LA LIGNÉE ROYALE DE SPARTE : LÉDA, PÉNÉLOPE ET HÉLÈNE

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Les lignées impliquées dans la guerre de Troie comprennent : la lignée de Tantale, la lignée royale troyenne, la lignée de Sparte, la lignée de Maia, la lignée de Déion et la lignée de l’Asopos. La lignée royale de Sparte (Lignée de Taygète) étudiée ici illustre l’accès au mental intuitif depuis le mental illuminé. Y figurent Hélène « la vérité évolutive », Clytemnestre, Castor et Pollux, Idas et Lyncée, ainsi que Pénélope.

Hélène (récupérée par Ménélas)

Hélène (récupérée par Ménélas)

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La lignée royale de Sparte est le symbole de nouvelles directions évolutives (celles qui « surgissent »).

Voir Arbre généalogique 13

Parmi les Pléiades, filles d’Atlas, la lignée de Taygète correspond au stade du mental intuitif (ou plus simplement celui de l’intuition dans les écrits de Sri Aurobindo), stade qui suit celui du mental illuminé et précède celui du surmental. C’est un état de conscience dans lequel, selon Sri Aurobindo, le chercheur opère par différents pouvoirs : « un pouvoir de vision révélatrice de la vérité, un pouvoir d’inspiration ou d’audition de la vérité, un pouvoir de toucher la vérité ou de saisir immédiatement sa signification – pouvoir qui ressemble assez, par sa nature, à son intervention habituelle dans notre intelligence mentale -, et un pouvoir de discerner vraiment et automatiquement le rapport exact et ordonné des vérités entre elles. L’intuition peut donc accomplir toutes les tâches de la raison, y compris la fonction de l’intelligence logique qui est d’établir le juste rapport des choses et le juste rapport des idées entre elles, mais elle le fait par son propre processus supérieur, sans hésitation ni défaillance. Elle se saisit non seulement du mental pensant, mais du cœur et de la vie, des sens et de la conscience physique, pour les transformer en sa propre substance. » Il est donc possible de considérer que c’était le plus haut niveau auquel les aventuriers de la conscience de ce temps-là pouvaient accéder et sur lequel peut-être même se maintenir. En effet, le niveau suivant est le plan du surmental – celui de Maia et de son fils, le dieu Hermès – dont le chercheur, s’il n’est un avatar, ne reçoit que des éclairs. C’est pourquoi le plus avancé des chercheurs, Ulysse, appartient à cette lignée par sa mère Anticlée.

D’autre part, cette lignée de Taygète est étroitement liée à celle de Périérès dans la descendance d’Éole, reliant ainsi les étapes de l’ascension aux réalisations correspondantes. En effet, l’un des membres de chacune des lignées s’est uni à Gorgophoné « celle qui tue la peur », fille de Persée (bien que ces filiations soient indiquées par des auteurs différents).
Nombre d’auteurs semblent même avoir confondu ces deux lignées, introduisant quelques incertitudes dans les mythes. Apollodore, qui a toujours cherché selon nous à présenter les versions les plus cohérentes, en donne ici plusieurs : dans la première version qu’il attribue à Stésichore, les quatre héros Tyndare, Icarios, Apharée et Leucippos sont frères, directement issus de Périérès (lui-même fils de Cynortas), appartenant donc tous à la lignée de Taygète. Dans la seconde version, il mentionne deux Périérès homonymes situés dans chacune des deux lignées. Du premier (ou directement de Kynortès), dans la lignée de Taygète, naquit Oibalos qui fut le père de Tyndare et Icarios. Du second dans la lignée d’Éole naquirent Apharée et Leucippos.
C’est cette dernière version que nous avons retenue (Cf. le premier chapitre) car elle correspond à la version du Catalogue des femmes dans laquelle Tyndare apparaît comme un fils d’Oibalos. En effet, nous avons tendance à considérer que le fait de ne plus s’identifier à celui qui agit en nous (à l’ego), incarné par les enfants d’Apharée dans la lignée de Périérès, appartient au domaine de l’expérience et non de la simple description théorique, même s’il est étroitement lié au plan du mental intuitif (Taygète), à tout le moins à un accès temporaire à ce plan.
Quoi qu’il en soit, ces deux lignées caractérisent un état avancé du yoga où le chercheur travaille à dépasser les dualités, longtemps après la chasse au sanglier de Calydon.

