LA CEINTURE DE LA REINE DES AMAZONES

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Dans cette épreuve, Héraclès devait rapporter à Eurysthée la Ceinture de la Reine des Amazones. Cette épreuve marque la phase culminante du feu intérieur et l’accomplissement d’une parfaite maîtrise vitale.

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Héraclès combattant les Amazones

Héraclès combattant les Amazones – Staatliche Antikensammlungen

Dans la céramique, la bataille qui opposa la troupe d’Héraclès aux Amazones était très populaire. Mais on n’y trouve aucune trace de ceinturon ou baudrier. L’adversaire d’Héraclès était une Andromaque homonyme « celle qui combat l’homme » en qui on peut voir une signification équivalente à celle de Pâris-Alexandre « celui qui repousse l’homme » : la seule possibilité ultime du yoga était une annihilation dans l’Absolu impersonnel, et non la divinisation du corps.

Les textes les plus anciens mettent l’accent sur la bataille et sur la mort de la reine des Amazones, alors appelée Antiopé, tuée par Héraclès. Les versions plus tardives indiquent qu’il y eut d’abord des relations amicales avant la mêlée meurtrière.
Héraclès commença donc à nouer amitié avec les Amazones, obtenant même pacifiquement la ceinture, avant de les combattre dans un second temps : cette progression suivie d’un renversement indique que le chercheur doit d’abord réaliser une parfaite maîtrise vitale avant de la dépasser afin de réaliser une union plus intégrale, une perfection plus grande, par la libération des modes de la Nature et des dualités. Par maitrise vitale, il faut comprendre la libération du désir et de l’ego, qui inclut la maîtrise de la colère, de la sexualité, du dégoût et de la peur
Ce renversement se situe donc logiquement au même moment que la guerre de Troie, lors du premier grand renversement dans le yoga, car les Amazones se rangèrent alors dans le camp troyen.

Selon Apollonios (IIIe siècle avant J.-C.), qui est le premier à mentionner Mélanippé, Héraclès captura dans une embuscade Mélanippé, la sœur de la reine (qui est ici nommée Hippolyte), et l’échangea contre le « baudrier » de celle-ci.
Cette version pourrait exposer le fait que cette parfaite maîtrise du vital ne peut s’obtenir que par une parfaite appréhension de « l’ombre ». Mélanippé, sœur de la Reine, est en effet « la force noire, déformée », contrepartie d’Hippolyte « l’énergie vitale dont on s’est libéré ». Mélanippé représente en effet l’énergie vitale bridée qui se déforme en énergie noire et destructrice, chez un chercheur qui place cependant la pureté au sommet (les Amazones révèrent Artémis).
La présence dans le mythe de cette dualité ainsi que la filiation des Amazones – elles sont filles d’Arès – montrent que le chercheur n’est pas encore parvenu à la libération totale dans l’action, au-delà des dualités.
Des scholies de Pindare mentionnent que Mélanippé fut tuée par Télamon « l’endurance », fils d’Éaque, en même temps qu’Hippolyte était tuée par Héraclès : lorsque cesse la dualité, alors disparaissent aussi bien l’énergie pervertie (Mélanippé) que le but idéal visé (Hippolyte), le vice que la vertu.

Diodore (au Ier siècle avant J.-C.) compléta le récit d’Apollonios : une troupe des meilleurs guerriers accompagnait Héraclès dans cette expédition, parmi lesquels Télamon et Thésée. Après la victoire, ce dernier reçut en prise de guerre une Amazone du nom d’Antiopé qui fut la mère d’un Hippolyte homonyme dont s’éprendra Phèdre.
Toutefois dans les récits les plus anciens (Pindare et Phérécyde), l’expédition de Thésée contre les Amazones était indépendante de celle d’Héraclès.

