Les enfants du Titan Japet comprennent Atlas qui est le pÚre des Pléiades et symbolise la nécessaire ascension des plans de conscience, ainsi que la descendance de Prométhée qui illustre les expériences et réalisations correspondantes.
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Atlas portant le ciel sur ses Ă©paules en prĂ©sence de PromĂ©thĂ©e – Vatican Museums
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En effet, presque toutes les aventures des hĂ©ros ainsi que les grandes Ă©popĂ©es de la mythologie grecque sont organisĂ©es dans la descendance de deux couples de Titans seulement, ceux de Japet-ClymĂšne et dâOcĂ©anos-TĂ©thys. Font exception les rois dâAthĂšnes, la lignĂ©e de Tantale et la lignĂ©e royale dâArcadie. Il est donc dâune importance majeure de bien comprendre comment ces deux couples se situent lâun par rapport Ă lâautre.
Pour suivre lâĂ©volution vers une « Vie Divine » sur terre, et non en quelque lointain paradis, lâhomme doit sâengager dans deux processus distincts.
une « ascension des plans de conscience » jusquâĂ la rĂ©alisation de lâUnitĂ© avec le Divin. AprĂšs la phase de croissance vitale, depuis longtemps terminĂ©e, lâhumanitĂ© doit parcourir les plans du mental pour Ă©merger dans la conscience de VĂ©ritĂ©, le Supramental. Câest ce qui est dĂ©veloppĂ© dans la descendance de Japet.
une « intĂ©gration », qui consiste, lorsquâun nouveau palier de conscience est atteint dans la dĂ©marche dâascension, Ă hisser lâensemble de lâĂȘtre Ă cet autre niveau par une purification et une libĂ©ration progressives. Câest ce qui est dĂ©veloppĂ© dans la descendance dâOcĂ©anos.
Notons cependant quâil est possible, sans avoir parcouru tous les Ă©chelons de la conscience, de se fondre dans le SuprĂȘme par annihilation, processus qui ne requiert pas que lâĂȘtre intĂ©rieur soit individualisĂ© ni que la purification et la libĂ©ration des plans infĂ©rieurs soit effective. Ce sont des accĂšs Ă des « Nirvana » qui peuvent ĂȘtre atteints sur diffĂ©rents plans, ouvrant Ă diffĂ©rents types de « nĂ©ants ». CâĂ©tait considĂ©rĂ© autrefois dans bien des voies, et particuliĂšrement dans le Bouddhisme, comme la seule possibilitĂ© dâĂ©chapper Ă la souffrance. Mais câĂ©tait nier du mĂȘme coup la crĂ©ation.
La voie de lâascension-intĂ©gration, nâexcluant ni ne requĂ©rant de telles expĂ©riences, exige dâexprimer le SuprĂȘme en un ĂȘtre rendu parfait sur tous les plans et dans la totalitĂ© de ses capacitĂ©s, sans faire dâimpasse, et en procĂ©dant par Ă©tapes.
Dâautre part, si tous les chemins qui mĂšnent vers le haut sont ouverts depuis longtemps, ceux de la descente (dans le processus de purification et libĂ©ration) sont restĂ©s fermĂ©s jusquâĂ nos jours au niveau du mental physique et des plans du vital infĂ©rieur, jusquâau mental matĂ©riel. Certaines transformations semblaient en effet impossibles aux anciens initiĂ©s. (Rappelons quâil ne faut pas confondre le mental physique, premiĂšre couche du mental humain, avec le mental corporel qui se situe au niveau animal, ni encore en dessous avec le mental cellulaire qui se situe Ă la naissance de la vie dans la matiĂšre.)
Bien Ă©videmment, le processus ne se produit pas en une seule fois, mais en dâinnombrables mouvements dâascension-intĂ©gration, plus ou moins longs et plus ou moins importants, aux modalitĂ©s extrĂȘmement variables. Certains peuvent prendre une vie entiĂšre, dâautres quelques secondes. Certains passent inaperçus, dâautres rĂ©orientent totalement une vie, sans pour autant porter plus de fruits que les premiers. Toute extension ou assouplissement de la conscience, toute purification, toute libĂ©ration dâun attachement, en constituent les innombrables degrĂ©s.
Bien des obscuritĂ©s et dĂ©formations dans le vital et Ă fortiori dans le corps, ne peuvent ĂȘtre abordĂ©es sans que des forces suffisantes, dans les plans supĂ©rieurs, ne soient accumulĂ©es. Plus lâĂȘtre est avancĂ© et plus il est armĂ© pour sâengager dans les profondeurs vers les origines de lâĂ©volution.
Nombre de spiritualitĂ©s anciennes se heurtant Ă des obstacles en ces temps-lĂ insurmontables, dĂ©laissĂšrent cette voie dâascension-intĂ©gration. Elles privilĂ©giĂšrent les accĂšs directs aux vastes mondes silencieux et vides, ou bien sâorientĂšrent vers les chemins bien dĂ©frichĂ©s des pouvoirs de la nature, prĂŽnĂšrent la fuite loin des contingences de ce monde afin de gagner des « paradis » futurs, ou encore cherchĂšrent Ă libĂ©rer lâĂ©nergie « lovĂ©e » Ă la racine de la colonne vertĂ©brale, appelĂ©e « kundalini », pour faciliter lâaccĂšs vers le Soi, le Divin impersonnel. Hormis quelques allusions, ces autres voies ne semblent pas ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es dans la mythologie grecque qui considĂšre lâhomme dâabord comme un ĂȘtre mental et choisit de privilĂ©gier ce plan comme outil de travail sur la voie de la rĂ©alisation.
Il y a bien sĂ»r une corrĂ©lation entre le niveau atteint dans lâascension et les possibilitĂ©s de purification de la nature infĂ©rieure. Câest la raison dâĂȘtre des unions ou Ă©changes divers entre les hĂ©ros de lâune et lâautre branche.
Toutefois, il faudra veiller Ă ne pas utiliser la classification des plans de conscience et des expĂ©riences pour juger ou positionner qui que ce soit, puisquâil nây a en fait quâun seul continuum de conscience, que les expĂ©riences sont particuliĂšres Ă chacun et vĂ©cues dans des ordres ou Ă des degrĂ©s dâintensitĂ© diffĂ©rents. On Ă©vitera ainsi de tomber dans le travers des « grades », erreur commune Ă nombre de mouvements Ă©sotĂ©riques ou spirituels.
Dans chacune des deux branches principales, les mythes sont rĂ©partis en diffĂ©rentes sous-branches selon quâils concernent les enseignements ou les rĂ©cits dâexpĂ©riences, ou quâils sont destinĂ©s aux chercheurs ordinaires ou aux aventuriers de la conscience.
Des donnĂ©es historiques (hormis, bien sĂ»r, les Ă©lĂ©ments de la vie courante, les mĆurs et les coutumes des civilisations oĂč se dĂ©roulent les histoires) y sont parfois intĂ©grĂ©es, mais leur objet se limite Ă la transmission de la spiritualitĂ© au travers des civilisations dominantes. Aucun Ă©lĂ©ment ne vient confirmer par exemple, lâhypothĂšse dâune existence autre que symbolique de la ville de Troie, ou encore la rĂ©alitĂ© de lâinvasion dorienne qui, dans le cadre de cette Ă©tude, dĂ©crit simplement une soudaine irruption de « dons » (ÎŽÏÏα) ou « capacitĂ©s nouvelles » chez le chercheur qui sâinstalle dans le plan du mental supĂ©rieur.
Le mot Japet est construit autour des lettres Î+Î +΀ : lâaspiration (΀) Ă Ă©tablir le lien (Î ) dans la conscience (Î).
Le plan initiĂ© par ce Titan fait le lien entre tous les autres. Dans la manifestation actuelle, il reste incomplet, car câest celui de lâHomme futur. Non pas lâhomme actuel centrĂ© sur sa personnalitĂ© extĂ©rieure dĂ©formĂ©e par lâego, lâhomme qui se croit et se vit « sĂ©paré », mais lâHomme installĂ© sur le plan du surmental, en chemin vers le supramental, qui aura mis son ĂȘtre extĂ©rieur au diapason et au service de son ĂȘtre psychique.
Du fait de cette incomplĂ©tude, Japet est uni Ă une OcĂ©anide et non Ă une Titanide. Elle se nomme ClymĂšne, nom qui signifie « ce qui est acquis par l’entendement, ce qui est intĂ©gré » et aussi « cĂ©lĂšbre, renommé ». Leur descendance inclut tous les hĂ©ros et hĂ©roĂŻnes qui ont gravi ou graviront les degrĂ©s de la rĂ©alisation.
Lorsque la quĂȘte sera terminĂ©e, Japet devrait selon toute logique sâunir Ă la Titanide MnĂ©mosyne car lâHomme aura retrouvĂ© « la mĂ©moire » de ses origines. En attendant et pendant lâinterrĂšgne du mental, MnĂ©mosyne est liĂ©e Ă Zeus.