Le nom de la Pléiade Taygète (qui est d’origine obscure) désigne également une montagne de la région de Sparte, et donc un mouvement pour se hisser vers les hauteurs de « ce qui est semé » et donc du nouveau « qui surgit ».
Nous avons déjà rencontrés les Spartoi ou « Semés » dans la quête de la Toison d’Or, et il s’agissait alors de « mémoires » qui surgissaient à la conscience. Sans doute le rapprochement n’est-il pas fortuit car le travail spirituel avancé est surtout un travail sur les mémoires.
La montagne Taygète est parfois associée à Artémis et à la biche poursuivie par Héraclès dans le troisième travail, indiquant alors qu’une certaine pureté dans la réceptivité a été réalisée.

La signification des quatre générations issues de l’union de Zeus et de Taygète est relativement obscure car il existe peu de mythes les concernant et les versions qui nous sont parvenues sont souvent confuses.
Selon Apollodore, Zeus s’unit à Taygète et engendra Lacédaemon « la divinité qui retentit avec force » qui lui-même s’unit à Sparta « ce qui est semé ou ce qui surgit » (et donc ce qui concerne le nouveau et/ou l’ancien), fille d’Eurotas « une vaste conscience sur le plan de l’esprit » qui cherche à s’incarner : le chercheur est donc connecté solidement aux hauteurs de l’Esprit et cherche à faire « surgir » le nouveau.
Lacédaemon engendra un fils Amyclas « celui qui doit réaliser l’état sans désir » et une Eurydice homonyme « la juste manière d’agir ». (Selon Apollodore, elle s’unit à Acrisios, le père de Danaé et donc le grand-père de Persée, ce qui associerait Lacédaemon à un travail sur la peur.)
Amyclas de son côté s’unit à Diomédée « celle qui a le dessein d’être divine », fille de Lapithès, qui lui donna Kynortès dont le sens reste obscur et Hyakinthos « la jacinthe ».

Selon certains, Apollon devint amoureux de Hyakinthos qui était très beau mais le tua involontairement en lançant le disque. Selon Ovide, du sang du jeune homme répandu sur la terre « s’éleva une fleur qui aurait ressemblé à un lys si elle n’avait été vermeille ».
La compréhension de la seconde partie du mythe repose sur une bonne interprétation du symbole de la fleur pour laquelle nous n’avons aucun élément. Cette fleur ne semble pas toutefois pouvoir être identifiée avec celle que nous connaissons sous ce nom.
Le nom Hyacinthe lui-même ne nous donne guère d’indices, si ce n’est une idée d’évolution intérieure.
Si l’on laisse de côté la partie du mythe liée à la fleur, il s’agirait d’un rapprochement de la lumière psychique avec une réalisation « vraie » dans l’ascension des plans de conscience (Hyacinthe était très beau), rapprochement qui ne peut se maintenir. Cette impossibilité serait le signe que la réalisation correspondante – la lumière mentale issue de l’esprit – n’est pas suffisamment fortifiée pour supporter la lumière psychique ou « jouer » à égalité avec elle. Ce qui confirmerait que la lignée de Taygète précède bien celle du surmental, celle de Maia et de son fils le dieu Hermès qui, lui, peut « jouer » à rivaliser avec Apollon, même s’il est encore très jeune.
Certains disent que ce fut Borée qui dévia le disque, laissant entendre que ce serait une ascèse mal adaptée qui mettrait un terme au rapprochement.

Kynortès engendra Oibalos (nom d’origine obscure). Celui-ci s’unit à Gorgophoné « qui vainc la peur (qui a tué la Gorgone) » qui fut également la femme de Périérès. Cet artifice permet de réunir les deux lignées.

Les enfants d’Oibalos/Périérès : Apharée et Leucippos

Nous avons dit que nous retenions ici la version dans laquelle Castor et Pollux sont fils de Tyndare (et Zeus) dans la lignée des Pléiades (la description théorique des plans) tandis qu’Apharée et Leucippos sont fils de Périérès « celui qui travaille autour du mouvement juste » ou de son fils Oibalos dans la lignée d’Éole (les réalisations correspondantes).

Uni à Gorgophoné, Oibalos (Périérès) engendra Apharée « celui qui est sans masque » et Leucippos « le cheval blanc » : le chercheur qui réussit à vaincre ses peurs laisse tomber les masques et les armures qui lui ont permis d’évoluer jusqu’à ce point et acquiert une énergie vitale pure ou un pouvoir pur.