Selon Apollodore, (entre le Ier et le IIIe siècle après J.-C.), ce fut à la demande de la fille d’Eurysthée, une Admète homonyme « celle qui n’est pas encore soumise au joug », qu’Héraclès dut rapporter le baudrier. Sur le chemin, le héros aida le roi Lycos à vaincre les Bébrykes et leur roi Mygdon, frère d’Amycos.
Puis, lors de sa première rencontre avec la reine Hippolyte, celle-ci lui promit de lui donner son baudrier. Mais Héra, déguisée en Amazone, excita les autres femmes en faisant courir le bruit que le héros voulait enlever la reine elle-même, et elles attaquèrent ses vaisseaux. Se croyant trahi, Héraclès tua Hippolyte et s’empara de la ceinture.
Pour parvenir à cette réalisation (chez les Amazones), il est nécessaire qu’une alliance du yoga dans la voie de la purification/libération (Héraclès) et de la lumière intérieure (Lycos) ait vaincu la colère (les Bébrykes « rugir, dévorer » et leur roi Mygdon).
De plus, la force qui toujours ramène au mouvement juste d’évolution (Héra) n’accepte pas que le chercheur s’arrête en chemin.

Tous les récits s’accordent pour décrire un peuple de femmes « guerrières », et donc une réalisation avancée des « combattants pour la Vérité ». Le premier exemple de telles femmes, hormis les déesses immortelles, apparait avec Atalante qui représente la réalisation d’une certaine « égalité » dans la chasse au sanglier de Calydon menée par Méléagre (lequel est un descendant de Protogénie « ceux qui marchent en avant », héroïne figurant dans la lignée de Japet, l’ascension des plans de conscience).

Certaines sources mentionnent que les Amazones se gouvernaient sans le secours d’aucun homme et ne toléraient leur présence qu’à titre de serviteurs, ou encore, tuaient ou mutilaient leurs enfants mâles à la naissance, les aveuglant ou les rendant boiteux. Le chercheur considère donc qu’il est parvenu au terme du yoga. Il ne laisse pas même venir à sa conscience les nécessaires travaux de purification sur les imperfections de sa nature, ou alors il refuse de les prendre en compte ou seulement très partiellement.

Diverses caractéristiques sont attribuées aux Amazones sans qu’on puisse exactement en déterminer l’origine.
Par exemple, bien que la légende parvenue jusqu’à nous en fasse d’excellentes cavalières – cette compétence dépeignant la maîtrise de l’énergie vitale – elles sont en général représentées à pied sur les céramiques, et seul Apollodore parmi les sources fiables semble mentionner qu’elles se précipitèrent à cheval vers le navire d’Héraclès ancré au port de Thémiskyra.

Apollodore signale d’autre part que « les mères comprimaient fortement le sein droit de leurs filles pour qu’elles ne soient pas gênées dans le maniement du javelot ou de l’arc ». Cependant, les céramiques sur lesquelles elles ont tout au plus un sein nu ne le confirme pas.
Cette anecdote pourrait illustrer le fait que, selon certains initiés, le travail de libération en l’esprit ne peut se faire sans avoir recours à une certaine « limitation » ou « compression » des énergies vitales, et plus particulièrement de l’énergie sexuelle (ce qui est en effet le cas de ce qui est demandé dans la plupart des yogas). Ce sont les conséquences de cette contrainte que pourrait représenter Mélanippé, l’énergie vitale « noire ».

Héraclès ne fut pas le seul héros à combattre les Amazones. Thésée, Priam, Bellérophon et Achille durent aussi les affronter, même si pour ceux-ci ce « travail » ne fut pas mis au premier plan. Cette lutte indique, selon sa position dans le mythe concerné, soit que le chercheur est parvenu au niveau de cette libération, soit que cette lutte est l’un des aboutissements logique du travail concerné : purification des erreurs, lutte contre les illusions ou réalisation de la transparence.
Thésée, qui était marié à Antiopé (ou à une Hippolyte homonyme), affronta les Amazones lorsqu’il délaissa son épouse pour Phèdre, fille de Minos et Pasiphaé. Cette guerre intervint peu de temps avant l’enlèvement d’Hélène et l’épisode de la descente chez Hadès, et donc assez longtemps après la victoire sur le Minotaure. Nous l’examinerons en détail dans un prochain chapitre avec la variante selon laquelle il aurait accompagné Héraclès dans son expédition.