Rappelons briĂšvement lâhistoire de Japet et de ses enfants traitĂ©e au chapitre prĂ©cĂ©dent. Lors de la victoire des dieux sur les Titans, les forces de vie qui dominaient dans lâĂ©volution humaine cĂ©dĂšrent la place aux puissances de la conscience mentale. Les Titans cessĂšrent alors de sâexprimer librement en lâhomme. Sur lâordre de Zeus, Japet fut relĂ©guĂ© avec ses frĂšres dans le Tartare et lâon nâentendra plus parler de lui dans les mythes.
Avant lâexil, sa femme lui avait donnĂ© quatre enfants : Atlas, MĂ©noitios, PromĂ©thĂ©e et ĂpimĂ©thĂ©e, eux-mĂȘmes Ă lâorigine de deux grandes lignĂ©es :
Les enfants dâAtlas dressent un inventaire des plans de conscience.
La descendance de PromĂ©thĂ©e et dâĂpimĂ©thĂ©e, par les branches dâHellen et de ProtogĂ©nie, dĂ©crivent les expĂ©riences et dangers rencontrĂ©s lors de lâascension de ces plans, respectivement Ă lâintention des chercheurs ordinaires et Ă celle de ceux « qui marchent en avant », les « aventuriers de la conscience ».
La branche dâHellen (celle qui conduit vers « lâĂ©veil » selon le nom de sa femme OrsĂ©is) et de son fils Ăole (« celui qui est toujours en mouvement » uni Ă EnarĂ©tĂ© « ce par quoi on excelle »), comprend les grands hĂ©ros qui jalonnent de leurs aventures le chemin de la quĂȘte de VĂ©ritĂ©, tels Phrixos, BellĂ©rophon, Jason et Ulysse. Japet est le mouvement pour faire le pont jusquâau plus haut de la conscience.
Celle de ProtogĂ©nie dĂ©crit « ce qui naĂźt en avant ». Elle expose la nature des toutes derniĂšres conquĂȘtes spirituelles des « aventuriers » de la GrĂšce antique qui seront abordĂ©es en fin dâouvrage avec lâIliade et lâOdyssĂ©e.
ATLAS
Atlas, rappelons-le, symbolise le lien entre lâEsprit et la MatiĂšre car, les pieds sur la terre, il « soutient le vaste ciel de sa tĂȘte et ses bras infatigables ».
Dans la version dâHomĂšre, ce nâest pas lui qui porte le ciel : « Il (Atlas) connaĂźt les profondeurs de toutes mers et veille Ă lui seul sur les hautes colonnes qui gardent le ciel Ă©cartĂ© de la terre ». Le processus de sĂ©paration de la MatiĂšre et de lâEsprit intervenant dĂšs les commencements de la vie, il connaĂźt donc les profondeurs des mers. (Certains auteurs le confirment en le dĂ©crivant les pieds dans lâeau.) Il est en quelque sorte le garant de cette sĂ©paration tant que lâhumanitĂ© nâa pas franchi la totalitĂ© des Ă©tapes reprĂ©sentĂ©es par ses enfants.
Si Atlas tient sĂ©parĂ© lâEsprit de la MatiĂšre, il est aussi la puissance qui fait le lien entre ces deux pĂŽles et plus prĂ©cisĂ©ment entre le sommet de lâĂ©volution vitale et le monde Supramental. Les Anciens lui donnĂšrent donc pour compagne PlĂ©ionĂ©, une OcĂ©anide dont le nom signifie « ce qui emplit de conscience ».
Avec les lettres structurantes, Atlas reprĂ©sente « la libertĂ© au plus haut de lâesprit » (΀Î).
Ses enfants, les PlĂ©iades, reprĂ©sentent le vide quâil faut combler, les Ă©chelons quâil faut gravir dans la conscience mentale pour retrouver lâunitĂ© perdue. Leur prĂ©sence dans les diffĂ©rentes branches gĂ©nĂ©alogiques constitue donc un indice trĂšs important sur lâĂ©tape du chemin concernĂ©e.
Elles sont Ă lâorigine de grandes lignĂ©es que nous Ă©tudierons plus tard.
Dans la mythologie astronomique, elles furent transformĂ©es en Ă©toiles, la constellation des PlĂ©iades, câest-Ă -dire quâelles devinrent des repĂšres mentaux (dans le ciel) pour le chercheur.
Hyas et les Hyades
Certains auteurs voulurent sans doute insister sur le fait que la sĂ©paration nâavait pas seulement eu lieu sur le plan mental humain mais quâelle Ă©tait advenue dĂšs les racines de la vie Ă lâapparition des premiers circuits nerveux supports de la mentalisation. Aussi donnĂšrent-ils des sĆurs aux PlĂ©iades, les Hyades, et un frĂšre, Hyas, lâensemble semblant indiquer une sĂ©rie Ă©volutive. Toutefois les sources les concernant, Hygin et Ovide, sont peu claires et ne nous permettent pas dâen donner une interprĂ©tation. Ajoutons que, contrairement aux PlĂ©iades, les Hyades ne symbolisent pas les plans de conscience du vital qui sont dĂ©crits par les enfants de Pontos. Elles semblent donc difficilement sâintĂ©grer dans la cohĂ©rence du corpus mythique.
Les Pléiades
Nous les avons dĂ©jĂ Ă©voquĂ©es rapidement dans le chapitre deux, lors de lâĂ©tude dâHermĂšs
Elles forment lâĂ©chelle des niveaux du mental que lâhomme doit gravir au cours de son Ă©volution. Aussi sont-elles en filigrane de la plupart des mythes, soit par leurs alliances, soit par des noms homonymes. La comprĂ©hension de leur symbolisme, associĂ© Ă celui des enfants dâĂole, est donc essentielle pour lâinterprĂ©tation des mythes.
Les Anciens nâont pas donnĂ© leur ordre de succession. Elles ont donc Ă©tĂ© classĂ©es ici dâune part en fonction de leurs unions avec PosĂ©idon, Sisyphe, Ares et Zeus (depuis le subconscient jusquâaux plus hauts niveaux du mental en passant par lâintellect), et dâautre part selon les hĂ©ros qui figurent dans leur descendance. Les mythes oĂč elles interviennent confirment cet ordre de progression depuis le « mental physique » jusquâau « surmental ».
Nous avons retenu dans cet ouvrage les dĂ©nominations quâen a donnĂ©es Sri Aurobindo. Lui-mĂȘme avait adoptĂ© la classification des Anciens (reposant sur le symbolisme du CaducĂ©e bien antĂ©rieur Ă lâĂ©poque grecque) et Ă©tait revenu au sens premier des mots. Ainsi, lâappellation « ĂȘtre psychique », donnĂ©e au corps qui se forme autour de lâĂ©tincelle divine (lâĂąme) correspond bien au terme grec PsychĂ© (ΚÏ
Ïη), lequel est utilisĂ© en français de toute autre maniĂšre de nos jours pour dĂ©signer des activitĂ©s mentales-vitales.
Bien que le dĂ©coupage puisse sembler au premier abord un peu arbitraire, ces plans correspondent Ă des expĂ©riences prĂ©cises et lâidentification peut donc se faire sans trop de difficultĂ©s par-delĂ les siĂšcles.
Avant que ne soient abordĂ©s plus en dĂ©tail ces plans, la structure de la conscience doit ĂȘtre dĂ©finie, telle quâelle apparaĂźt aux chercheurs de vĂ©ritĂ© et telle quâon la retrouve dans les mythes grecs (aussi bien que dans les Ă©crits des initiĂ©s Ă condition de faire les Ă©quivalences).
La crĂ©ation, tout dâabord, peut ĂȘtre ramenĂ©e Ă trois principes Ă©lĂ©mentaires : la matiĂšre, la vie et le mental.
Comme rien ne peut surgir du nĂ©ant, il faut admettre que la vie et le mental Ă©taient involuĂ©s dans la matiĂšre dâoĂč ils ont Ă©mergĂ© au cours des millĂ©naires de lâĂ©volution. La vie a dâabord produit le rĂšgne vĂ©gĂ©tal. Puis vint lâĂ©mergence du mental avec lâapparition des cellules nerveuses et la constitution progressive dâun cerveau animal qui permit lâĂ©laboration de « lâego » animal. Sur cette base, vinrent se superposer des capacitĂ©s propres Ă lâhomme (langage, rĂ©flexivitĂ©, etc.), apportant une plus ou moins grande domination du mental sur les fonctionnements vitaux.
Ce dĂ©veloppement sur des millions dâannĂ©es repose sur une vaste Ă©chelle de plans de conscience qui ne nous sont pas accessibles dans leur totalitĂ©, loin sâen faut, depuis les plus obscurs, proches de lâinconscience primordiale, jusquâaux plus lumineux, dans les hauteurs de lâEsprit.