L’étude des enfants d’Apharée et de Leucippos a déjà été abordée dans le premier chapitre. Nous en rappelons l’essentiel car ils sont impliqués dans le conflit qui les opposa aux Dioscures Castor et Pollux.

Apharée et ses fils, Idas et Lyncée

Apharée « celui qui est sans masques », c’est-à-dire « celui qui laisse tomber ses protections » et qui œuvre à la transparence à l’Absolu, s’unit à Aréné « l’évolution du mouvement vrai ou juste » qui lui donna deux fils, Idas et Lyncée :
Idas « celui qui voit l’ensemble » (et peut-être aussi « l’union en conscience » et donc « la réalisation du Soi »), selon Homère le plus puissant des hommes de la terre – des hommes d’alors, (celui qui a le plus de pouvoir) et Lyncée « le lynx », c’est-à-dire la vision de détail ou « la vision pénétrante ».
Ces deux héros représentent des aspects simultanés de la conscience intuitive qui « voit » le Réel, la vision d’ensemble et la vision discernante du détail, ou encore la vision de l’inconditionné et du conditionné, la vision de la réalité subjective et celle de l’Absolu, etc.

Idas fait l’objet d’un mythe traité au premier chapitre dans laquelle il se dressa contre Apollon, et s’unit finalement à Marpessa à qui Zeus avait laissé le choix de son union. Le père de la jeune fille, Euénos, mourut en la poursuivant.
La lumière de l’être psychique (Apollon) aurait voulu entraîner le chercheur sur la voie de la psychisation mais ce dernier se dérobe, préférant la sécurité de la vision d’ensemble mentale (Idas) à la lumière psychique qu’il considère comme une perception incertaine du fait des perturbations de la nature inférieure non encore purifiée et transparente. Le subconscient se range du côté de cette sécurité (Poséidon soutient Idas contre Apollon). Mais c’est finalement le supraconscient qui décide (Zeus laisse Marpessa choisir), car l’être psychique ne s’impose jamais. Ce qui jusque-là constituait une « belle évolution » s’arrête après avoir sabordé les énergies qui le dynamisaient (Euénos tue ses chevaux et se suicide).
Cela bloque l’évolution du yoga pour aller au-delà de la réalisation du Soi. Rappelons en effet que celle-ci n’entraîne en aucune façon une attitude juste dans l’incarnation, ni aucun désir d’évolution. Pour cela, il faut que l’être psychique passe totalement au premier plan, ce qui, comme Mère le rappelait, nécessitait selon la tradition commune trente années d’un yoga assidu pour y parvenir.
Homère, qui décrit Idas comme le plus puissant des hommes d’alors, devait périr sous les coups de ses cousins Castor et Pollux avant que ne commence la guerre de Troie, ce qui laissait présager une réorientation du yoga.
Certains disent qu’Idas était un fils de Poséidon, soulignant ainsi que cette réalisation ne pouvait être obtenue par aucune méthode précise. Lorsque le chercheur est prêt, elle se manifeste.
Les expériences obtenues lorsque le chercheur est dans le Soi sont marquantes à la fois pour le chercheur lui-même et pour les autres. En effet, Idas uni à Marpessa, engendra Cléopâtre « les ancêtres célèbres » – les réalisations des anciens – qui fut la femme de Méléagre. Cette vision d’ensemble permet au chercheur d’identifier et de purifier, à travers la chasse au sanglier de Calydon, les éléments perturbateurs du vital les plus archaïques et les plus grossiers.

L’autre fils d’Apharée est Lyncée « la vision pénétrante ». Selon Apollodore, il se distinguait par une vue si perçante, qu’il pouvait voir ce qui se trouvait sous terre.
Selon divers auteurs, dans le combat qui l’opposa aux Dioscures Castor et Pollux, il courut jusqu’au sommet du mont Taygète pour voir où se cachaient ces derniers. C’est donc un discernement capable de s’élever jusqu’au sommet du « mental intuitif » et de percevoir les profondeurs de la matière, et donc les dysfonctionnements dans le corps ainsi que ce qui est le plus caché chez les autres, et aussi leur nature essentielle dont ils ne sont pas mêmes conscients.
Ce discernement aiguisé peut le plus probablement être associé à la « vision pénétrante » du bouddhisme (aussi connue sous le terme de Vipassana). Il caractérise une perception directe de la réalité lorsque les obstacles dus à l’ego sont enlevés.
Bien qu’il soit essentiellement de type intuitif, c’est un discernement qui appartient aux régions supérieures du mental et ne peut plus être utile ou bien ne doit plus être utilisé personnellement – sans pour autant disparaître – lorsque le yoga devra être réorienté pour une purification approfondie du vital et du corps. C’est la raison pour laquelle il fut tué par l’un des Dioscures.

