Les Argonautes chez Circé

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Reprenant la mer, les héros arrivèrent enfin au port d’Aiaié où ils trouvèrent Circé, la fille d’Hélios, et donc sœur d’Aiétès. Elle se purifiait la tête avec ardeur car elle avait été effrayée par ses rêves de la nuit. Et maintenant, des êtres qui n’étaient ni hommes ni bêtes, mais composés de membres des uns et des autres mélangés, s’avançaient en foule derrière elle. Dans le passé, la terre avait fait germer de tels êtres hybrides lorsque la terre n’avait pas encore été rendue compacte, puis le temps les avait répartis en espèces en les combinant.

Sans rien connaître de l’histoire des héros, Circé comprit à leur attitude qu’ils venaient se faire purifier et procéda aux rites nécessaires.

Puis elle reconnut Médée qui était de sa race et cette dernière lui fit « en langue de Colchide » le récit de l’expédition par le détail. Ne pouvant excuser le dessein et la fuite de sa nièce, elle leur refusa l’hospitalité.

Puis Héra, qui veillait toujours étroitement sur les héros, envoya Iris mander Thétis auprès d’elle. Lorsque celle-ci arriva, quittant ses profondeurs marines, Héra lui demanda de se rendre auprès d’Éole (ici fils d’Hippotès) afin qu’il retienne les vents, à l’exception d’un Zéphyr favorable, et auprès d’Héphaïstos afin qu’il limite l’ardeur du feu de sa forge. Elle voulait en effet assurer aux Argonautes une traversée sans péril afin qu’ils arrivent sains et saufs chez Alkinoos, roi des Phéaciens, en évitant les monstres Charybde et Scylla qui étaient sur leur route. 

Circé, fille d’Hélios, est la « puissance de vision de vérité dans le détail ». Elle voit donc avec précision dans les profondeurs de l’être ce qui est caché. Nous la retrouverons dans le voyage d’Ulysse. Cette capacité de « vision de vérité dans le détail » ne sera pleinement active dans l’homme que dans un lointain futur, car le nom du fils de Circé est Télégonos « celui qui est engendré au loin ».

Les êtres « hybrides, ni hommes ni bêtes » qui suivent Circé illustrent le passage progressif et en apparence désordonné par lequel la nature opère la transformation de l’animal à l’homme.

Le fait que Circé accepte de purifier les héros sans même connaître leurs crimes indique que le chemin emprunté était inévitable. Mais son refus d’hospitalité prévient que cette partie de l’être désapprouve l’orientation du chercheur qui a donné priorité à ce qu’il pense être son but de vie au détriment de la purification (par le meurtre d’Apsyrtos). Et nous verrons plus loin dans quelles dramatiques erreurs il se fourvoiera suite à ce manque de purification.

De plus, Circé et Médée se servent d’une langue ignorée de Jason, la langue de Colchide : le chercheur ne peut donc interpréter de façon juste les échanges qui se produisent au plus haut de son être, même s’il en a une très vague perception.

S’ensuit une période de calme durant laquelle il est protégé par le mouvement qui veille sur son évolution (selon les instructions d’Héra), car un temps d’intégration est nécessaire : les forces qui génèrent les formes nouvelles (Héphaïstos) ou encore celles qui animent l’évolution et qui peuvent être parfois violentes (les vents gouvernés par Éole) doivent maintenir une période de calme. D’un autre côté, celles qui règnent sur les profondeurs du vital (Thétis) doivent tout faire pour lui  éviter une catastrophe vers laquelle il se dirige sans le savoir (Charybde et Scylla).

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