De mĂȘme que pour les plans de conscience, il semble utile de prĂ©ciser Ă nouveau ici la rĂ©partition de la conscience en quatre catĂ©gories, dĂ©finies par Sri Aurobindo et exactement transposables Ă la mythologie.
La premiÚre concerne ce qui est « inconscient », profondément involué dans la matiÚre et que notre période évolutive ne peut encore ramener à la conscience. (Cette acception du terme « inconscient » diffÚre donc de celle de la psychologie moderne).
La deuxiĂšme catĂ©gorie est le « subconscient » qui correspond Ă peu prĂšs Ă notre inconscient actuel mais beaucoup plus Ă©tendu car il emmagasine toutes nos impressions, sensations et sentiments, aussi insignifiants soient-ils pour notre conscience de veille. Ce quâil enregistre Ă chaque fois est un ensemble de qualitĂ©s vibratoires et non une forme ou une image prĂ©cise. Câest la raison pour laquelle certains Ă©lĂ©ments restituĂ©s dans nos rĂȘves se revĂȘtent dâimages bizarres, souvent incomprĂ©hensibles, mais propres Ă chacun.
Dans ce subconscient, il nây a rien dâorganisĂ© ni de cohĂ©rent. Ce nâest quâun vaste rĂ©servoir utilisĂ© par lâĂ©volution comme base de ses activitĂ©s. De lĂ , surgissent constamment des Ă©lĂ©ments tels quâinertie, courants dĂ©pressifs, faiblesse, peurs, dĂ©sirs, colĂšres et appĂ©tits obscurs, qui envahissent vital et mental, et mĂȘme des influences qui se transforment en maladies. Il sâĂ©tend de lâinconscient jusquâau supraconscient et comprend une partie individuelle et une partie universelle.
Enfin, au-dessus de la zone consciente, plus ou moins vaste selon les individus, est le supraconscient.
Ces définitions impliquent que ces zones varient selon chacun.
De toute Ă©vidence, la plupart des comportements sont dictĂ©s par le subconscient, quoique lâhomme puisse parfois en penser.
Sâil y a dans la conscience une Ă©chelle verticale des plans (la verticalitĂ© est une image, si ancrĂ©e dans les esprits quâil est difficile de sâen abstraire), il y en a aussi une dans la profondeur oĂč le personnel, sur tous les plans, se fond progressivement dans lâuniversel, de façon subconsciente. Ainsi, dans toutes les dimensions, lâhomme participe de lâUnitĂ©. Chaque plan (mental, vital, physique) peut donc ĂȘtre considĂ©rĂ© Ă la fois dans sa verticalitĂ© et dans sa profondeur, dans son intensitĂ© vibratoire et dans sa partie personnelle ou universelle (impersonnelle). Cette description explique lâinsistance des enseignements spirituels sur un « élargissement » indĂ©fini de la conscience dans toutes les directions.
Ce que nous percevons dâun plan en nous ou en lâautre, selon notre niveau de conscience, nâen est quâune partie plus ou moins superficielle dĂ©formĂ©e par lâego, ainsi que par les rigiditĂ©s et les dĂ©formations hĂ©ritĂ©es de lâĂ©volution gĂ©nĂ©rale et personnelle. DerriĂšre, se tient un plan vaste, non dĂ©formĂ©, qui doit sâimposer au fur et Ă mesure de lâĂ©volution. Ce plan vrai est appelĂ© « subliminal » par Sri Aurobindo. Et comme ce dernier lâexplique, il est en relation avec le plan cosmique correspondant qui est hors de lâespace-temps et contient toutes les possibilitĂ©s. Ainsi, il existe une « matiĂšre corporelle vraie », solidaire de tous les autres corps, infiniment plus souple et plus puissante que nous ne lâimaginons. De mĂȘme, il y a un « vital vrai », non dĂ©formĂ© par les dĂ©sirs et les peurs qui peut puiser dans le vital cosmique des Ă©nergies incalculables. Alors que le vital de surface est Ă©troit, bornĂ©, ignorant, plein dâappĂ©tits et de rĂ©voltes, dâexaltations et de dĂ©pressions, le vital vrai est fort, vaste, ferme, inĂ©branlable et joyeux, non soumis aux influences multiples extĂ©rieures. Enfin il y a un « mental vrai » non limitĂ© par nos opinions, prĂ©jugĂ©s ou prĂ©fĂ©rences, ou par notre ego Ă©triquĂ©. Quand la partie sĂ©paratrice logique sâest tue, ou plutĂŽt sâest limitĂ©e Ă sa seule fonction exĂ©cutrice, et quand agit pleinement lâintuition en union avec la VĂ©ritĂ©, ce mental vrai est capable de recevoir du mental universel toute la connaissance qui lui est nĂ©cessaire. Toutefois le mental logique qui participe du processus de discernement dans le mental ordinaire humain, ne peut ĂȘtre Ă©cartĂ© tant que le discernement intuitif ne sâest pas mis en place. Il reste donc longtemps un outil indispensable en particulier dans la lutte contre les illusions.
Notons Ă©galement des correspondances entre les sous-plans parfois bien difficiles Ă distinguer. Ce mĂ©lange provient de la superposition de couches successives lors de la constitution du systĂšme nerveux et plus particuliĂšrement du cerveau, chaque nouvelle couche sâĂ©laborant sur la base de fonctions existantes. Par exemple, le « vital-mental », sous-plan du vital, est parfois difficile Ă distinguer du « mental-vital », sous-plan du mental. Dans le premier cas, il sâagit dâune mentalisation de la matiĂšre vitale Ćuvrant Ă la constitution du « moi animal », pulsionnel, instinctif, mais non rĂ©flexif. Dans le second cas, le mental appuie ou justifie les « rĂȘves » de lâego (rĂȘves de grandeur, etc.) et les expressions vitales, (Ă©motions, sentiments, dĂ©sirs, etc.) en vue de lâaction. Les diffĂ©rences sont encore plus difficiles Ă dĂ©celer entre le mental-physique propre Ă lâhomme et les couches du mental matĂ©riel et cellulaire, commun Ă toutes les formes vivantes.
Plus la couche est Ă©levĂ©e, plus elle est active dans lâĂ©volution. DâoĂč ce qui apparaĂźt comme une accĂ©lĂ©ration foudroyante de lâĂ©volution durant les deux derniers millions dâannĂ©es, alors que le temps Ă©volutif semblait presque figĂ© auparavant.
Dans cet ouvrage, ce que lâon appelle le « physique » est la matiĂšre corporelle proprement dite, incluant les organes et systĂšmes du corps, avec ses automatismes soumis aux horloges biologiques, ses mouvements rĂ©flexes, fonctionnant selon des mouvements rĂ©pĂ©titifs et mĂ©caniques.
Le « vital » est un ensemble de plans oĂč se manifestent de façon prĂ©pondĂ©rante les Ă©nergies de vie, plus ou moins mentalisĂ©es. Ă sa base, il y a une puissance de volontĂ©, de croissance, de rĂ©alisation et dâaction. Dans lâhomme, il est fait de dĂ©sirs, de passions, dâĂ©motions, dâĂ©nergies dâaction et de rĂ©alisations et aussi de tout le jeu des instincts de possession et de ce qui en dĂ©coule : colĂšre, aviditĂ©s, convoitises, etc. La force qui lâanime est bien visible dans le rĂšgne vĂ©gĂ©tal : une tension et une aspiration Ă croĂźtre. En lâanimal, elle devient besoin et en lâhomme elle se mue en dĂ©sir. DâoĂč les mouvements pour sâapproprier ce qui favorise la croissance et en particulier celle de lâego quand le temps de lâindividuation est venu. Et comme, dans les plans de conscience jusquâau surmental, tout est fondĂ© sur un double aspect, le vital se manifeste par des mouvements duels qui sont chacun lâenvers et lâendroit dâune mĂȘme vibration : amour/haine, attirance/rĂ©pulsion, etc. Le vital aime et entretient le drame et la souffrance autant que le plaisir, ce qui nâest pas le cas du corps ni du mental.
Mais le vital est le moteur : il ne peut donc ĂȘtre rĂ©primĂ© ou supprimĂ©, mais doit ĂȘtre purifiĂ©.
Nous avons étudié la classification des cinq niveaux de la conscience vitale liée au rÚgne animal dans le chapitre précédent avec les enfants de Pontos : vital-physique (Nérée), vital vrai (Thaumas et ses enfants, Iris et les Harpyes), vital-émotif (Phorcys), vital-mental (Céto) et vital supérieur (Eurybié).
Nous nous intĂ©ressons maintenant aux sept plans de la conscience mentale propres Ă lâhomme, illustrĂ©s par les sept « PlĂ©iades », plans que nous avons dĂ©jĂ abordĂ©s succinctement dans le chapitre des dieux avec HermĂšs.
