<< Précédent : Jason à la conquête de la Toison d’Or
Les compagnons de Jason, les Argonautes, représentent les travaux de yoga qui doivent être engagés pour commencer la quête. Nous retrouverons ainsi à plusieurs reprises des listes de personnages pour indiquer les conditions requises au franchissement de l’étape correspondante, en particulier dans la chasse au sanglier de Calydon, la guerre des Lapithes contre les Centaures, et surtout dans les contingents des différentes provinces qui participèrent à la guerre de Troie.
Il semble assez évident qu’aucune liste ne pouvait faire l’unanimité parmi les initiés, car les chemins individuels diffèrent et les maîtres tendent en outre à guider leurs disciples sur la voie qu’ils ont eux-mêmes parcourue. Pour eux, chacun des noms pouvait être prétexte à un enseignement particulier et chacun devait donc avoir composé son propre inventaire.
Plusieurs listes d’Argonautes nous sont parvenues. Les plus succinctes, celles de Pindare et de Phérécyde, ne comportent qu’une dizaine de noms, presque exclusivement des fils de dieux. Elles soulignent des qualités que le chercheur doit posséder à minima et certaines progressions qui doivent avoir été bien engagées.
En effet, ces grands héros se situent en général dans les branches généalogiques des étapes avancées du chemin qui marquent à la fois leur apothéose et souvent leur fin. Mais les qualités qu’ils représentent doivent se renforcer progressivement dans l’être et c’est pourquoi nous les trouvons ici parmi les Argonautes.
Toutefois, même si cette définition des aptitudes ainsi que l’évaluation de leur degré restaient de la responsabilité du maître, elles ne pouvaient bien sûr garantir l’accès à l’expérience.
Quatre autres listes sont très semblables : celle des Argonautiques orphiques (datée du IVe au VIe siècle avant J.-C.), celle de Valerius Flaccus (Ier siècle avant J.-C.), celle de Hygin (IIe siècle avant J.-C.) et celle d’Apollonios de Rhodes (IIIe siècle avant J.-C.). Les trois premières nous ont été transmises par les mythologues et sont visiblement dérivées de la quatrième, celle d’Apollonios de Rhodes qui vécut lui-même l’expérience et livre le seul récit grec complet de cette quête qui nous soit parvenu. Cet auteur fournit une liste de cinquante cinq Argonautes et il semble évident que nombre des capacités correspondantes ne peuvent être considérées parmi les indispensables préalables à la quête, mais plutôt comme faisant partie d’une ambiance générale, tels Amphidamas « ce qui concerne une certaine maîtrise » ou Augias « des éclats de lumière ».
Toutes ces énumérations comportent une cinquantaine de noms à l’instar du bateau à cinquante rangs de rames.
La liste du mythologue Apollodore (IIe siècle après J.-C.) s’inscrit dans la même catégorie, bien qu’elle comporte une quinzaine de noms très différents des quatre autres listes évoquées ci-dessus. Pour être exhaustif, il nous faut mentionner aussi les listes de l’historien Diodore et celle du poète romain Stace.
Seules seront étudiées ici en détail les listes de Pindare et Phérécyde, et quelques éléments de réflexion seront ajoutés pour certains autres Argonautes sélectionnés dans les autres listes.
Jason
Il est le chef des Argonautes et donc représente l’élément primordial du début du chemin. Son nom signifie « celui qui se guérit » et aussi « un retournement de la conscience ». Rappelons que son frère est Promachos « celui qui combat devant », c’est-à-dire celui qui met la quête au premier plan de ses préoccupations, qui est sans tiédeur, le guerrier des traditions spirituelles.
Il marque le moment où le futur chercheur, souvent après avoir épuisé ses velléités de changer le monde, commence à se retourner vers son monde intérieur. Il apprend à considérer que ce qui lui arrive ne dépend pas de l’extérieur mais lui renvoie une image fidèle de son état intérieur et des progrès qu’il doit faire pour gagner en liberté. Il s’exerce à déchiffrer les signes que le monde lui adresse sans cesse, à discerner ce qui se passe en lui, à prendre du recul afin d’être le « témoin ». Il découvre qu’il peut modifier son état intérieur en fonction de sa plus ou moins grande identification aux évènements, de ses attachements et de sa complicité avec la souffrance psychologique, et apprend donc que cet état est aussi de sa responsabilité.
Il devra admettre en conséquence que les conditions sont toujours à chaque instant les meilleures pour son évolution, et qu’il ne lui est jamais proposé par la vie plus qu’il ne peut supporter.
Commence à « être vivant », non pas l’homme vital-mental que la civilisation de la publicité et de l’image porte aux nues, mais celui qui, changeant de point de vue, tente d’agir à partir de ce qu’il sent au plus profond de lui, en réponse à cet appel qui résonne au travers de l’énorme magma de l’inné et de l’acquis, des habitudes et conditionnements de toutes sortes.
Calaïs et Zétès
Calaïs est « celui qui appelle (interroge, invoque) », c’est-à-dire « l’aspiration ». Son nom contient aussi une idée de « rectitude ». Son frère Zétès est « celui qui recherche (par l’effort) ». Ce sont des fils de Borée, le « vent » du nord de l’ascèse ou de l’effort, et d’une fille du roi d’Athènes Érechthée, Orythie, « celle qui s’élance impétueusement sur la montagne (la montagne est le symbole du chemin spirituel) ». Ce sont des êtres ailés qui représentent donc surtout l’aspiration et l’effort de rectitude et de recherche par le mental.
(Rappelons qu’il y a quatre grands vents ou aides divines dans le yoga : Borée, le vent de Nord ou de l’ascèse, Notos, le vent du Sud qui apporte la confusion et masque le chemin, Zéphyr, le vent d’Ouest qui purifie et Eurus, le vent d’Est qui apporte le Nouveau.)
Calaïs exprime le « besoin » essentiel d’une autre manière d’être et d’agir et Zétès, « la recherche » qui est inséparable de ce « besoin » et persévère malgré les embûches, les chutes, les fausses pistes et les erreurs. Bien des chercheurs en effet parcourent de nombreuses voies ésotériques, mystiques ou philosophiques de l’Orient et/ou de l’Occident, avant de rencontrer celle qui correspond à la vérité de leur âme.
Les devins Mopsos et Euphémos auxquels Phérécyde ajoute Idmon
Ces devins représenten