Selon Homère, Bellérophon combattit les « viriles Amazones » tout à la fin de ses exploits, après la victoire sur la Chimère, mais avant que le roi de Lycie n’oppose ses meilleurs hommes au héros qui les vaincra, et donc juste avant que le chercheur ne dépasse les « éclairs de vérité » dont il eut l’expérience. L’importance accordée à ces « expériences lumineuses » constitue en effet l’un des derniers obstacles (proche d’une illusion) qui doit disparaître.
Il s’agit davantage d’une Vérité qui doit évoluer vers plus de Vérité encore, plutôt que d’une illusion au sens où nous l’entendons habituellement. Car il peut être difficile de voir la libération en l’esprit comme une illusion à moins de considérer qu’il s’agit là de la perception de la nature illusoire du monde dont le chercheur fait alors l’expérience. C’est pour cela que les héros ont un temps apprécié la fréquentation des Amazones avant de les affronter.

De nombreuses Amazones, sous la conduite de Penthésilée, intervinrent dans la guerre de Troie en apportant leur aide à Priam auprès de qui elles étaient venues se faire purifier. Accéder à une purification est le signe de la justesse du chemin. Les Amazones, représentant la parfaite maitrise, y compris celles de la souffrance par un détachement total (Penthésilée), ne pouvaient que se ranger du côté des Troyens qui eux aussi rejetaient toute possibilité de divinisation de la matière et aspiraient à une divinisation hors du monde, à un retour à l’Absolu hors manifestation.

Cependant, dans sa jeunesse, Priam avait apporté son aide aux Phrygiens qui combattaient aux côtés des Achéens contre les Amazones qui avaient envahi la Phrygie « qui grille, brûle ». Il avait ainsi contribué à leur défaite.
Cet épisode se déroule alors que la scission ne s’est pas encore produite entre Troyens et Achéens, c’est-à-dire avant la bifurcation entre la poursuite de l’ascension des plans de consciences et celle de la psychisation. Elle exprime que le chercheur, à un moment donné de la quête, doit veiller à ce que la voie qui pose la maîtrise comme but ultime ne « s’approprie » le feu de la quête.
Mentionnons aussi qu’Achille, dans le camp des Achéens opposé aux Troyens, se prit d’amitié dans un premier temps pour Penthésilée avant de la combattre et la tuer : chaque réalisation, aussi avancée soit-elle, doit être dépassée si le chercheur veut poursuivre le chemin évolutif.

Les Amazones habitent au-delà de la Propontide « le travail avancé sur le vital (Pro-Pontos) », vers le fond du Pont Euxin (Euxeinos Pontos) « le travail dans un monde vital très étrange, inhospitalier ». Leur royaume est situé au bord de la mer Noire, au nord de l’actuelle Turquie, à mi-chemin de la Colchide. Leur capitale est Thémiskyra, nom désignant ceux « qui ont en partage la loi divine ». (Thémiskyra est un mot construit avec themis « ce qui est établi comme la règle » ou « loi divine » par opposition à nomos, « la loi humaine », et kyra « qui a en partage ».)
Cette ville est située à l’embouchure du Thermodon, c’est-à-dire que la « réalisation spirituelle » représentée par les Amazones se situe au maximum de la puissance du courant de conscience (le fleuve) qui transporte « le feu de l’union » (Thermodon), l’Agni des Védas, le feu psychique.

Il n’y a aucune certitude sur la construction du mot Amazone. Le plus probable est qu’il a été construit à partir de αμα (tout à fait) et ζωνη (ceinture), symbole d’une parfaite maîtrise vitale. Une autre hypothèse serait l’assemblage du préfixe ama (αμα) « ensemble, qui fait corps avec » et du verbe Ζαω « vivre » (ou la lettre Zêta). Il décrirait en conséquence le chercheur qui est entré dans la voie d’union avec le Réel.

Nous avons déjà à plusieurs reprises employé le terme« baudrier » (zoster) au lieu de celui de « ceinture » qui a été consacré par la tradition. Il s’agit en effet davantage d’une pièce de l’équipement d’un guerrier servant à supporter l’épée que d’un élément d’habillement féminin. (Le mot ζωστηρ est à rapprocher de ζωος « vivant » et peut être aussi de ζωρος « pur, sans mélange ». Il inclut aussi la racine ΣΤ « se tenir debout » à l’origine de l’idée de rectitude, de rapport esprit/matière.)
D’autre part, certains auteurs mentionnent que Mélanippé, « la force (vitale) noire », fut tuée par Télamon, nom signifiant « baudrier » mais aussi « celui qui travaille à sa consécration totale » ou encore « celui qui endure » : maîtrise, consécration, don de soi (surrender) et endurance permettent d’intégrer et de transmuter « l’ombre » afin de préparer l’accès à la non-dualité.