Ils sâĂ©chelonnent depuis le « mental physique », orientĂ© vers la manipulation de la matiĂšre et la satisfaction des besoins corporels, jusquâau niveau le plus Ă©levĂ© appelĂ© « surmental », qui est le plan des dieux. Lorsque les PlĂ©iades, par leurs alliances, interviennent dans les mythes, câest pour exprimer la dynamique particuliĂšre dâun plan donnĂ© ou dâun processus.
Les deux plans infĂ©rieurs, « mental physique » et « mental vital » sont reprĂ©sentĂ©s par AlcyonĂ© et CĂ©laeno qui toutes deux ont eu une liaison avec PosĂ©idon. Ce sont donc des fonctionnements subconscients. La troisiĂšme PlĂ©iade, MĂ©ropĂ©, associĂ©e au mental logique ou « intellect », est unie au mortel Sisyphe, le premier des enfants dâĂole.
Ces trois premiers plans sont Ă©troitement liĂ©s aux plans du vital, le mental humain Ă©tant venu se surimposer Ă lâexistant. Ils sont donc le lieu dâun mĂ©lange entre ce qui provient des plans du vital (les enfants de Pontos), et ce qui a Ă©tĂ© apportĂ© par les dĂ©veloppements ultĂ©rieurs.
Les plans suivants sont, pour lâhomme ordinaire, supra-conscients. Celui de StĂ©ropĂ©, unie Ă un fils de Zeus, le dieu ArĂšs, reprĂ©sente le « mental supĂ©rieur ». Lâhomme nây accĂšde quâĂ un stade assez avancĂ© de son Ă©volution, et ne peut y faire au dĂ©but que des incursions. Les trois derniĂšres PlĂ©iades, Ălectre, TaygĂšte et Maia, unies Ă Zeus lui-mĂȘme, reprĂ©sentent les plans du « mental illuminé », du « mental intuitif » et du « surmental ». Le dernier niveau, celui de MaĂŻa, qui correspond au surmental est la limite extrĂȘme des possibilitĂ©s de rĂ©alisation de lâhumanitĂ© actuelle car câest le plan des dieux. HermĂšs, le fils de Maia est en effet lui-mĂȘme un dieu.
Dans cette Ă©tude, le sens du terme « surhomme » correspond Ă celui que Satprem lui donne dans son livre « La genĂšse du surhomme » et par lequel il dĂ©finit lâhomme qui sâimprĂšgne de la « nouvelle conscience » apparue sur la terre (peut-ĂȘtre est-ce celle dont la MĂšre parle en dĂ©tail dans lâAgenda de lâannĂ©e 1969). Il ne fait rĂ©fĂ©rence ni au chercheur parvenu au plan du surmental, ni au surhomme de Nietzche qui se veut une amĂ©lioration de lâhomme existant. Cette nouvelle conscience serait une premiĂšre manifestation du supramental afin de prĂ©parer lâhumanitĂ© Ă la transformation correspondante.
Dans lâAgenda (Tome 1, p160, 10 mai 1958), MĂšre dĂ©crit Ă©galement ce « surhomme » comme un intermĂ©diaire entre lâhomme et lâĂȘtre supramental.
MĂȘme si lâaction du supramental commence Ă se faire sentir dans lâhumanitĂ©, le travail conscient de transformation vers lâĂȘtre supramental ne peut ĂȘtre fait que par un tout petit nombre dâindividus.
La plupart des indications donnĂ©es ci-dessous sur les plans de conscience proviennent de lâĆuvre de Sri Aurobindo.
Le mental physique (sensoriel)
Le « mental physique » fait lâinterface entre les activitĂ©s physiques et le mental humain. Câest lui qui intervient dans notre rapport au monde objectif en mentalisant la façon de satisfaire les « besoins », au-delĂ des activitĂ©s purement instinctives et rĂ©flexes de lâanimal, mais sans en chercher la raison. A son niveau le plus bas, câest un mental « mĂ©canique » qui enregistre les habitudes rĂ©flexes de la conscience matĂ©rielle et les rĂ©pĂšte.
Il assure de la meilleure façon possible les besoins essentiels (du moins ceux que nous considĂ©rons comme tels) le bien-ĂȘtre du corps et la satisfaction des sens : nourriture, sommeil, sĂ©curitĂ©, reproduction, etc. Il soutient par lâinertie mentale – lâabrutissement issu des mondes de lâignorance et la paresse de la pensĂ©e – les fonctionnements du physique et du vital : habitudes, excitation, inconstance, etc., et les dĂ©fend par des arguments sans fondements. Câest un mental qui recule devant lâeffort, inapte Ă la concentration et qui mĂ©prise le travail de lâintellectuel. Il soutient le vital, amoureux de la souffrance et des sensations fortes. Il dĂ©veloppe par exemple tout argument visant Ă dĂ©fendre lâĂ©talement de faits divers violents ou sordides, sous prĂ©texte du droit Ă lâinformation. Se focalisant sur les catastrophes, il les attire. PrivĂ© de la lumiĂšre de la conscience par les millĂ©naires de lâĂ©volution, câest un mental incrĂ©dule et dĂ©faitiste, liĂ© Ă la souffrance physique.
Le type pur de lâhomme qui fonctionne sur ce plan est « lâhomme physique », uniquement guidĂ© par ses sens et seulement prĂ©occupĂ© de satisfaire ses instincts, ses dĂ©sirs sensuels et les besoins de son corps. La sĂ©curitĂ© est son obsession. Il abhorre le changement et craint lâinconnu. Son expression, sa « vĂ©rité » est celle du « clan » bien quâil lâaffirme comme originale et sienne. Qui pense diffĂ©remment a forcĂ©ment tort. Il dĂ©lĂšgue volontiers son indĂ©pendance de jugement Ă lâ «expert». Les grandes questions mĂ©taphysiques lâennuient. Pour le gouverner, il Ă©lit celui qui lui promet un maximum de bien-ĂȘtre et de facilitĂ© de vie. Son mode dâaction est « prendre » et son dieu, lâargent. Lâaffirmation de son ego en formation est sa premiĂšre prĂ©occupation.
Pour rĂ©veiller sa nature « endormie », il a besoin du choc des sensations fortes. Pour Ă©veiller sa sensibilitĂ©, il a besoin de grands chocs gĂ©nĂ©rant une souffrance Ă laquelle il est trĂšs attachĂ© bien quâil prĂ©tende la fuir.
Il ne rĂȘve ni de libertĂ©, ni de grandeur. GĂ©nĂ©ration aprĂšs gĂ©nĂ©ration, il se satisfait dâune rĂ©pĂ©tition immuable. Seul est tenu pour vrai ce que perçoivent ses sens. Ses relations avec les autres nâexistent que dans le rapport dominant/dominĂ©. Son regard ne porte jamais plus loin que son petit cercle dâintĂ©rĂȘt ou ses liens de sang. Insensible Ă lâidĂ©al, il est toujours prĂȘt Ă servir de nouveaux maĂźtres selon les circonstances. Et si la vie lui octroie des parcelles de pouvoir, il se comporte en petit chef plus ou moins tyrannique. Pour calmer les rares Ă©mergences dâune conscience endormie, il utilise ses capacitĂ©s mentales pour justifier son Ă©goĂŻsme et ses comportements mesquins. Il laisse sâexprimer ou rĂ©prime ses Ă©motions et ses passions sans aucun souci de comprĂ©hension ni de maĂźtrise mais seulement en fonction des contraintes extĂ©rieures. La loi quâon lui impose est sa seule limite car il ne sâest pas encore construit de loi intĂ©rieure. Il craint et adore tout Ă la fois les expressions de la force brute. Vivre et affirmer son petit moi est son unique but.
Le clan, quel quâil soit, familial, social, sportif, etc. est son rempart contre le monde. Il est identifiĂ© Ă ses habitudes, ses coutumes et ses lois.
Il nâa aucune aspiration pour le monde de lâesprit. Par crainte, il respecte les manifestations de pouvoir quâil ne comprend pas. Sans questionnements, il adore les dieux que sa culture lui propose, observe les rites que ses prĂȘtres ont instaurĂ©s et honore ses morts, seule concession faite Ă lâau-delĂ .
Parmi les PlĂ©iades, ce mental physique est reprĂ©sentĂ© par AlcyonĂ©, nom qui indique « une force » en Ă©volution. Câest un homonyme de lâAlcyonĂ© dont nous avons parlĂ© ci-dessus, la fille dâĂole qui a Ă©pousĂ© CĂ©yx le fils de lâAstre du matin Ăosphoros (Lucifer), puis fut transformĂ©e en alcyon cet oiseau qui fait son nid Ă la limite des vagues. Câest donc un commencement de mentalisation du vital, un dĂ©but de discernement qui se hisse hors du subconscient (PosĂ©idon).
