec des massues de bronze).

Au combat contre les Géants, il faut peut-être ajouter celui d’Héraclès contre Géras « la vieillesse » figurant seulement sur des vases du Ve siècle avant J.-C. En effet, si l’accès à l’unité de la matière et de l’esprit constitue l’objet essentiel du yoga le plus avancé, la victoire sur le processus de vieillissement des cellules en est un corollaire dont les anciens devaient avoir l’intuition.

Le sac d’Oichalie, la mort d’Héraclès et son apothéose

Pour la fin des aventures du héros, nous considèrerons que la guerre des dieux contre les Géants eut lieu après sa mort et son apothéose.

Arrivé au terme de sa servitude chez Omphale, Héraclès revint à Oichalie, brûla la cité, et dépêcha le héraut Lichas pour ramener Iole chez lui à Trachis.
Nous avons vu qu’Eurytos « un grand développement sur le plan de l’esprit » avait refusé de donner au héros la main de sa fille Iole « la libération (intégrale) de la conscience » bien qu’il l’eut gagnée au concours de tir à l’arc. Héraclès avait alors tué le fils d’Eurytos, Iphitos. Bien qu’il ait été purifié du meurtre par Déiphobe, il avait été frappé d’une maladie dont il n’avait guéri qu’en se soumettant à une année de servitude auprès d’Omphale, reine de Lydie.
Le chercheur doit en effet encore subir une longue période de purification dans son corps et en suivant ses injonctions, purification à laquelle il a accepté de se soumettre sachant qu’il n’aurait plus le moyen d’interrompre ce yoga une fois engagé (Héraclès est esclave chez Omphale).
Ayant terminé cette purification, il détruit « les structures précédemment établies pour la libération en l’esprit » (libéré de cette servitude, le héros mit à sac Oichalie, la ville d’Eurytos).
Rappelons qu’Eurytos avait été le maître d’Héraclès pour le maniement de l’arc : une vaste ouverture en l’esprit avait permis d’affiner la direction du yoga. C’est la lumière psychique qui avait dévoilé ce but et les moyens de l’atteindre, lesquels devaient se transmettre jusqu’au terme du yoga (c’est Apollon qui lui avait remis son arc, lequel parvint à Ulysse par son fils Iphitos). Mais au-delà de la libération en l’esprit, seul le psychique est capable de conduire en vérité sur le chemin évolutif (Eurytos fut tué par Apollon car il avait prétendu rivaliser avec le dieu).

C’est Lichas « la concentration en vue de la liberté » qui conduit Iole dans la demeure du héros à Trachis « rude », ce qui annonce une difficile épreuve.

À partir de cet épisode, les récits divergent en fonction du moment où les différents auteurs ont situé la mort d’Héraclès au cours des trois derniers travaux, depuis la libération en l’esprit jusqu’aux débuts du yoga dans le corps.
Tous cependant ont repris la description d’Homère qui relate l’apothéose du héros en compagnie des dieux immortels et son union avec Hébé, le principe de l’éternelle jeunesse. Fille de Zeus et d’Héra, Hébé symbolise le plus haut niveau atteint par le chercheur, celui de libéré vivant ayant accédé à la non-dualité en l’esprit et au surmental. Le chercheur parvenu au stade du libéré vivant, ayant arraché la racine du désir et de l’ego (de ce qui crée le sentiment de séparation), peut vivre l’instant présent dans la joie.
La fin du héros est décrite de façon variable selon les auteurs :

Homère
Dans l’Iliade, Homère affirme que « le puissant Héraclès n’échappa pas à la mort : le courroux d’Héra et son propre destin (moira) triomphèrent de lui ». À l’instar d’Hésiode, il ne mentionne jamais Iole ni la mort du héros provoquée par le sang de Nessos.
Dans l’Odyssée, on comprend que le héros réside après sa mort en deux endroits distincts : d’une part sur l’Olympe où uni à Hébé, il partage la compagnie des dieux, d’autre part dans l’Hadès où son eidôlon (son double) converse avec Ulysse.
De ce double lieu de résidence, nous pouvons déduire que le chercheur a non seulement terminé le yoga personnel mais aussi qu’il a commencé le yoga du corps.
L’union du héros avec Hébé, déesse de « l’éternelle jeunesse » signe l’installation dans l’instant et « l’adaptation incessante au mouvement du devenir » : l’éternelle jeunesse en l’Esprit est réalisée et le héros recherche désormais celle du corps (le nom Hébé est en effet formé avec la lettre Bêta symbole de l’incarnation).