En résumé, le travail consistant pour Héraclès à rapporter le baudrier de la reine des Amazones comporte symboliquement deux périodes : la réalisation d’une parfaite maîtrise (le plus probablement associée à l’union avec le Divin en esprit, la réalisation du Soi), puis son dépassement afin de poursuivre le yoga vers la libération de la nature jusqu’à l’obtention de la libération intégrale.
Dans la première période, l’idéal est prééminent, mais dans la division esprit-matière. Le chercheur, pensant qu’il est parvenu au terme du chemin, ne veut plus s’impliquer dans aucun travail (les Amazones rejettent les hommes). D’une certaine façon, cela peut être considéré comme une illusion, raison pour laquelle Bellérophon dut aussi les combattre. Dépasser ce stade relève tout autant de la croissance de l’être intérieur (Thésée) que du travail de purification conduisant à la psychisation de l’être (Héraclès).
Dans la seconde phase, il s’agit de renoncer aux réalisations précédentes afin de commencer un yoga dans la matière, qui réclame une grande « endurance ».

La construction des murailles de Troie

À ce neuvième travail est liée une anecdote qui expose le motif de la « première » guerre de Troie menée par Héraclès. Certains Anciens voulurent en effet situer la « seconde » guerre de Troie – celle qui est chantée par Homère dans l’Iliade – par rapport aux exploits d’Héraclès.

Sur l’injonction de Zeus (sans que la raison en fût donnée par Homère), les dieux Poséidon et Apollon servirent Laomédon pendant une année durant laquelle ils construisirent les murailles de la citadelle de Troie (Pergame). Selon Apollodore, ce fut pour vérifier par eux-mêmes l’arrogance de Laomédon. Ils prirent pour ce faire apparence humaine. Pour certains, tandis que Poséidon construisait les murailles, Apollon veillait sur les troupeaux. Mais lorsque le travail fut achevé, Laomédon refusa de payer le salaire convenu.

Laomédon était le roi de Troie et le père de Priam. Il appartient à la lignée de la cinquième Pléiade, Électre, qui correspond au plan du mental illuminé dans l’ascension des plans des consciences (Japet). Son ancêtre est un Érichthonios homonyme (à ne pas confondre avec le roi légendaire d’Athènes), c’est-à-dire « une puissante incarnation ». Son grand-père est Tros « le développement juste sur le plan de l’esprit » qui donna son nom d’abord au peuple puis à la ville de Troie. Son père est Ilos « la conscience libérée ». Ce nom a la même lettre structurante que celui du soleil, Hélios. Son oncle est Ganymède « celui qui veille à la joie » que Zeus enleva pour être l’échanson des dieux.
Le nom Laomédon signifie le plus probablement « celui qui a rassemblé et maîtrisé les éléments de son être extérieur ». Pergame est le nom de la citadelle de Troie et signifie « tout à fait uni » (il s’agit ici de l’union en l’esprit).
Ces éléments désignent donc un chercheur « libéré » en l’esprit, sans que soit toutefois achevée la purification de la nature extérieure. C’est pourquoi, ce personnage revient à plusieurs reprises sur ses engagements.