AlcyonĂ© eut de PosĂ©idon une fille AĂ©thousa et deux garçons jumeaux, HyperĂšnor (ou HypĂšres) et HyriĂ©us, symboles des deux attitudes opposĂ©es du mental Ă©mergeant, une « arrogance » pour le premier et « un juste mouvement dâĂ©volution » pour le second. Ce dernier sâunit Ă Clonia « accĂ©lĂ©ration ou prĂ©cipitation » et lui donna deux enfants, NiktĂ©e et Lykos, « la nuit » et « la lueur », que nous retrouverons dans le mythe dâĆdipe.
AĂ©thousa, « celle qui est Ă©clairĂ©e ou enflammĂ©e » sâunit Ă Apollon et lui donna Eleuther « celui qui est libre », symbole dâune libĂ©ration du mental corporel rendu plastique et rĂ©ceptif sous lâeffet de la lumiĂšre psychique.
Le mental vital
Le deuxiĂšme plan, reprĂ©sentĂ© par la PlĂ©iade CĂ©laeno, est « un mental de volontĂ© dynamique (et non rationnalisant), dâaction, de dĂ©sir, prĂ©occupĂ© de force et dâaccomplissement, de satisfaction et de possession, de jouissance et de souffrances, du besoin de donner et de prendre, de croĂźtre et de sâĂ©tendre, soucieux de rĂ©ussite et dâĂ©chec, de bonne et mauvaise fortune etc. »
Ce mental vital se sert de la raison Ă ses propres fins, soutient les passions, dĂ©sirs, Ă©motions, etc., les justifie, leur fournit prĂ©textes ou excuses. Il se manifeste soit dans lâaction, soit dans lâimaginaire par des rĂȘves Ă©veillĂ©s de grandeur et dâhĂ©roĂŻsme.
Câest un mental indisciplinĂ© et arrogant qui, comme le mental physique, reste vellĂ©itaire. Il aime expĂ©rimenter le pouvoir, les passions, les aventures et jouir de lâaction.
Pour lui, la VĂ©ritĂ© se confond avec ce quâil espĂšre et donc avec ses croyances.
Il a une tendance au manichĂ©isme (fonctionne sur la base jâaime/je nâaime pas, bon/mĂ©chant, etc.). Il aime Ă se poser en dĂ©fenseur de la vertu contre le vice mĂȘme sâil sait pertinemment quâil nâa rien rĂ©solu en lui-mĂȘme.
Il admire le raffinement des sentiments et lâexpression des passions dans les arts.
Le type pur de lâhomme vital place au premier plan la satisfaction des besoins et dĂ©sirs de sa nature vitale, principalement Ă©motive : passions, sentiments, dĂ©sirs esthĂ©tiques, etc. Pour en assurer la cohĂ©rence et la lĂ©gitimitĂ©, il construit autour dâeux le rempart de ses croyances auxquelles il donne lâappui de la religion et de la loi morale. Il a lâarrogance que confĂšrent lâignorance et le sentiment dâappartenance au groupe dominant, ainsi quâun mĂ©pris naturel pour le penseur solitaire et la recherche de la vĂ©ritĂ©. Il sâappuie sur le passĂ© et sur le groupe auquel ses penchants naturels le rattachent, dont il adopte les idĂ©es pour asseoir et justifier ses comportements. La vertu est son idĂ©al, surtout celle quâil prĂŽne pour les autres. Bien quâil sâessaie Ă porter un regard sur le monde, tout ce quâil voit est faussĂ© par le filtre de ses affects. Peinant Ă hisser son mental hors des eaux Ă©motives, il forge trĂšs lentement sa propre pensĂ©e au milieu dâun amalgame bancal de prĂ©jugĂ©s et dâopinions toutes faites ou de quelques idĂ©es forces hĂ©ritĂ©es de sa famille et de son milieu. AttachĂ© par-dessus tout Ă ses opinions et Ă ses croyances, il juge son clan, sa religion ou son parti seul dĂ©tenteur de la vĂ©ritĂ© et peut sans sourciller tuer au nom de lâamour ou de ce quâil pense juste. Sa tendance naturelle est le partage du monde entre bons et mĂ©chants. Il nâapprĂ©cie guĂšre ceux qui sortent du moule ou aspirent Ă des horizons plus vastes. Ou bien, aprĂšs les avoir dĂ©nigrĂ©s et souvent haĂŻs, il attend pour les adorer quâils aient Ă©tĂ© reconnus par la majoritĂ© de son clan. Il porte aux nues ceux qui ont exprimĂ© le plus grand raffinement dans les sentiments et dans les arts. Sans une vie de passions et de sentiments intenses, dâagitation incessante, avec la volontĂ© pas toujours avouĂ©e de se hisser au-dessus des autres, il a lâimpression que la vie ne vaut pas dâĂȘtre vĂ©cue. Et si elle cesse quelques instants de lui apporter son soutien, il en rend les autres ou le ciel responsable. Son questionnement dĂ©passe rarement les problĂšmes que posent les relations humaines, emprisonnĂ© dans des croyances quâil refuse dâapprofondir, ayant rejetĂ© au loin les grandes questions fondamentales. Capable dâenthousiasme, lequel est la marque du vital, il peut parfois sâemballer pour des causes humanitaires, mais il est rarement en mesure de leur donner le support du mental et de la volontĂ© pour les transformer en une action efficace et durable. Son but est ce quâil appelle lâamour, un amour qui exige dâĂȘtre aimĂ© en retour et cherche Ă imposer sa loi.
Pour les Grecs, câest encore un mental trĂšs obscur. Ils ont donc nommĂ© la PlĂ©iade correspondante « CĂ©laeno (KĂ©laino) », mot qui signifie « noir, sombre », employĂ© par HomĂšre lorsquâil parle de la nuit de la conscience.
Comme AlcyonĂ©, CĂ©laeno sâunit Ă PosĂ©idon, signant ainsi la forte influence du subconscient. Selon Apollodore, elle lui donna un fils, Lykos « la lueur avant lâaube », que son pĂšre rendit immortel et installa aux Iles des Bienheureux : toutes les Ă©bauches de comprĂ©hension restent profondĂ©ment marquĂ©es.
Aucune autre légende ne nous est parvenue sur Célaeno.
Lâintellect
Le troisiÚme plan du mental humain appelé intellect, mental de raison ou mental logique, est représenté par Méropé qui signifie tout à la fois « mortel » (par rapport aux dieux immortels, et donc « duel »), « humain », « vision partielle » ou « pensée stable ».
Unie Ă Sisyphe, fondateur de la lignĂ©e royale de Corinthe, elle est aussi la seule PlĂ©iade qui se soit unie Ă un « mortel ». Sisyphe, comme on le verra, symbolise les rĂ©alisations de lâintellect. MĂ©ropĂ© reprĂ©sente donc le niveau mental de lâhumanitĂ© actuelle qui prĂ©tend fonctionner essentiellement sur le plan du mental logique, de la raison.
Lâintellect, Ă lâinstar de Sisyphe sans cesse obligĂ© de rouler sa pierre vers le sommet de la montagne, Ă©chafaude sans cesse et laborieusement des constructions de demi-vĂ©ritĂ©s qui sâĂ©croulent Ă peine terminĂ©es. En fait, le mythe de Sisyphe concerne seulement le yoga du corps car son chĂątiment se dĂ©roule dans lâHadĂšs. Il illustre le fait que la loi de lâeffort soutenu par le mental devient inopĂ©rante dans le yoga de transformation du corps. Câest donc une extrapolation qui est faite ici en suivant ce que Sri Aurobindo exprime Ă propos de ce mythe.
Ce mental cherche les causes, veut comprendre et dans ce but, dissÚque, morcÚle puis fait la synthÚse avant de séparer à nouveau, et ainsi de suite.
Ce plan, chez lâhomme ordinaire est perturbĂ© par toutes sortes de ressentis, dâĂ©motions et de sensations, par les effets des vibrations extĂ©rieures, les mĂ©moires intĂ©rieures, lâĂ©tat du corps et mille autres choses encore. La plupart du temps, il peine Ă Ă©merger des couches du mental Ă©motif et mĂȘme du mental physique qui ratiocine et moud sans cesse les mĂȘmes idĂ©es mesquines issues de sa vie quotidienne.
Il est Ă son plus haut niveau chez les penseurs et les sages qui ont rĂ©ussi Ă le purifier, lâorganiser et lui donner une grande ampleur.
Le rĂŽle de lâintellect est de classer, organiser les perceptions et les idĂ©es et mettre chaque chose Ă sa place. Il doit surtout permettre de sâaffranchir des illusions. Purifier et perfectionner cette couche mentale est lâun des premiers travaux Ă effectuer sur le chemin de la connaissance : rejeter les opinions toutes faites, les encombrements inutiles de la pensĂ©e, les mĂ©langes avec le vital, dĂ©velopper la concentration, penser par soi-mĂȘme, etc.