Il faut toujours se rappeler que lorsque des grands héros tels Idas et Lyncée ou Castor et Pollux sont mentionnés dans des épopées qui précèdent leur apparition chronologique dans les généalogies, il s’agit bien sûr seulement d’une préparation dans les domaines correspondants et non des réalisations intégrales qui ne commencent vraiment que lors de cette apparition. C’est pourquoi nous avons évité de mentionner le Soi et la Vision pénétrante lorsque nous avons étudié la quête de la Toison d’Or dans laquelle ces héros interviennent comme compagnons de Jason. Il ne s’agit alors que des premiers pas en vue de telles réalisations et nous avons alors parlé de « volonté d’union » pour Idas et de « discernement » pour Lyncée.

Leucippos et ses filles

L’état qui ne s’identifie plus à l’ego permet de libérer une énergie vitale non perturbée, ici représentée par Leucippos « le cheval blanc ».
Selon la tradition tardive, Leucippos engendra deux filles, Hilaeira « la bienfaisante » ou « ce qui est favorable » et Phoebé « la pure, la rayonnante ».
Certains ajoutent Arsinoé dont le nom peut signifier soit « l’élévation de l’esprit », soit son contraire « la suppression du mental pensant ». C’est plutôt cette dernière signification qui doit être retenue car elle est davantage en rapport avec les capacités de guérison venant de l’être psychique : en effet, elle est parfois mentionnée comme la mère du grand médecin Asclépios qu’elle eut avec Apollon.

Les Chants Cypriens disent qu’Hilaeira et Phoebé avaient Leucippos pour père humain et Apollon pour père divin : elles symbolisaient donc un résultat, non seulement de la purification du vital, mais aussi de la croissance du psychique.

Les enfants d’Oibalos (Périérès) : Tyndare, Icarios, Hippokoon et Aréné

Le nom Oibalos est d’origine obscure. Assez probablement lié à la racine βαλ ou βελ, il pourrait signifier « celui qui lance la conscience (en avant) ». Il s’unit à Gorgophoné « celui qui tue la Gorgone », et représente donc un travail pour la suppression des peurs. Pour d’autres, il est uni à Batéia « là où la conscience peut aller », et représente ainsi une volonté d’explorer les limites de la conscience.
Le couple, quel qu’en soient les membres, eut quatre enfants : Aréné, Icarios, Hippokoon et Tyndare.

Aréné

Nous avons étudié ci-dessus la descendance d’Aréné « l’évolution du mouvement vrai ou juste » qui s’unit à Apharée et lui donna deux fils, Idas et Lyncée.

Icarios

Icarios « l’ouverture vers le juste mouvement de la conscience » appartient au plan du mental intuitif. Il est pour tous les auteurs le père de Pénélope. Son histoire est liée à celle de son demi-frère Hippokoon.
En tant que père de Pénélope, il représente ce qui s’approche le plus de la conscience supramentale, par analogie avec Icare qui s’approcha trop près du soleil Hélios. Sa fille fera donc l’objet de la quête du plus avancé des aventuriers de la conscience, Ulysse.

Hippokoon

Il est le plus souvent un fils bâtard d’Oibalos et d’une certaine Nikostraté « le guerrier victorieux ». Son nom pourrait signifier « celui qui perçoit les énergies ».
Hippokoon chassa Tyndare et Icarios de Lacédémone (Sparte) (ou bien il fut aidé par Icarios à en chasser Tyndare). Mais il offensa Héraclès qui le fit périr, lui et ses douze ou vingt fils qui, selon certains, auraient tué un des parents du héros nommés Oionos. Dès lors, Tyndare put retourner à Sparte (appelée aussi Lacédémone) tandis qu’Icarios restait à Calydon en Étolie.
Pour mener son expédition à bien, Héraclès se rendit d’abord à Tégée et persuada Céphée, fils d’Aléos, de lui apporter son soutien avec ses vingt fils. Comme Céphée craignait de laisser sa ville sans défense, Héraclès confia à Stéropé, fille de Céphée, une boucle de cheveu de la Gorgone Méduse enfermée dans une urne de bronze. En cas d’attaque, elle devait agiter trois fois cette boucle sans la regarder, ce qui ferait fuir l’ennemi.
Céphée mourut durant la bataille contre Hippokoon ainsi que la plupart de ses fils.

