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Ulysse arriva ensuite à l’île d’Hélios (le soleil, fils d’Hypérion) où paissaient sept troupeaux de vaches et sept hardes de grasses brebis, de cinquante têtes chacun.
Ces animaux ne connaissaient ni la naissance ni la mort, et étaient gardés par deux déesses, Phaéthousa et Lampétie, filles d’Hélios et de la nymphe Néaira.
Par deux fois le héros avait été averti. Tirésias lui avait recommandé d’éviter l’île et Circé de ne pas toucher aux animaux du dieu, faute de quoi son retour au pays serait très difficile.
Ulysse en informa ses compagnons, mais Eurylochos, prenant la parole au nom de tous, l’adjura de les laisser débarquer pour se reposer une nuit. Ulysse y consentit à condition que tous jurent de respecter les troupeaux d’Hélios, « le dieu qui voit tout et entend tout ». Tous jurèrent.
Mais Zeus fit souffler le Notos tout un mois, les empêchant de reprendre la mer. Ils furent donc rapidement à court de vivres et la faim les tenaillait.
Alors que les dieux avaient endormis Ulysse, Eurylochos convainquit ses compagnons de sacrifier aux dieux les plus belles vaches d’Hélios, ce qui leur permettrait de se rassasier de viandes. Après le sacrifice, tous s’endormirent, repus.
Ulysse à son réveil constata le drame.
Lampétie de son côté avait prévenu son père Hélios. Celui-ci demanda à Zeus et à tous les immortels de venger le meurtre de ses bêtes, proférant la menace suivante : s’il n’obtenait pas des compagnons d’Ulysse l’expiation qu’il attendait, il plongerait dans l’Hadès et brillerait pour les morts. Cette menace, Ulysse ne la connut que plus tard lorsque Calypso lui raconta ce qu’Hermès lui avait rapporté.
Les dieux envoyèrent alors des signes : les dépouilles marchaient et les chairs meuglaient autour des broches. Mais ces prodiges n’empêchèrent pas l’équipage de se nourrir de viande pendant six jours. Le septième jour, le vent tomba enfin et ils s’embarquèrent.
Alors qu’ils étaient au large, Zeus accrocha au navire une sombre nuée dont la mer s’enténébra. Un furieux Zéphyr souffla en ouragan, abattant le mât qui tua le pilote. Zeus, en même temps, foudroya le navire qui fut disloqué et tous les marins périrent.
Ulysse attacha ensemble le mât et la quille et s’assit sur ce radeau improvisé.
Le Notos prit la suite du Zéphyr et souffla toute la nuit, entraînant le radeau à nouveau vers Charybde où le héros parvint au petit matin alors que le monstre était en train d’avaler l’onde amère. Entraîné par le tourbillon, Ulysse s’accrocha aux branches du grand figuier et resta tout le jour suspendu au-dessus du gouffre, sans pouvoir ni poser le pied ni trouver position plus confortable en grimpant. Lorsqu’au soir venu, Charybde vomit le mât et la quille, il se laissa tomber, rama de ses mains, et le Père des dieux et des hommes fit en sorte que Scylla ne le vit pas.
Neuf jours durant il dériva et la dixième nuit fut rejeté sur le rivage de l’île de Calypso, la déesse à la voix mélodieuse.
Après être parvenu à la racine des processus mentaux, le chercheur prend conscience qu’il a à sa disposition de très nombreux pouvoirs issus d’un plan supérieur non-duel en rapport avec l’aspect illuminateur du supramental et ses aspects novateurs reçus par révélation et inspiration (les troupeaux d’Hélios « celui qui voit tout et entend tout », vaches et grasses brebis, qui ne connaissaient ni la naissance ni la mort). Nous associons ici la brebis au « renouveau » perçu par les deux pouvoirs de l’Intuition, l’inspiration et la révélation.
Ces illuminations et autres pouvoirs proviennent du plan supramental et sont donc absolument vrais, immortels.
Mais le chercheur ne doit en aucun cas en faire usage à son propre profit quelles que soient les circonstances. Aussi avait-il eu l’intuition par deux biais différents qu’il devait s’en tenir à l’écart : par l’intuition corporelle qui aide au processus purificateur (Tirésias) et par sa capacité spirituelle de discrimination (Circé).
Ces pouvoirs étaient « gardés » par des puissances issues du supramental (Phaéthousa « la lumière intérieure » et Lampétie « la lumière en haut ») et ne pouvaient être utilisés que selon les besoins évolutifs (Néaira « ce qui émerge pour l’évolution »).
Le chercheur cède toutefois à des instances de son être extérieur qui craignent d’avancer sans y voir clair. C’est « la prudence avisée », celle qui argumente toujours en faveur de l’ego, qui en est le porte-parole (Eurylochos adjure Ulysse de s’arrêter pour la nuit, nuit qui est source de grands dangers pour les marins).
Le chercheur tente alors de convaincre toutes les parties de son être que sous aucun prétexte d’ordre personnel, elles n’utiliseront à leurs propres fins les dons ou pouvoirs issus du supramental qu’il sent à portée de main (Ulysse fait jurer ses compagnons qu’ils ne toucheront pas aux troupeaux).
Mais à nouveau, il est testé pendant une période qui lui semble interminable dans l’incertitude du chemin (Zeus envoie le Notos – un vent de « confusion » – qui enveloppe les hauteurs de la montagne d’un brouillard odieux au berger). Sans comprendre où il est conduit, il peine devant l’aridité du yoga – la rareté des « expériences » – et veut se détendre, « se relâcher » un court moment devant la difficulté sans penser nuire à son yoga (les hommes sont tenaillés par la faim).
Alors que la « volonté de réaliser la parfaite transparence » qui mène le yoga est mise en retrait par les forces spirituelles (« l’éveil » n’est pas encore permanent), cette aridité conduit certaines parties du chercheur à la trahir sous prétexte d’honorer le supramental, tout en étant bien conscientes qu’elles en retireront un certain profit (les hommes sacrifient les bÅ“ufs à Hélios alors qu’Ulysse est endormi par les dieux). Lorsqu’il « s’éveille » de cette inconscience, il voit que c’Ã