En son essence, lâintellect est un outil dâexĂ©cution de ce qui est perçu par lâintuition. Mais il ne devrait pas ĂȘtre le maĂźtre.
Lâhomme reprĂ©sentatif de ce plan est celui qui donne Ă la pensĂ©e le rĂŽle primordial. (La pensĂ©e est ici identifiĂ©e au mental sĂ©parateur logique, le mental de raison qui sâappuie sur la mĂ©moire). Il utilise sa raison pour domestiquer le monde.
Il est poussĂ© par une soif de connaĂźtre qui Ă ses dĂ©buts nâa dâautre rĂ©sultat quâune accumulation de savoirs car il sâattache rarement Ă perfectionner lâoutil lui-mĂȘme.
Dans sa quĂȘte de vĂ©ritĂ©, il procĂšde par tĂątonnements et erreurs et renouvelle indĂ©finiment sa procĂ©dure thĂšse, antithĂšse, synthĂšse. ConsidĂ©rer et admettre lâexistence de vĂ©ritĂ©s opposĂ©es est contraire Ă sa nature.
Pour peu quâil se hisse aux sommets de lâintellect, il perd souvent la facultĂ© de jouer avec les Ă©nergies de vie, les ignore ou les rĂ©prime.
Le doute lâaccompagne toujours.
Il porte au pinacle les grands philosophes, ceux qui ouvrent à la pensée les espaces les plus vastes. La liberté est sa revendication. Un idéal aux contours encore imprécis le guide. Acquérir une certaine sagesse est son but. Mais il explore rarement la nature de ce « Je » pour lequel il ne lui semble pas exister de discontinuité. Il se considÚre encore le créateur de sa pensée, étant rarement attentif à « ce qui pense » en lui.
Le meilleur est guidĂ© par un idĂ©al, dĂ©cidĂ© Ă mettre en accord sa vie et ses idĂ©es. Pour cela, il peine Ă rĂ©viser ses croyances, Ă soumettre ses sentiments et ses actes Ă lâexamen de sa raison et sous son contrĂŽle.
Dans la descendance de Méropé et Sisyphe figurent Bellérophon, le vainqueur des illusions (de la ChimÚre), le grand guérisseur Asclépios (Esculape) et les Minyades.
Sans doute nâest-il pas inutile de prĂ©ciser que le chemin spirituel dĂ©crit par la mythologie prĂ©conise de dĂ©velopper en soi chaque plan au maximum de ses possibilitĂ©s. Lâintellect Ă©tant un outil indispensable au discernement, faire lâimpasse sur son perfectionnement semble une grave erreur.
Le mental supérieur
Le plan qui suit lâintellect est celui du « mental supĂ©rieur ». Il est reprĂ©sentĂ© par la PlĂ©iade StĂ©ropĂ©. Son nom signifie « éclair, lueur Ă©clatante » et aussi « vision Ă©tendue » alors que lâintellect, MĂ©ropĂ©, est une « demi-vision ».
Nombre de mythes le concernent puisque lâessentiel du chemin se dĂ©roule sur ce plan.
On y accĂšde Ă la fois par un Ă©largissement de la pensĂ©e oĂč peuvent ĂȘtre admis des points de vue totalement incompatibles dans le monde de la raison ordinaire – sans toutefois pouvoir encore les inclure dans une unique perception – et par le dĂ©veloppement de lâintuition.
Avec la seule raison, il est possible de justifier tous les points de vue, mais non de les admettre ensemble. Avec le mental supĂ©rieur, le chercheur essaye de trouver un point oĂč les opposĂ©s sont transcendĂ©s. Par exemple : dâun certain point de vue, on peut dire que la guerre est inutile car elle nâengendre que souffrance. Dâun autre point de vue, on peut dire que la guerre est nĂ©cessaire car elle permet la destruction de formes pĂ©rimĂ©es pour laisser la place Ă de nouvelles, la dĂ©charge et la rĂ©gulation dâĂ©nergies qui se sont accumulĂ©es de façon anormale et lâexpression chez certains de qualitĂ©s qui nâauraient pas autrement lâoccasion de se rĂ©vĂ©ler.
Le mental supĂ©rieur intervient dans les deux directions de travail, lâascension des plans de conscience (StĂ©ropĂ© figurant parmi les ancĂȘtres de ThĂ©sĂ©e et des Atrides) et le chemin de purification/libĂ©ration. Mais aucune StĂ©ropĂ© homonyme ne figure dans ce dernier chemin, pas plus dâailleurs quâaucune de ses sĆurs, car les Anciens ont Ă©vitĂ© soigneusement de faire des correspondances entre les plans de conscience et la progression sur le chemin de purification/libĂ©ration. Europe cependant, dont le nom « ï„ï”ïČï”-ï·ï°ïšÂ » signifie « regard Ă©tendu, vue large», marque lâentrĂ©e dans le mental supĂ©rieur, et par les aventures de son fils Minos liĂ©es au Minotaure, le risque dâĂ©garement qui lâaccompagne.
Les traditions divergent Ă propos des unions de StĂ©ropĂ©Â : tantĂŽt avec ArĂšs, le dieu de la destruction des formes, tantĂŽt avec Oinomaos « celui qui dĂ©sire vivement lâivresse (divine) ». Ă une gĂ©nĂ©ration prĂšs selon les auteurs, cette PlĂ©iade est lâarriĂšre-grand-mĂšre de MĂ©nĂ©las et dâAgamemnon ; comme telle, elle positionne les hĂ©ros sur le plan du mental supĂ©rieur et exprime lâinfluence qui conduira les troupes grecques Ă la victoire contre les Troyens.
Le mental illuminé
AprĂšs le mental supĂ©rieur viennent les trois Ă©tats supĂ©rieurs de la conscience mentale qui sont selon Sri Aurobindo « à chaque fois une conversion gĂ©nĂ©rale de lâĂȘtre en une nouvelle lumiĂšre et un pouvoir nouveau ».
Les trois PlĂ©iades correspondantes ont toutes Zeus pour amant : ces Ă©tats ne peuvent se manifester et se maintenir que sous lâinfluence croissante du supraconscient.
Le « mental illuminé » est reprĂ©sentĂ© par la PlĂ©iade Ălectre « lâambre jaune », laquelle dĂ©signe une rĂ©sine fossilisĂ©e servant Ă la fabrication dâobjets ornementaux. Ce mot dĂ©finissait aussi un mĂ©tal formĂ© de quatre cinquiĂšmes dâor et dâun cinquiĂšme dâargent. Il sâagirait donc dâun plan se rapprochant du supramental, de lâor pur, tout en Ă©tant encore mĂ©langĂ©.
Ă ce niveau, la VĂ©ritĂ© pĂ©nĂštre le mental en un flot de lumiĂšre continu et stable et non plus en de simples Ă©clairs sporadiques. LĂ Ă©merge un pouvoir de connaissance directe de la VĂ©ritĂ© rĂ©sultant dâune union plus parfaite avec le RĂ©el. Il ne sâagit plus de « pensĂ©e » mais de « lumiĂšre » de lâesprit, laquelle peut ĂȘtre associĂ©e Ă la vision. Aussi les sages anciens Ă©taient-ils appelĂ©s « voyants » et le terme « voir » est-il trĂšs largement employĂ© dans la littĂ©rature Ă©sotĂ©rique.
La premiĂšre expĂ©rience de ce plan est dĂ©crite le plus souvent dans la littĂ©rature spirituelle comme une « illumination ». Nous en ferons la description dans le mythe de la quĂȘte de la Toison dâor par Jason et les Argonautes.
Ălectre est la mĂšre de Dardanos, le fondateur de Troie. Elle se trouve donc Ă lâorigine de la lignĂ©e Troyenne oĂč figurent LaomĂ©don, GanymĂšde, Priam, Hector, Paris, ĂnĂ©e, etc.
Le mental intuitif
Puis viennent les hautes rĂ©gions du « mental intuitif ». Elles sont symbolisĂ©es par la PlĂ©iade TaygĂšte dont le nom est aussi celui dâune haute montagne de Laconie. TaygĂšte est Ă lâorigine de la lignĂ©e royale de Sparte, dans laquelle figure GorgophonĂ© « la victoire sur la peur » et les petits enfants de cette derniĂšre, PĂ©nĂ©lope, les Dioscures Castor et Pollux, HĂ©lĂšne et Clytemnestre.
Sur ce plan, les activitĂ©s du mental sont passĂ©es sous la direction de lâIntuition et peuvent opĂ©rer de quatre façons que Sri Aurobindo dĂ©crit ainsi : « un pouvoir de vision rĂ©vĂ©latrice de la vĂ©ritĂ©, un pouvoir dâinspiration ou dâaudition de la vĂ©ritĂ©, un pouvoir de perception immĂ©diate ou toucher de la vĂ©ritĂ©, et enfin un pouvoir de dĂ©tection vraie et automatique du rapport ordonnĂ© et exact entre une vĂ©ritĂ© et une autre ».