Apollodore et Diodore situent cet épisode après le sac d’Élis et celui de Troie par Héraclès, et donc une fois la libération en l’esprit accomplie. Il est donc inclus dans les « praxeis » ou « actes libres » d’Héraclès qui suivent les travaux. Le sac d’Élis se situant presque deux générations avant la guerre de Troie, on comprend qu’Hélène ne soit pas encore née puisque Tyndare ne rencontra Léda que durant son exil à Calydon. La mention de cette ville incline à situer cet épisode au moment de la chasse au sanglier de Calydon, dans la phase de yoga qui concerne le travail de purification des grands mouvements archaïques du vital.

Cette histoire évoque un attachement qui fait cesser le processus évolutif du yoga. En effet, les très nombreux modes sur lesquels le chercheur travaille par sa « perception des énergies » (Hippokoon et ses douze fils) font cesser « l’intuition la plus haute (ils tuent Oionos « l’oiseau de proie » ou avec les lettres structurantes « l’évolution de la conscience dans l’incarnation »).
Ce travail sur les énergies écarte pour un temps le chercheur de la voie de « ce qui doit naître » ou de l’écoute de « la divinité intérieure qui retentit avec force » (Tyndare et Icarios sont chassés de Sparte/Lacédémone).
Peut-être y-a-t-il là un avertissement pour les chercheurs qui ont développé des perceptions et capacités inhabituelles en explorant les limites de la conscience (capacités exceptionnelles en regard de celles des hommes ordinaires, telles les perceptions des structures énergétiques du vivant, etc.). En leur faisant une absolue confiance, ils risquent en effet de les utiliser, consciemment ou pas, à des fins qui, bien que nobles, peuvent entraver le processus du yoga.

Pour vaincre cet obstacle et venir à bout de l’illusion correspondante, le chercheur doit « s’ouvrir au processus de descente de la conscience dans l’être » et faire appel au soutien du mental (Héraclès partit à Tégée et sollicita l’appui de Céphée et de ses vingt fils).
La crainte mentale de perdre les structures de protection spirituelles (Céphée craignait que la ville de Tégée soit attaquée) doit être annulée par le mental supérieur qui doit réaliser un rituel de foi contre la peur (Héraclès rassura Céphée en donnant à sa fille Stéropé une mèche de la Gorgone qu’elle devait agiter trois fois). Le mental supérieur peut manier cette mèche car le combat contre la peur a déjà été livré à de nombreuses reprises. Dans le combat, le raisonnement intellectuel, même s’il doit être mobilisé aussi largement que possible, disparaît en presque totalité (Céphée et la plupart de ses fils meurent).

Tyndare et Léda et leurs enfants Castor, Pollux, Hélène et Clytemnestre

Tyndare s’unit à Léda « l’union par la libération » qui lui donna quatre enfants : Castor « le pouvoir que confère la maîtrise », la maîtrise absolue du vital qui résulte du mouvement juste vers la pureté dans l’incarnation ou de l’intégrité dans l’incarnation, et Pollux (en grec Polludeukes) « le tout à fait doux », Hélène « l’évolution de la libération » et Clytemnestre « la sagesse renommée ».
Toutefois, il existe d’autres versions concernant leur ascendance paternelle.
Pour Homère et Hésiode, Hélène est toujours fille de Zeus et Léda.
En ce qui concerne Castor et Pollux, les sources divergent. Chez Homère qui les nomment Tyndarides, ils ont au moins comme père humain Tyndare, tout comme Clytemnestre. Dans le Catalogue des femmes, ils sont tous deux fils de Zeus, ou bien Castor est le fils de Tyndare et Pollux celui de Zeus (ce ne peut être l’inverse, car dans le conflit qui les opposa à Idas et Lyncée, seul Pollux survécut).
Des quatre enfants, seule Clytemnestre n’apparaît chez aucun auteur comme une fille de Zeus.

Il existe une tradition qui aurait figuré dans les Chants Cypriens selon laquelle Hélène serait la fille de Zeus et de Némésis « la justice distributive (celle qui se fait selon les mérites) ».
Némésis fut contrainte de s’unir à Zeus. Pour échapper au dieu, elle se transforma d’abord en poisson puis en oie. Zeus modifia son apparence en conséquence pour la féconder. Et c’est d’un œuf que naquit alors Hélène.
Une tradition tardive reprise par Apollodore dit que Zeus se transforma en cygne et non en oie. Léda, dans cette version, aurait seulement été la mère adoptive d’Hélène et l’aurait élevée comme sa fille.

