Les mangeurs de Lotos : le renoncement aux suavités spirituelles (Chant IX)

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Après cette première étape, Ulysse pensait pouvoir revenir à Ithaque. Mais tandis qu’il franchissait le cap Malée (une presqu’île située au sud-est du Péloponnèse), la houle et le vent de Borée lui fermèrent le détroit, puis le port de Cythère. Il erra sur la mer durant neuf jours et le dixième, aborda chez les Lotophages, un peuple qui ne se nourrissait que de Lotos (fleur ou fruit). Les autochtones en offrirent aux émissaires envoyés par Ulysse. Dès lors, ceux-ci se refusèrent à rentrer et même à donner des nouvelles. Car quiconque goûte à ces fruits doux comme le miel n’a d’autre désir que demeurer chez ce peuple et remettre à tout jamais la date du retour.

Ulysse dut ramener de force ses hommes tout en pleurs et les mit aux fers à fond de cale. Puis pour éviter que les autres ne succombent aussi, il ordonna le départ.

Le chercheur ayant franchi ce premier cap vers la libération et la consécration (la fin du travail en force), les mouvements du vital et les forces qui conduisent l’ascèse ne lui permettent pas de trouver un havre de paix dans l’Amour, dans le « juste mouvement de l’ouverture psychique » (au-delà du cap Malée, le port de Cythère – nom qui désigne aussi Aphrodite – est fermé au héros).

Après une longue période d’incertitude, il doit résoudre le problème des « suavités » spirituelles. Ceux qui se délectent de ces expériences mystiques, quels que soient les moyens utilisés (transes, méditations, etc.), en sont prisonniers, ne pouvant se détacher des joies qu’elles procurent.

Ces expériences doivent être distinguées des paradis de l’esprit qui seront examinés avec les Sirènes.

Ce risque est suffisamment décrit dans les écrits spirituels pour que l’on ne s’y attarde pas. Toutefois, il s’agit la plupart du temps d’avertissements donnés pour les débutants ou même pour ceux plus avancés dans le yoga. Saint Jean de la Croix y fait référence pour les débutants dans le cadre de la « gourmandise spirituelle ».

Il semblerait également que toutes les fuites hors de l’incarnation, y compris hors du corps, ne soient plus permises au chercheur. Même la possibilité du recours à la transe dont Mère usait pour s’abstraire de la souffrance physique lui a été enlevée. L’aventurier de la conscience doit affronter directement tout ce qui fait obstacle à la Vérité de la matière.

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