<< Précédent : Le pugilat des mendiants (Chant XVIII)
À la demande d’Ulysse, Télémaque éloigna les femmes. Puis, tandis qu’Athéna les éclairait de sa lampe d’or, tous deux emportèrent au trésor casques, lances et boucliers. Télémaque fit part à son père du prodige dont il était témoin : il voyait scintiller les murs, les poutres et les hautes colonnes comme une flamme vive. Ulysse lui intima l’ordre de ne pas questionner, car c’était, dit-il, la manière qu’ont les dieux de se manifester.
Tandis que Télémaque partait se reposer pour la nuit, Pénélope descendit dans la grande salle où se trouvait Ulysse. L’une des femmes qui s’affairaient à la remise en ordre de la salle, Mélantho, insulta à nouveau Ulysse-mendiant, tentant de le chasser. Ce dernier lui conta ses richesses passées et l’avertit de redouter le retour du maître des lieux. Puis à son tour Pénélope la rabroua et fit asseoir le mendiant, le questionnant sur ses origines. Le mendiant évita de répondre afin, dit-il, de ne pas aggraver sa peine.
Pénélope lui dit alors qu’elle restait indifférente à tout sauf à son époux. Elle lui parla de la ruse à laquelle elle avait eu recours pendant plus de trois années pour duper les prétendants qui avaient finalement été avertis par ses servantes. Elle narra aussi la pression de tous pour son remariage et renouvela sa question.
Ulysse dit alors que son père était Deucalion, lui-même fils du grand Minos que Zeus consultait tous les neuf ans. Il avait donc pour frère Idoménée et prétendit se nommer Aithon. En l’absence de son frère qui venait de partir pour Troie, il avait accueilli pendant douze jours Ulysse et ses hommes qu’un vent de Borée empêchait de prendre la mer.
Pénélope lui demanda de prouver ses dires en décrivant les vêtements d’Ulysse. Le mendiant détailla un splendide manteau et donna le nom du héraut qui l’accompagnait, Eurybatès, à la peau noire et au dos vouté. Puis il dit que le roi Phidon de Thesprotie lui avait donné des nouvelles d’Ulysse. Après avoir été sauvé par les Phéaciens, celui-ci revenait avec beaucoup de richesses. Mais son navire et son équipage avaient sombré au retour de l’île du Trident (Thrinaquie) parce qu’ils avaient mangé les vaches d’Hélios. Tandis qu’un bateau du roi Phidon se tenait prêt à le ramener, Ulysse était parti pour Dodone entendre la voix de Zeus parlant par le grand chêne afin de savoir s’il devait se cacher pour rentrer au pays. Le mendiant affirma pour conclure qu’Ulysse serait de retour sous peu.
Pénélope ordonna alors à ses suivantes de laver les pieds du mendiant, de préparer un lit et de prévoir le bain du lendemain matin. Ulysse refusa le lit et refusa aussi qu’aucune des servantes de Pénélope ne lui lave les pieds sauf s’il s’en trouvait une, vieille, sage et réservée, ayant souffert autant que lui.
Pénélope appela alors Euryclée qui, se lamentant du destin d’Ulysse, affirma qu’elle n’avait jamais rencontré quelqu’un qui lui ressemblât autant.
Le mendiant s’écarta du foyer et Euryclée vint à ses pieds pour les lui laver. Elle reconnut aussitôt la cicatrice à la cuisse d’une blessure faite par un sanglier lorsqu’Ulysse suivait au Parnasse ses oncles, les fils d’Autolycos (grand-père maternel d’Ulysse). C’est ce dernier qui avait suggéré le nom Ulysse car tant de gens en chemin avaient « ulcéré » (Odussomai) son cœur.
Comme Euryclée voulait prévenir Pénélope, Ulysse l’empêcha de parler alors qu’Athéna détournait le regard de la reine.
Puis la reine demanda conseil au mendiant à propos d’un songe qu’elle avait fait : « Un aigle venait de la montagne et brisait le cou à ses vingt oies. Comme elle se lamentait, l’aigle revenait, et prenant voix humaine, lui disait que le rêve n’en était pas un mais plutôt l’annonce d’un accomplissement à venir. L’aigle symbolisait son époux qui revenait au manoir tuer les prétendants. » À son réveil, ses oies étaient bien vivantes.
Le mendiant lui confirma la validité de l’interprétation donnée dans le songe lui-même.
Pénélope, connaissait la nature des songes – trompeurs quand ils viennent de l’ivoire scié et véridiques quand ils sont issus de la corne polie – mais elle ne pouvait dire l’origine de celui qu’elle venait de raconter.
Puis elle annonça qu’elle allait proposer aux prétendants un jeu qui consisterait à tendre l’arc d’Ulysse et, à bonne distance, lancer une flèche à travers douze haches alignées, comme son époux avait coutume de le faire. Elle épouserait celui qui réussirait.
Ulysse-mendiant approuva ce choix et lui annonça que son époux serait de retour avant le début du jeu, puis elle regagna ses appartements pour dormir.
Alors que l’on approche du moment décisif, il semblerait que le renversement doive se faire en phases successives : d’abord celle des travaux de yoga (la mort des prétendants) puis celle des buts et des aides au yoga qui ne sont plus adaptées (la mort des femmes, des suivantes et des servantes qui ne sont pas restées fidèles).
Le chercheur a alors l’expérience de la nature lumineuse des structures de la matière, ce qui advient à partir d’un certain niveau dans le surmental (Selon le plan initial, les armes des prétendants sont emmenées au trésor où Télémaque a une expérience étrange : il voyait scintiller les murs, les poutres et les hautes colonnes). (Cf. ce qui a été dit à propos d’Autolycos au début du chapitre. À de très nombreuses occasions, Mère mentionne l’expérience du pointillement lumineux dans la matière ou du rayonnement de la matière. Voir par exemple Agenda du 30 octobre 1961.)
Ce qui en lui a travaillé à l’union esprit-matière impose l’arrêt de tout questionnement car la transformation doit opérer selon des modes qui dépassent le mental (Ulysse intima l’ordre à Télémaque de ne pas poser de questions).
Puis pour la seconde fois, la perversion qui s’est développée suite à une illusion mais qui paraissait la plus réelle de toutes les aides au yoga, dénigre le mo