Enfin, dans une version qui apparaît à partir des Tragiques mais qui est peut-être beaucoup plus ancienne, c’est Léda elle-même qui fut courtisée par Zeus changé en cygne et c’est elle qui généra l’œuf dont sortit Hélène.
De cet œuf, selon certaines scholies, naquit non seulement Hélène mais aussi les Dioscures.

Pour Apollodore enfin (qui évoque aussi la version avec Némésis), Léda et Tyndare eurent d’abord trois enfants :
– Timandra « celle qui accorde de la valeur à l’homme » qu’épousa Échémos « celui qui accomplit la consécration »
– Clytemnestre « la sagesse renommée »
– Philonoé « celle qui aime l’intelligence ou la conscience ». Celle-ci fut rendue immortelle par Zeus (en réponse à cet « amour de la conscience », le supraconscient donne accès à la non-dualité).
Puis la même nuit, Zeus et Tyndare s’unirent à Léda. Zeus ayant pris la forme d’un cygne engendra Pollux et Hélène tandis que Tyndare engendrait Castor et Clytemnestre.

De ces différentes versions, on peut comprendre que les Dioscures caractérisent un chercheur qui aborde la source de la dualité (au niveau de l’attraction/répulsion dans le vital). Cette idée est étayée par les Chants Cypriens dans lesquels Zeus permit aux Dioscures, après leur mort, de demeurer un jour sur deux parmi les dieux, ensemble ou en alternance : l’accès à la non-dualité est possible mais n’est pas encore installé. Ces allers retours permettent sans doute aussi de consolider et d’équilibrer le chemin entre le supraconscient et le conscient.

D’autre part, si la plus haute sagesse (Clytemnestre) n’est jamais établie comme issue d’une fécondation du surmental, Homère, qui a plutôt tendance à considérer le travail en cours et non la réalisation finale, ne donne pas semble-t-il aux travaux de yoga, en vue de la puissance et de la douceur (Castor et Pollux), une origine surmentale. Rappelons que pour lui, Aphrodite est l’amour en évolution et non son état suprême comme pour Hésiode.
Si l’on considère seulement la lignée, ce sont clairement des réalisations du mental intuitif et non du surmental (tous quatre appartiennent à la lignée de Taygète et non à celles de Maia), qu’elles aient ou non reçu au départ une impulsion du surmental.

D’autre part, si le cygne est le symbole de la lumière psychique, l’oie peut probablement être associée au cygne femelle et serait alors symbole de l’expression active du psychique, « l’exactitude ». Mais dans ce mythe, ce n’est jamais Apollon qui féconde Léda, mais seulement Zeus qui se transforme en son symbole. L’union oie (Léda)-cygne (Zeus) serait alors l’expression d’une fécondation par le supraconscient afin de réaliser l’exactitude, impulsion que le chercheur ressent comme celle d’une lumière psychique et non supraconsciente.

Si les enfants qui naissent appartiennent encore à une certaine forme de dualité – qui est, on le verra, davantage complémentarité qu’opposition – ce reste de dualité disparaît lors du conflit des Dioscures Castor et Pollux avec leurs cousins Idas et Lyncée à l’issue duquel seul survécut Pollux « celui qui est dans la totale douceur (la totale compassion) ».

(Mentionnons qu’une autre fille de Léda, Phoibé « la brillante, la pure », figure aussi bien sur des vases attiques que dans l’œuvre d’Euripide, donnant une illustration conforme à l’état du chercheur parvenu à ce stade.)

Les Dioscures ou Tyndarides (fils de Tyndare)

Dans l’Iliade, Castor est « le dompteur de chevaux », celui qui a la maîtrise des énergies ou le pouvoir. Homère qualifie Pollux « le très doux » de « bon boxeur » : la douceur dont il s’agit n’est en aucune façon associée à la tiédeur, mais c’est une alliance de souplesse, d’adaptabilité, d’agilité, de rapidité, de concentration, de calme intérieur et de force. Car celui qui se libère de la peur et de l’ego devient transparent, et les évènements n’ont plus de prise sur lui.