Sophocle
Sophocle et d’autres auteurs à sa suite présentent une vision différente de la mort du héros qu’ils situent lors d’une phase antérieure du yoga.
Déjanire, apprenant la venue d’Iole, craignit qu’Héraclès ne l’aimât plus qu’elle. Voulant s’assurer de son amour, elle versa sur une tunique le philtre d’amour que lui avait donné le Centaure Nessos et la fit porter à Héraclès.
Comme le poison consumait ses chairs, Héraclès voulut arracher la tunique mais elle restait collée à son corps. Il ordonna alors à Hyllos, l’aîné des fils qu’il avait eu de Déjanire et qui était encore un adolescent, de construire un bûcher funéraire sur l’Oeta sur lequel il pourrait s’immoler. (Dans une autre version, c’est lui-même qui érigea le bûcher). Déjanire, apprenant ce qu’elle avait provoqué, se tua. Avant de monter sur le bûcher, le héros demanda à Hyllos d’épouser Iole lorsqu’il aurait atteint l’âge d’homme afin qu’aucun autre homme ne puisse en faire sa femme.

A ce stade, le chercheur a atteint un haut niveau de détachement (Déjanire) mais cette libération est entachée du germe d’une illusion magique par laquelle il croit posséder le pouvoir de l’amour (Déjanire a déjà en mains le philtre donné par Nessos).
Il sent cependant qu’il est obligé de sacrifier en partie son détachement s’il veut aller vers plus de liberté (Déjanire craint qu’Iole ne la remplace dans le cœur du héros). Le détachement constitue en effet pour la phase ultérieure du yoga le plus grand obstacle car il peut détourner de l’action. Dans l’Agenda Tome 1, 17-12-1960, Mère explique que l’état d’endurance qui ne se laisse bouleverser par rien devient un obstacle très difficile à vaincre après avoir cependant constitué une étape indispensable, parce qu’il faut d’abord tout accepter avec une égalité parfaite avant de ne pouvoir rien transformer.
Aussi le chercheur se raccroche-t-il de toutes ses forces à ce « détachement », vivant ainsi une profonde contradiction : un attachement au détachement vu comme la suprême réalisation du yoga. Il plaque alors sur celui-ci, sans vraiment en être conscient, un mélange de « l’essence d’une quête d’unité non parfaitement purifiée » et de « la racine du désir à l’origine de la vie », autrement dit, le risque du désir universel (Déjanire offre à Héraclès la tunique imprégnée du poison fait du sang de Nessos et du venin de l’Hydre).
Le chercheur ne peut par ses seules forces se libérer de « ce poison qui a imprégné sa chair » (la tunique restait attachée au corps d’Héraclès) : pour clore cette phase du yoga, il n’a pas d’autre choix que d’accepter l’épreuve de la fusion avec le processus destructeur, avec la racine de la séparation.
Il se livre alors de manière radicale au feu purificateur qui le consume, abrégeant ainsi la souffrance liée à la séparation (le héros élève un bûcher sur lequel il s’immole).
C’est cette purification ultime qui libère de la racine du désir et de l’ego qui lui donne accès à la non-dualité et à l’instant présent (Héraclès accède à l’Olympe et s’unit à Hébé).
Ainsi s’achève le périple Héraclès « la gloire du mouvement juste » sur la montagne de l’Oeta « le destin accompli ».
Ce qui meurt alors de soi-même, c’est l’attachement au détachement, qui est aussi le dernier vestige du renoncement (Déjanire se suicide).
Mais le yoga ne peut s’interrompre ici et le but qui doit s’imposer désormais, au-delà du parfait détachement (de « l’égalité ») est une évolution vers un degré supérieur de liberté – la libération totale de la Nature selon les termes de Sri Aurobindo : c’est pourquoi Iole « la libération intégrale » est donnée pour épouse par Héraclès mourant à son fils Hyllos « une très grande liberté ».
Aucun autre yoga que celui de la quête d’une parfaite liberté par la purification et dans la consécration ne devra pouvoir prétendre conquérir la liberté intégrale (Hyllos devra épouser Iole pour qu’aucun autre homme ne puisse en faire sa femme).
Si donc le chercheur est déjà libre de tout jugement, toute préférence, tout désir et tout mouvement de dégoût et répulsion, il lui faudra encore conquérir la liberté du corps.