Le surmental
Câest le dernier et le plus haut niveau du mental. Celui-ci sâĂ©largit Ă une vaste universalitĂ©, et lâindividu vrai, Un dans son essence avec le Moi suprĂȘme, prend le pas dĂ©finitivement sur le mouvement de centralisation de lâego et lâillusion du moi sĂ©parĂ©.
La reprĂ©sentante de ce plan est la PlĂ©iade Maia. Elle eut un seul fils de son union avec Zeus, le dieu HermĂšs, le plus haut niveau de connaissance du plan mental, lequel a Ă©tĂ© identifiĂ© au dieu Ă©gyptien Thot « qui comprend tout et connaĂźt tout ». Câest la raison pour laquelle lâHermĂ©tisme reprĂ©senta pour certains la plus haute science sacrĂ©e.
Par lâintermĂ©diaire des liaisons de son fils HermĂšs avec des femmes appartenant aux lignĂ©es de Jason et dâUlysse, Maia exprime lâintervention du surmental. Elle figure aussi dans lâascendance dâautres hĂ©ros, tels lâArgonaute Eurytos, CĂ©phale ou encore le mignon dâHĂ©raclĂšs, AbdĂ©ros.
Le Surmental est le plan de Zeus et des dieux. Dans lâhumanitĂ©, il est celui des « envoyĂ©s divins », parmi lesquels les fondateurs de religions.
Mais sâil est le plan le plus Ă©levĂ© du mental, sâil peut unir le mental individuel et le mental cosmique, sâil peut imprimer Ă la nature une universalitĂ© dâaction, le Surmental ne peut toutefois conduire le mental au-delĂ de lui-mĂȘme. (Rappelons quâHermĂšs sâessaie toujours Ă rivaliser avec Apollon, le dieu de la lumiĂšre psychique, car le mental a du mal Ă reconnaĂźtre un fonctionnement supĂ©rieur au sien, en particulier celui de lâĂȘtre psychique.)
Pour atteindre vraiment au pouvoir crĂ©ateur du plan de VĂ©ritĂ©, lâhomme doit sâĂ©lever jusquâau Supramental. Ce dernier plan nâappartient pas au monde crĂ©Ă©, mais le contient. Participant de lâUn, il en a les attributs : dĂ©lice dâExistence, dĂ©lice de Conscience, dĂ©lice de Force ou de VolontĂ©. Câest le plan encore inoccupĂ© dans la crĂ©ation, le chaĂźnon manquant, le plan de lâHomme.
Il ne semble pas nĂ©cessaire dans le cadre de ce chapitre de sâattarder plus avant Ă dĂ©crire le plan Supramental. Nous en dirons quelques mots de plus Ă la fin de cet ouvrage, lorsque nous aborderons le « mental des cellules ».
Pour clore cette description, il faut rappeler que lâĂ©volution est un fait de nature dont aucune Ă©tape ne peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e. Chacune doit ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e au maximum de ses possibilitĂ©s et chaque Ă©mergence sur un palier supĂ©rieur suppose lâintĂ©gration du plan prĂ©cĂ©dent dans lâĂ©nergie et la conscience naissante du plan suivant. Le processus gĂ©nĂ©ral de cette Ă©volution est donc une succession de mouvements dâascension/intĂ©gration.
Plouto et Calypso
Deux autres enfants dâAtlas mĂ©ritent dâĂȘtre mentionnĂ©s.
Plouto « la richesse », la mĂšre de Tantale, selon Pausanias, par son union avec Zeus. Le surmental (Zeus), Ćuvrant Ă combler le manque (en sâidentifiant Ă Plouto) gĂ©nĂšre tout dâabord une aspiration, une « soif » insatiable.
Calypso « ÎÎ±Î»Ï ÏÏ, celle qui cache et enveloppe », fille dâAtlas selon HomĂšre. Amoureuse, elle retint Ulysse sur son Ăźle pendant sept longues annĂ©es. Cette histoire fait rĂ©fĂ©rence aux longues pĂ©riodes de maturation qui jalonnent le chemin. Nous retrouverons Calypso dans lâĂ©tude de lâOdyssĂ©e.
PROMETHEE
Deux grandes lignĂ©es sont issues de Deucalion, fils de PromĂ©thĂ©e, lâune par Hellen, lâautre par ProtogĂ©nie.
La premiĂšre, issue dâun personnage masculin, illustre une progression oĂč la personnalitĂ© Ćuvre activement pour atteindre lâĂ©veil. La seconde, issue dâune femme, exprime davantage la complĂšte soumission au RĂ©el des aventuriers de la conscience.
Les enfants dâHellen
-Ăole (Aiolos)
Dans la mythologie primitive, Hellen nâeut quâun seul enfant, Ăole, que lui donna la nymphe OrsĂ©is. Cet Ăole ne doit pas ĂȘtre confondu avec le roi des vents que nous verrons plus loin.
Hellen reprĂ©sente les chercheurs qui Ćuvrent Ă la « libĂ©ration » afin de rĂ©aliser « lâĂ©veil » (OrsĂ©is), et mĂȘme ceux qui commencent à « sâĂ©veiller ». Le nom Hellen signifie en effet « une Ă©volution vers une grande libertĂ©, ÎÎ+Π». Sâil est rĂ©servĂ© chez HomĂšre aux chercheurs, il dĂ©signa par la suite lâensemble des Grecs.
Il rĂ©gnait en Thessalie et en MagnĂ©sie, dans les provinces de « la quĂȘte intĂ©rieure » et de « lâaspiration ».
Ăole signifie « celui qui est toujours en mouvement », ce qui constitue la meilleure dĂ©finition dâun chercheur de vĂ©ritĂ©, a fortiori dâun initiĂ©. Selon les lettres structurantes, il est aussi « celui qui marche vers la libertĂ© ou l’unitĂ© en conscience ».
Il sâest uni Ă ĂnarĂ©tĂ©, orientant le chemin vers « ce par quoi on excelle », ou encore, vers « les qualitĂ©s du corps, de lâĂąme ou de lâintelligence ». Celle-ci est la fille de DĂ©imachos, celui qui « tue le combat », que lâon peut comprendre comme celui qui cesse de donner la prioritĂ© Ă la lutte contre ses imperfections. Cette description dâĂnarĂ©tĂ© correspond Ă lâune des grandes recommandations du chemin spirituel : insister sur le renforcement du meilleur en soi plutĂŽt que sur la lutte contre lâombre et ce que lâon considĂšre comme le mauvais. Ce travail se fait en privilĂ©giant Ă©ventuellement lâun ou lâautre des trois plans, selon sa propre nature, et donc dans lâune des directions du yoga : yoga des Ćuvres, de la dĂ©votion ou de la connaissance.
Le couple Ăole-ĂnarĂ©tĂ© eut sept fils et cinq filles dont les descendances dĂ©crivent les expĂ©riences du chemin juste. Ils seront abordĂ©s dans les prochains chapitres. Nous ne ferons ici que les citer, en joignant une indication succincte du travail correspondant :
Les sept fils, tels quâindiquĂ©s par Apollodore, sont citĂ©s ici dans lâordre de succession le plus probable (nous examinerons les incertitudes concernant cette liste dans un chapitre ultĂ©rieur) :
– Sisyphe : la voie de lâeffort et la lutte contre les illusions (la victoire est remportĂ©e par son petit-fils BellĂ©rophon).
– Athamas : les premiers contacts avec lâĂȘtre psychique et lâĂ©volution vers la rectitude ou lâintĂ©gritĂ©.
– MagnĂšs : lâaspiration, prĂ©alable Ă la victoire sur la peur.
– SalmonĂ©e : une phase dans laquelle lâego conduit dans une impasse dâorgueil spirituel.
– CrĂ©thĂ©e : les rĂ©sultats du travail intĂ©rieur et la premiĂšre grande expĂ©rience spirituelle
– PĂ©riĂšres : le mouvement juste.
– DĂ©ion : la conscience unie.
Les cinq filles, reprĂ©sentant des « buts » vers lesquels doit tendre le chercheur, ne semblent pas alterner avec les fils selon la gamme chromatique bien que cette organisation soit sĂ©duisante, mais se situer vers la fin du parcours. Nous possĂ©dons toutefois trop peu dâĂ©lĂ©ments pour les situer avec certitude.
Nous avons parlĂ© dâAlcyonĂ© un peu plus haut, car elle sâunit Ă CĂ©yx, le fils dâĂosphoros.
– CanacĂ© : elle est la mĂšre des Aloades qui combattirent Zeus Ă une pĂ©riode avancĂ©e de la quĂȘte.
– PisidicĂ© : celle qui est convaincue du mouvement juste et oriente la quĂȘte vers « les petites choses ».