Les Dioscures sont réputés offrir une protection particulière aux marins. Ils participèrent à l’expédition de Jason ainsi qu’à la chasse de Calydon : bien avant même que la non-dualité ne soit un objectif de yoga, travailler sur ce qu’ils représentent – à la fois puissance (ou pouvoir de réalisation) et extrême douceur (ou infinie compassion) – sera toujours une protection sur le chemin (pour les marins).
Et le chercheur qui est bien avancé dans ces réalisations peut veiller à la bonne orientation de la quête : les Dioscures surveillèrent la cour des prétendants de leur sœur Hélène.

Le nom Dioscures qui est apparu relativement tardivement signifie « les jeunes garçons de Zeus », au sens où ce sont les réalisations les plus avancées vers le surmental. C’est avec la Pléiade suivante, Maia, que sera établi le surmental avec son fils Hermès. Rappelons que si Zeus est le symbole du supraconscient en général, il l’est plus particulièrement de son niveau le plus haut, le surmental. Le mot Dioscures comporte aussi un sens de « guerrier » et « serviteur libre », termes qui s’appliquent aussi au chercheur.

En dehors de leur participation aux grandes épopées, les Dioscures furent impliqués dans trois aventures remarquables.

Le sauvetage d’Hélène après son rapt par Thésée et Pirithoos

Il a été évoqué dans le premier chapitre. Il explique que le chercheur doit attendre d’être prêt pour commencer la phase du yoga dans l’inconscient corporel. A cette époque, Hélène était encore nubile.

L’enlèvement des Leucippides (les filles de Leucippos, Hilaeira et Phoebé)

Toutes les sources mentionnant l’enlèvement des Leucippides sont tardives.
Promises à Idas et Lyncée, elles furent enlevées par les Dioscures à qui elles donnèrent chacune un fils : la purification de la nature vitale génère une possibilité de « rayonnement » et « d’action juste (favorable) » (elles sont filles de Leucippos). Contrairement à ce qu’il imagine, le chercheur doit admettre que ce travail dépend plutôt de l’être psychique que de ses capacités de vision.
Nous avons vu en effet qu’Hilaeira « ce qui est favorable » et Phoebé « la pure, la rayonnante » étaient dans les Chants Cypriens des filles d’Apollon, et donc seulement des filles adoptives de Leucippos « une énergie pure ». Elles représentent alors des expressions de la lumière psychique qui se sont développées sous l’effet de la purification vitale.
Apollodore toutefois ne mentionne pas la promesse de mariage et ne fait donc pas de l’enlèvement l’origine du conflit qui opposa les cousins. Il attribue celui-ci au partage litigieux d’un troupeau.

Le conflit des Dioscures (Castor et Pollux, fils de Zeus) et des Apharétides (Idas et Lyncée, fils d’Apharée)

Le conflit qui opposa les Dioscures aux Apharétides se situe après l’enlèvement d’Hélène par Paris. En effet, tant que le problème de la Vérité du chemin d’évolution au-delà de la « libération » n’est pas posé, le conflit n’a pas lieu d’être.
Ceci est confirmé par le poète Lycophron selon lequel c’est Zeus qui inspira une dispute entre les cousins afin que Troie, qui n’aurait pu résister à l’assaut conjugué des quatre héros, ne tombe trop tôt aux mains des Grecs. En effet, seul Pollux survécut à l’issue de leur violente dispute. Le supraconscient retarde ainsi la possibilité de résolution rapide du conflit né de la difficulté de ré-orientation du yoga. Selon ce poète, outre la nécessité de parfaire la non-dualité, le chercheur doit également perdre son pouvoir et ses capacités de vision afin de parvenir à une soumission intégrale au Divin, seule capable de donner la bonne orientation.
Les capacités qu’il avait eu tant de mal à obtenir disparaissent pour la plupart, afin qu’il découvre en lui une autre possibilité de résolution (l’intervention d’Achille). Autrement dit, il n’est pas possible de trouver une solution pour l’évolution collective (au-delà de la libération personnelle) par le pouvoir et les capacités de vision de l’esprit : en effet, quelles que soient les variantes envisagées pour leur ascendance, Idas, Lyncée et Castor appartiennent tous à la lignée de Japet, par Éole ou par Atlas.