Les premières générations d’Héraclides

Les Héraclides désignent non seulement les enfants d’Héraclès mais aussi toute sa descendance.
Le mot employé par les anciens pour le retour à Thèbes des enfants du héros est καθοδος qui signifie non seulement « retour », mais surtout « descente ». Il ne s’agit plus en effet d’une montée vers l’esprit mais d’une descente dans la matière aux fins de purification (Thèbes).
Apollodore fournit une liste des nombreux enfants que le héros eut de ses différentes liaisons : avec les filles de Thespios, un roi d’Attique fils d’Érechtée, avec Déjanire – Hyllos, Ctésippos, Glènos et Onites, auxquels d’autres auteurs ajoutent une fille Macaria – puis avec Mégara et Omphale. Nous n’étudierons ici que le retour à Thèbes puis la reconquête du Péloponnèse par la descendance d’Hyllos, le fils aîné de Déjanire.

Eurysthée devint roi de Thèbes et chassa les enfants d’Héraclès qui se réfugièrent auprès de Céyx puis à Athènes auprès des fils de Thésée, Acamas et Démophon. Eurysthée menaça Athènes de guerre si on ne lui livrait pas les enfants. Comme les Athéniens refusaient, la guerre éclata.
Malgré son grand âge, Iolaos prit les armes. Eurysthée fut tué dans la bataille. Ses fils – Alexandros, Iphimédon, Eurybios, Mentor et Périmède – n’y survécurent pas non plus, ce qui permit aux Héraclides de revenir à Thèbes.
Eurysthée « une grande force (ou volonté personnelle) » étant celui qui imposa les travaux à Héraclès, sa mort marque l’accomplissement du yoga personnel.
Les noms de ses enfants expriment une velléité de poursuivre le yoga sur les mêmes bases que précédemment, la maîtrise, la libération et le rejet de la nature extérieure : Alexandre « celui qui repousse l’homme », Iphimédon « (qui travaille à) une grande maîtrise », Périmède « (qui vise) tout ce qui concerne la maîtrise » et Eurybios « une vie large (un vital purifié) ».

Le nouveau yoga semble commencer dans une direction juste : les enfants d’Héraclès se réfugient chez un Céyx homonyme « la conscience qui s’ouvre à ce qui descend » puis chez les fils de Thésée, rois d’Athènes, Démophon « la conscience supérieure qui pénètre de nombreuses parties de l’être » et Acamas « infatigable ».
Mais la puissance du mouvement précédent est encore très prégnante dans l’être (Eurysthée demande qu’on lui livre les enfants), ce qui entraîne un conflit intérieur (les Athéniens refusent de céder).
La voix et/ou la vision de la conscience qui dirigeait précédemment le travail de purification-libération, se mobilise à nouveau pour le combat (Iolaos, le cocher d’Héraclès, prit les armes). La grande force intérieure ou détermination qui a mené le yoga personnel jusqu’à l’union en l’esprit termine ici son action et toutes les velléités de reprendre les anciennes méthodes de yoga sont écartées (Eurysthée est tué ainsi que tous ses fils).

Pour la suite, nous ne disposons que de sources tardives, principalement celles d’Apollodore qui doivent donc être considérées avec les réserves d’usage. Elles comportent beaucoup de noms et peu d’éléments pour aider la compréhension. Nous avons cependant tenté d’en donner une interprétation.