– PĂ©rimĂšlĂ© : tout ce qui concerne la connaissance.
– CalycĂ© : bouton de fleur, ou bourgeon : ce qui est en germe dans lâhumanitĂ© la plus avancĂ©e.
Il existe deux ou trois Ăoles homonymes que certains auteurs anciens ont eu tendance Ă confondre. Nous ne citerons ici que celui qui est mentionnĂ© par HomĂšre dans lâOdyssĂ©e. Ulysse aborde sur son Ăźle, « une Ăźle flottante tout entiĂšre enclose dâun mur de bronze indestructible. Zeus lui avait confiĂ© la garde des vents mugissants quâil apaisait ou excitait Ă son grĂ©. Il avait eu six fils et six filles quâil avait donnĂ©es pour Ă©pouses Ă ses fils et leur vie Ă©tait un continuel festoiement dans une totale abondance, harmonie et puretĂ©. »
Cet Ăole est, dans le prĂ©sent mythe, le fils dâHippotĂšs « le maĂźtre du vital » ou « le pouvoir sur les forces de vie ». Il symbolise donc la « libĂ©ration vitale » qui donne la maĂźtrise sur les Ă©nergies de vie. Câest Ă ce titre quâil est maĂźtre des vents ou « souffles puissants ». Câest lâenvironnement dâĂole qui nous en donne la clef : ses douze enfants mariĂ©s entre eux Ă©voquent en effet le Qi chinois, assez semblable au Prana indien et peut-ĂȘtre aussi Ă lâanimus grec.
En effet, les « souffles » chinois circulent dans douze mĂ©ridiens, six yin et six yang qui fonctionnent par couples (poumons/gros intestin, etc.), tout comme ici les enfants dâĂole « maĂźtre des souffles ». De plus, il est dit que le Qi prĂ©existe Ă la dualitĂ©, raison pour laquelle « Ăole est cher aux dieux immortels ». Lâart de la maĂźtrise des souffles est le Dao Yin ou Qi Gong.
Le siĂšge du gouvernement de ces souffles vitaux est situĂ© dans une « structure » Ă la frontiĂšre du vital, sans ancrage dans le corps (une Ăźle flottante). La maĂźtrise des souffles est donc accessible par un travail Ă la racine du vital. En abordant lâĂźle dâĂole, Ulysse est donc parvenu symboliquement au point oĂč il peut obtenir le pouvoir sur ces Ă©nergies de vie fondamentales.
Les autres enfants dâHellen (Doriens, AchĂ©ens et Ioniens)
Il semblerait que les quatre principaux peuples HellĂšnes nommĂ©s dans lâIliade, Ă savoir les Ăoliens, les Doriens, les AchĂ©ens et les Ioniens, nâaient Ă©tĂ© introduits dans la descendance dâHellen quâau dĂ©but de notre Ăšre. Les personnages qui les reprĂ©sentent nâont donc pas dâhistoire propre.
Selon la comprĂ©hension courante, ces tribus caractĂ©risaient indiffĂ©remment chez HomĂšre lâensemble des Grecs combattant contre les Troyens. Toutefois dans lâinterprĂ©tation proposĂ©e ici, leurs noms ne sont pas totalement Ă©quivalents et dĂ©signent, selon le moment du mythe oĂč ils sont utilisĂ©s, lâun ou lâautre aspect de la recherche qui doit ĂȘtre prioritaire. Pour des raisons pratiques de prĂ©sentation des arbres gĂ©nĂ©alogiques, la descendance active (du point de vue mythologique) a Ă©tĂ© regroupĂ©e sous le seul nom dâĂole, « celui qui est toujours en mouvement » ou celui qui marche vers « la libĂ©ration ». (Cf. Planche 7)
Les trois autres peuplades ont été organisées en deux branches.
Dâun cĂŽtĂ©, on trouve Doros « le don de soi  » ou encore « le juste mouvement vers l’union (avec omĂ©ga, tournĂ© vers l’incarnation) ». Il eut un fils Aigimios « le plus haut degrĂ© de consĂ©cration (auquel puisse prĂ©tendre la personnalitĂ©)», hĂ©ros qui intervient dans les toutes derniĂšres campagnes dâHĂ©raclĂšs.
De lâautre, figure Xouthos « jaune dâor, clair » ou avec les lettres structurantes « celui qui descend en lui-mĂȘme ». Il sâunit Ă Creuse (CrĂ©ousa) « lâincarnation » fille du roi dâAthĂšnes ĂrechthĂ©e, lequel marque lâentrĂ©e dĂ©finitive dans la quĂȘte et le moment oĂč le chercheur nâest plus dominĂ© par la peur dans sa relation au Divin (le pĂšre dâĂrechthĂ©e est Pandion « celui qui donne tout Ă lâunion » et sa mĂšre ZeuxippĂ© « le dieu-cheval » ou dieu-force).
Creuse donna Ă Xouthos deux fils Achaios et Ion. Achaios « la concentration » ou « le chemin vers le vide » exprime un rassemblement de la conscience ou une Ă©volution vers lâimmobilitĂ© et la vacuitĂ© intĂ©rieure, et Ion « une Ă©volution de la conscience » qui, avec lâomĂ©ga inclus dans son nom, sâouvre vers la matiĂšre. Il eut aussi une fille, DiomĂ©dĂ© « celle qui a pour dessein le Divin », qui sâunit Ă son cousin germain DĂ©ion, lâancĂȘtre dâUlysse.
Les enfants de Protogénie
Tandis que la descendance dâHellen relate les expĂ©riences Ă la portĂ©e des chercheurs « ordinaires », celle de ProtogĂ©nie illustre celles de « ceux qui marchent devant », les initiĂ©s les plus avancĂ©s, ceux qui sont parvenus au stade du dernier enfant dâĂole, DĂ©ion, symbole de « ceux qui ont rĂ©alisĂ© lâunion » en lâesprit.
Cette branche sâouvre sur un chercheur animĂ© dâun puissant « feu intĂ©rieur » (AĂ©thlios), Ćuvrant pour lâhumanitĂ© future – sa femme est « Calyce, le bouton de fleur » (psychique) et se poursuit jusquâà « lâivresse divine » (ĆnĂ©e) et le « dĂ©tachement total » (DĂ©janire).
Nous y rencontrerons aussi LĂ©da, (mĂšre dâHĂ©lĂšne, Clytemnestre, Castor et Pollux), MĂ©lĂ©agre (celui qui rĂ©ussit Ă maĂźtriser les Ă©nergies les plus archaĂŻques par « la chasse au sanglier de Calydon ») et DiomĂšde (lâun des grands hĂ©ros de la guerre de Troie).
Les enfants de Deucalion de moindre importance
Selon le Catalogue des Femmes, Deucalion aurait eu dâautres enfants que nous pourrions interprĂ©ter sous toutes rĂ©serves comme suit :
une fille, Pandore, « le don de soi ». Elle fut, par son union avec Zeus, la mĂšre de Grec « dâanciennes ouvertures de conscience », lâancĂȘtre de tous les Grecs. Cette dĂ©nomination des habitants de lâancienne GrĂšce est tardive, mentionnĂ©e pour la premiĂšre fois par Aristote au quatriĂšme siĂšcle avant J.-C. Cette histoire rĂ©sume la mise en route du chercheur : lâaspiration de celui qui appelle lâunion (Deucalion) – lâengageant dans une sĂ©vĂšre purification Ă©motionnelle (le dĂ©luge de Deucalion) -, tournĂ©e vers le feu de lâEsprit (Pyrrha), ouvre sur « un don de soi » qui, au contact du surmental, rĂ©veille et nourrit les mĂ©moires des expĂ©riences spirituelles du passĂ©. Autrement dit, la quĂȘte est une continuitĂ© par-delĂ les vies.
Une fille ThĂ©ia « la divine » ou Thuia « la conscience intĂ©rieure » qui fut lâamante de Zeus et lui donna un fils Magnes « lâaspiration » : cette lĂ©gende confirme celle de sa sĆur ci-dessus.
Un fils Amphictyon, « ce qui concerne les fondations » ou « tout ce qui a trait Ă l’ouverture aux mondes supĂ©rieurs » ou à « lâĂ©largissement de la conscience ». Il est le fondateur de la ligue religieuse (amphictyonie) qui avait pour sanctuaire le temple dâApollon Ă Delphes et celui de DĂ©mĂ©ter Ă AnthĂ©la : les « bases » du chemin devaient ĂȘtre assimilĂ©es Ă ce stade pour qui voulait sâengager dans la quĂȘte de libertĂ©, dont les Ă©tapes seraient illustrĂ©es dans la descendance de son frĂšre Hellen. Cela impliquerait, avec DĂ©mĂ©ter, un travail de « connaissance de soi » et avec Apollon, une recherche de contact avec lâĂȘtre psychique.