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Le mythe des femmes de Lemnos illustre une quête de « formes spirituelles exotiques » en lieu et place d’une aspiration à se transformer soi-même
Le premier épisode auquel est confronté le chercheur est illustré par l’épisode des femmes de Lemnos.
Les Argonautes arrivèrent chez les Sintiens dans l’île de Lemnos où toute la population mâle avait été massacrée.
En effet, comme les femmes de cette île avaient longtemps négligé d’honorer Aphrodite, celle-ci dressa leurs maris contre elles et ils les répudièrent. (Selon Apollodore, les femmes dégageaient des odeurs nauséabondes provoquées par la déesse.) Au contraire, ils éprouvaient un violent amour pour les captives ramenées de leurs pillages en Thrace sur la côte opposée et qui leur donnèrent également des enfants. Aussi « méprisaient-ils leurs enfants légitimes alors qu’une race obscure de bâtards se levait ».
Les héros débarquèrent un an après que les épouses, jalouses et furieuses, eurent massacré non seulement leurs maris et leurs concubines mais aussi tous les habitants de sexe mâle, enfants et vieillards compris. Seule, Hypsipylé épargna son vieux père Thoas qui régnait sur le pays. Elle le plaça dans un coffre qu’elle abandonna à la mer.
C’est aux femmes désormais qu’incombaient « les travaux d’Athéna ». En outre, comme elles craignaient un débarquement des Thraces, elles se méfièrent à l’arrivée des Argonautes et se précipitèrent en armes à leur rencontre. (Selon Sophocle, une bataille eut même lieu).
Mais l’inquiétude fut bientôt dissipée et les Argonautes s’unirent aux Lemniennes sous l’influence d’Aphrodite « afin que Lemnos retrouve son intégrité ».
Les Argonautes restèrent une année entière sur l’île. Jason demeurait au palais d’Hypsipylé qui lui donna un fils, Euénos.
Ils appréciaient tant leur séjour sur l’île qu’il fallut la ferme admonestation d’Héraclès pour les inciter au départ. Ils reprirent donc la mer et « le soir même, sur l’ordre d’Orphée, ils abordèrent à l’île de l’Atlantide, Électra, pour connaître par d’étonnantes initiations les rites secrets qui leur permettraient de naviguer avec sûreté sur la mer qui glace d’effroi. » Apollonios précise encore : « Je n’en dirai pas plus long : salut à cette île et à ses dieux indigènes, détenteurs de mystères qu’il ne nous est pas permis de chanter ».
Cette histoire se déroule sur l’île de Lemnos où tomba Héphaïstos lorsqu’il fut jeté du haut de l’Olympe par Zeus qui, lors de l’une de ses querelles de couple, n’avait pas supporté qu’il prenne le parti de sa mère Héra. Dans une autre tradition, Héra l’avait trouvé si laid à sa naissance qu’elle l’avait jeté elle-même.
Héphaïstos est le dieu créateur des formes, et principalement des formes spirituelles, son frère Arès en étant le destructeur. Mais ce sont des formes imparfaites puisqu’elles ne reposent que sur l’un des deux piliers du mental, en l’occurrence ici le mental logique – la raison – en accord avec le cycle cosmique du mental. Mais Héra, symbole de la conscience la plus haute, bien que l’ayant engendré, ne peut accepter que des formes parfaites. Aussi le rejette-t-elle.
Lemnos est donc le symbole d’une nécessaire réunification des polarités.
Le chercheur qui se lance dans la quête commence par rejeter les buts spirituels énoncés dans les formes de sa propre culture, « les épouses légitimes ». Selon certains, « elles sentaient mauvais » parce qu’elles étaient dans un processus de décomposition, n’étant plus animées par le souffle originel. Elles s’étaient figées car elles avaient « négligé » l’adaptation permanente nécessaire à l’expression de l’amour, fille de l’union (Aphrodite).
En revanche, les formes spirituelles nouvelles et leurs buts que le chercheur découvre dans sa quête et qu’il s’approprie indument (les jeunes filles qu’ils ramenaient de leurs pillages en Thrace) le séduisent plus que de raison.
Tout chercheur débutant a tendance en effet à rejeter les formes spirituelles de sa propre culture et à mettre sur un piédestal des formes étrangères dont bien souvent il ne retient que ce qui convient à son ego et à son besoin de nouveauté, de mystère et d’exotisme. Il élabore sa propre « mixture », prenant ici et là les bouts de vérité qui lui conviennent (une race obscure de bâtards se levait).
Seul survit l’impétuosité déjà présente au début de la quête (Thoas est âgé) qui tente à travers toutes ces expériences de franchir les portes les plus hautes (Hypsipylé).
Mais les formes spirituelles de sa propre culture conservent une emprise puissante sur le chercheur de par leur enracinement subconscient. (Certains maîtres affirment aussi que ce sont des égrégores dans l’invisible qui maintiennent les croyants sous leurs lois.) Aussi les femmes de Lemnos font-elles finalement disparaître toutes ces tentatives exotiques avant de s’unir aux Argonautes, les buts spirituels anciens devant être fécondés et renouvelés par des forces neuves.
Le combat qui opposa, selon Sophocle les Lemniennes aux Argonautes, se rapporte le plus probablement à la lutte que doit livrer le chercheur pour se libérer des « croyances mortes » qui enferment, avant que le nouveau ne puisse féconder sa quête.
Seule une forte détermination et les qualités représentées par les Argonautes permettent de franchir cette étape et d’aborder une nouvelle phase dans laquelle il s’agit davantage de se transformer soi-même que de changer de tradition spirituelle.
Cependant, malgré l’agrément de leur séjour, les Argonautes durent quitter l’île de Lemnos, c’est-à-dire poursuivre leur chemin sur la base des anciennes formes renouvelées.
Ce long séjour produisit, par l’union des deux forces les plus hautes de chaque courant – Jason et Hypsipylé – « une bonne évolution » Euénos.
Selon Pindare, des jeux fure