Après la mort d’Eurysthée, les Héraclides attaquèrent le Péloponnèse et s’emparèrent de toutes les cités. Mais après une année, une épidémie fit rage. L’oracle interrogé déclara qu’ils étaient revenus trop tôt. Ils quittèrent alors le Péloponnèse et s’établirent à Marathon.
Hyllos, fils d’Héraclès, interrogea à nouveau l’oracle qui lui répondit qu’ils devaient attendre la troisième récolte pour rentrer. Mais il interpréta mal l’oracle, pensant qu’il s’agissait de trois années. Il attaqua donc lorsque les trois ans furent écoulés, son armée fut défaite et lui-même tué.
Aristomachos, petit-fils d’Hyllos par Cléodaios, interrogea lui aussi l’oracle et il lui fut répondu qu’il serait victorieux s’il prenait « le passage étroit ». Mais il fut tout de même vaincu avec son armée et périt, les Péloponnésiens étant sous le commandement de Tisaménos, fils d’Oreste.
Enfin, Téménos, le fils d’Aristomachos, interrogea à nouveau l’oracle qui lui fit la même réponse. Il s’en prit alors à l’oracle qui lui dit qu’ils interprétaient mal ce qu’il révélait : la troisième récolte ne signifiait pas la troisième année mais la troisième génération et le passage étroit n’était pas l’Isthme mais le large « ventre marin » à droite de l’isthme.
Téménos prépara l’armée et construisit des navires à Naupacte pour lancer une expédition qui devait être conduite par lui-même et ses deux frères, Cresphontès et Aristodèmos. Mais ce dernier fut tué par la foudre et ce sont ses deux fils, Proclès et Eurysthènes qui le remplacèrent.
Comme un soldat-devin récitait des oracles avec des transports inspirés, ils crurent que c’était un sorcier envoyé par l’ennemi et Hippotès le tua. Alors une calamité s’abattit à nouveau sur l’armée, la flotte fut détruite, les troupes de terre souffrirent de famine et l’armée se dispersa.
L’oracle consulté répondit que cela arrivait à cause du soldat-devin et conseilla alors à Téménos de bannir son meurtrier pour dix ans et de prendre pour guide « l’être à trois yeux ».
Les chefs de l’expédition rencontrèrent alors Oxylos monté sur un cheval borgne, ce qui fut pour eux le signe attendu, et ils le prirent pour guide.
Ils furent enfin vainqueurs et tuèrent Tisaménos, le fils d’Oreste.

Le chercheur veut reprendre le processus de libération-purification et rassemble à cette fin sous sa bannière les méthodes du yoga élaborées par son aspiration (les Héraclides reviennent à Thèbes et s’emparent de toutes les cités du Péloponnèse – la terre de Pélops, fils de Tantale).
Mais cette reprise est prématurée et provoque des désordres physiques.
Aussi le chercheur fait-il marche arrière un certain temps.
Puis, du fait d’une interprétation erronée des messages de son intuition, il provoque, en son impatience, un arrêt du yoga intégral (Hyllos « très libre » est tué).

Longtemps après, il tente à nouveau de reprendre le yoga en mobilisant ses meilleures capacités. Mais à nouveau il interprète mal ses intuitions. Bien qu’il soit déjà un guerrier de lumière, et bien qu’il ait emprunté « la voie étroite », il doit en effet terminer de purifier son karma (Aristomachos « l’excellent guerrier » est vaincu par les troupes de Tisaménos « celui qui paye ce qu’il doit », fils d’Oreste « celui qui se tient dans la montagne », lui-même fils d’Agamemnon.)
Une génération plus tard, soit la quatrième génération après Héraclès, comme le chercheur a toujours la même intuition du chemin, il la passe au crible de son « esprit positionné au plus haut de la conscience » (Téménos), comprenant enfin qu’il s’est égaré sur de fausses voies.
Il devait aller dans le « ventre marin », c’est-à-dire s’enfoncer dans les profondeurs du vital.

C’est alors du plus haut de son esprit que le chercheur se prépare au nouveau yoga, colmatant tous les manques de sa nature (il construit ses navires à Naupacte « qui calfate les navires »).
Comme il reçoit des intuitions extraordinaires de sa nature la plus ordinaire, il se méprend sur leur origine, les pensant envoyées par ce qu’on appelle aussi dans le yoga « les forces adverses » (comme un soldat-devin récitait des oracles avec des transports inspirés, ils crurent que c’était un sorcier envoyé par l’ennemi et Hippotès le tua). Autrement dit, le chercheur croit que ce qui remonte à sa conscience du fait du yoga appartient à l’ombre et doit être rejeté. Par sa haute maîtrise (du vital), il en supprime alors la source, et à nouveau le travail accompli est perdu et tout est à recommencer (une calamité s’abattit à nouveau sur l’armée, la flotte fut détruite, les troupes de terre souffrirent de famine et l’armée se dispersa).