Selon d’autres, la dispute serait née à la suite d’une razzia de troupeaux effectuée en Arcadie par les quatre héros. Lorsque vint le moment du partage, ils en confièrent la charge à Idas. Celui-ci découpa une vache en quatre parties et déclara qu’une moitié du troupeau irait à celui qui aurait mangé sa part le premier et le reste à celui qui terminerait en second. Prenant les autres de vitesse, il finit le premier d’avaler sa propre part puis aussi celle de son frère. Idas et Lyncée emmenèrent donc tout le bétail mais les Dioscures volèrent le troupeau et leur tendirent une embuscade.
Cette histoire indique que certaines parties du chercheur veulent profiter des réalisations conquises par la puissance d’endurance à un stade avancé de yoga et se les disputent. La province d’Arcadie est liée à l’histoire de Callisto « la plus belle » qui chassait les bêtes sauvages avec Artémis et dont Zeus s’éprit, engendrant le héros Arcas. Malgré les difficultés pour situer cette province dans la progression, compte tenu des contradictions dans les sources, nous verrons plus loin qu’elle représente un état de réalisation très avancé dans la conquête des archaïsmes vitaux par une puissance de Vérité (Callisto « la plus belle » chasse des bêtes sauvages en compagnie d’une déesse). Elle concerne un yoga au-delà de celui effectué en Thessalie : rappelons en effet que les Centaures furent chassés de Thessalie en Arcadie.
Le chercheur veut donc jouir ici des réalisations de cette phase et ce sont ses « capacités de vision », auxquelles les autres réalisations « puissance et douceur » se sont volontiers soumises dans un premier temps, qui s’arrangent pour garder à leur profit toutes les réalisations (Idas récupère tout le troupeau qu’il emmène avec son frère).
Mais cette tentative qui précède la guerre de Troie échoue et se termine par l’annihilation de tous les pouvoirs et capacités de vision du chercheur. Seule doit se maintenir une totale douceur, une compassion infinie (seul Pollux survécut à la dispute).

Au début du combat, Lyncée utilisa ses pouvoirs de vision depuis le Taygète, le plus haut du plan du mental intuitif (cf. ci-dessus).
Le déroulement du combat présente quelques variantes. On peut en retenir que Lyncée fut tué par Pollux et qu’Idas, après avoir tué Castor, mourut sous les coups de Pollux ou fut foudroyé par Zeus. Selon plusieurs traditions, Idas et Lyncée furent tués près de la tombe de leur père, Apharée « celui qui travaille à être sans masque ».

La disparition de ces grandes réalisations a pour but de placer le chercheur dans un état de consécration intégrale vis-à-vis de l’Absolu (rappelons que selon Mère, « ce n’est pas donner ce qui est petit à quelque chose de plus grand, ce n’est pas perdre sa volonté dans la volonté divine : c’est ANNULER sa volonté en quelque chose qui est d’une autre nature »).

La fin des Dioscures

Selon Apollodore, Zeus fit monter Pollux au ciel, mais comme celui-ci ne voulait pas l’immortalité sans la partager avec son frère, Zeus leur accorda à l’un et à l’autre d’être un jour avec les dieux et un jour avec les mortels.
Dans l’Odyssée, Homère confirme cette destinée : « sous la terre féconde de leur Lacédémone natale, ils continuent de vivre ; et même sous cette terre Zeus les comble d’honneurs, car leurs jours alternant, ils vivent aujourd’hui pour mourir demain. Et à l’égal des immortels ils sont honorés. »
Le chercheur a renoncé à poursuivre plus avant sa quête de « vision d’ensemble » et de « vision pénétrante » dans l’être personnel afin de poursuivre l’évolution. Le supraconscient lui donne alors l’expérience de « l’infinie compassion » depuis la non-dualité en l’esprit, mais le chercheur aspire également à ce qu’elle soit la source du pouvoir afin de procéder à la transformation pour l’humanité entière (Pollux n’accepte pas de vivre parmi les immortels s’il ne peut en même temps en faire profiter Castor).
Mais là n’est pas la solution, car la transformation ne peut être opérée par le seul pouvoir de l’esprit : il faut l’alliance des dieux et de l’humain. C’est pourquoi Zeus met en place une alternance selon laquelle puissance et compassion alternativement se « rechargent » un temps dans l’Absolu pour descendre ensuite dans l’inconscient corporel (sous la terre féconde) afin d’y insuffler la conscience.
Ils œuvrent alors à la transparence corporelle.
Mais il ne s’agit encore que des premières couches de l’inconscient, car la descente ne se produit pas dans l’Hadès, mais sous la terre de leur Lacédémone natale.

Il est possible de situer le conflit à la même période que l’enlèvement d’Hélène, car lorsque commence la guerre de Troie, il a déjà eu lieu : le chercheur a donc déjà commencé à travailler dans les profondeurs de l’inconscient.