Examinant cela à la lumière de son intuition psychique, le chercheur comprend que ce qui a induit en erreur doit être écarté du chemin pour un cycle entier de maturation (Hippotès doit être banni dix ans).
Il doit prendre pour guide « l’être à trois yeux » dont le symbolisme est peut-être en rapport le « troisième œil » (Ajna).
Il voit alors que c’est ce qui travaille à « la pointe de la liberté » (Oxylos) qui peut le conduire sur le chemin. C’est ainsi que l’esprit supérieur peut mettre fin définitivement au karma personnel qui lui est alors révélé (Téménos « la conscience supérieure » peut tuer Tisaménos « celui qui paye ce qu’il doit », fils d’Oreste « celui qui se tient dans la montagne »). C’est la confirmation du passage du yoga personnel au yoga pour l’humanité. Il est aidé dans cette tâche par « l’arrêt du fonctionnement mental de façon unilatérale » (Cresphontès) et aussi par « une incitation à aller de l’avant » (Proclès) et « une grande puissance » (Eurysthènes).

Les derniers Héraclides

Nous manquons de sources fiables pour analyser les dernières générations d’Héraclides. Hormis les noms, nous n’avons que des éléments succincts fournis par l’historien Pausanias au second siècle de notre ère que nous devons considérer avec prudence même si nous pouvons supposer que cet auteur a pu compiler des sources de valeur.
Bien que le nombre de générations dont Pausanias cite les noms soit impressionnant – plus de vingt après Héraclès – nous nous limiterons ici aux cinq premières dans la descendance d’Hyllos « une grande liberté », au travers desquelles nous pouvons percevoir les lignes directrices de la suite du yoga.
Nous avons vu ci-dessus qu’Hyllos eut un fils Cléodaios « le célèbre destructeur » qui indique le plus probablement le vaste nettoyage que fait l’aventurier de la conscience concernant ses certitudes sur la nature du yoga. Cléodaios fut le père d’Aristomachos « le meilleur guerrier ».
Hyllos et Aristomachos périrent tous deux lors des tentatives de conquête du Péloponnèse, faute d’avoir correctement interprété les signes. Et nous avons vu que l’armée des Héraclides, sous la conduite de Téménos, conquit enfin le Péloponnèse.

Les vainqueurs tirèrent alors au sort pour l’attribution des villes d’Argos, de Sparte et de Messène.
Ainsi était instituées trois lignées ou directions de yoga.

La première lignée est celle de Téménos « la conscience supérieure » qui s’installa à Argos : elle est donc associée à la lumière et à la Connaissance. Ce héros mit fin au karma personnel comme on l’a vu ci-dessus.
Il favorisa le couple de sa fille Hyrnétho unie à Déiphontès au détriment de ses trois fils : le chercheur privilégie « le juste mouvement de croissance intérieure » qui doit être atteint désormais par une transformation sans destruction (Hyrnétho unie à Déiphontès est celui « qui tue ce qui détruit ») au détriment des autres mouvements de yoga. C’est le principe de l’Amour transformateur comme but.

La seconde lignée exprime l’idée de la voie du milieu, car son fondateur Cresphontès, s’installa à Messène « l’évolution qui se tient au milieu », mais il fut tué avec ses deux fils par Polyphontès « celui qui détruit beaucoup » (celui qui procède à de nombreux nettoyages de l’ancien).
Son plus jeune fils, Aipytos « très élevé, inaccessible et/ou très profond » reprit le trône : une voie d’équilibre, la voie du juste milieu, permet à l’aventurier de la conscience qui a procédé à de nombreux nettoyages dans les anciens yogas de se hisser dans les hauteurs inaccessibles tout autant que de descendre dans les profondeurs de la conscience.

Enfin, la dernière lignée dirigée par Aristodèmos « la contrée la meilleure » ou par ses deux fils que l’on ne pouvait distinguer l’un de l’autre, Proclès « ce qui appelle en avant » et Eurysthènes « une grande puissance », exprime les nécessités liées à ce nouveau yoga. En effet, Proclès s’unit à Lathria « celle qui se cache » qui lui donna un fils Soous « celui qui est infaillible », et Eurysthènes à Anaxandra « le féminin qui dirige », toutes deux filles de Thersandros « l’homme qui brûle » (le feu intérieur).
De ce que nous avons pu en comprendre, la puissance dont dispose le chercheur parvenu à ce niveau d’évolution est telle qu’il est obligé de la voiler aux yeux des autres, tout en se maintenant dans une attitude de réceptivité-consécration totale.
De plus, apparaît dans la conscience une certitude d’infaillibilité et une attitude de consécration totale qui laisse le Divin diriger tout l’être (Soous et Anaxandra).

Cet épisode insiste sur le fait que le nouveau yoga prend pour base les mouvements les plus insignifiants de la conscience corporelle et de ses habitudes dans la vie quotidienne.