Le chercheur « sur la voie de la libération » s’est engagé à donner de lui-même, à effectuer un certain yoga (verser un salaire) lorsque le travail de « fortification » de son chemin serait effectué, lorsque le travail « d’union » lui serait facilité (Pergame). Mais lorsque cela est accompli par des forces supérieures – le subconscient et la lumière psychique – qui ne lui apparaissent pas clairement en conscience (les dieux sont déguisés), il refuse d’honorer sa dette, de leur attribuer tout le mérite.
Pour certains, Poséidon construisait les murailles de Troie tandis qu’Apollon veillait sur les troupeaux : la lumière de l’être psychique faisait en sorte que les acquis précédents ne soient pas perdus.
Selon la terminologie de Sri Aurobindo, il semblerait qu’ici, Poséidon soit davantage le mental et le vital subliminal (les immenses parties du vital et du mental situées sous le seuil de notre conscience active), plutôt que le subconscient, réservoir de toutes les impressions et sensations, recueillies par la conscience
Si l’on prend la version d’Apollodore, le chercheur est soumis à un test pour évaluer sa capacité à reconnaître en lui le travail du Divin, celui des forces divines qui agissent à travers lui et dont il n’est que le réceptacle (afin de tester l’arrogance de Laomédon).
Certains auteurs décrivent les murs édifiés par les dieux comme ceux « d’une cité inexpugnable », montrant ainsi qu’il ne s’agit plus simplement d’une expérience temporaire mais d’une réalisation définitive. Parmi ces réalisations, peuvent être citées l’union avec le Divin en l’esprit, la conscience cosmique, la présence de la Shakti ou Mère divine, la Force, la Lumière, la Connaissance, la réalisation de Sat-Chit-Ananda (la Conscience suprême triple en Une, Existence-Conscience-Félicité) et la Joie.
Ce mythe tendrait donc à exprimer que la voie troyenne n’est pas en elle-même une erreur, et même une réalisation nécessaire, mais que l’erreur intervient au moment où le chercheur considère encore les réalisations comme les siennes propres, refusant d’en attribuer la paternité au Divin, ou du moins refusant de tenir ses engagements de yoga (si l’on considère que les dieux avaient pris apparence humaine). Cette voie sera en effet poursuivie par la descendance d’Énée, très longtemps après la guerre de Troie.

Apollon et Poséidon furent irrités par la conduite de Laomédon. Le premier envoya sur le pays une peste et le second une inondation et un monstre marin qui dévorait ses habitants. L’oracle fut consulté et répondit que seul le sacrifice de la fille du roi, Hésione, apaiserait la colère des dieux. Celle-ci fut alors attachée à un rocher sur le rivage, en proie au monstre.
Laomédon promit ses chevaux immortels à qui tuerait le monstre et délivrerait sa fille. C’étaient les meilleurs de la terre, car son père Tros les avait reçus de Zeus en échange de Ganymède. (Celui-ci était le plus beau des mortels et il était devenu alors l’échanson des dieux, versant dans leur coupe le nectar d’immortalité.)

En revenant du pays des Amazones, Héraclès passa au large de Troie. Ayant aperçu la jeune fille attachée sur son rocher, il se proposa pour affronter le monstre. Homère ajoute qu’Athéna et les Troyens construisirent un mur pour protéger Héraclès du monstre marin. Selon Hellanicos, Héraclès pénétra dans le ventre du monstre et le détruisit de l’intérieur. Puis le héros reprit la mer.

Là encore, Laomédon refusa d’honorer sa promesse. Ce refus se produisit à différents moments selon les versions.
Dans la première, Héraclès revint pour recevoir la récompense promise seulement plusieurs années après avoir délivré Hésione, au moins après une année passée au service d’Omphale. Mais comme Laomédon refusait de donner les chevaux promis (ou leur substituait des chevaux « mortels », Héraclès s’apercevant plus tard de la tromperie), le héros s’empara de la ville de Troie et la dévasta.
Dans l’autre version, le refus de Laomédon eut lieu juste après la victoire d’Héraclès sur le monstre, mais le héros revint se venger plus tard comme dans la version précédente.

Héraclès prit alors pour captive Hésione, la fille de Laomédon, et la donna pour épouse à Télamon. Elle fut la mère de Teucer. En outre, il offrit à Hésione de racheter un prisonnier. Elle choisit son frère Podarcès qui porta désormais le nom de Priam « le racheté ».
Ce double refus de Laomédon d’honorer ses engagements spirituels fut, dit-on, la cause première de la guerre de Troie.

Suite à ce refus d’honorer ses « engagements spirituels », le chercheur passe par une période difficile. Il est sérieusement perturbé à la fois par son être psychique qui retire sa lumière, générant une disharmonie grandissante très destructrice (Apollon envoya une peste) et plus gravement encore par des troubles émotionnels et des forces d’opposition dans le vital issues du subconscient (l’inondation et le monstre marin envoyés par Poséidon).
Regardant en lui-même (par la consultation de l’oracle) le chercheur comprend que pour faire cesser cette épreuve méritée, il doit en compensation sacrifier l’ascension des plans de la conscience mentale (représentée par Hésione « l’évolution de la conscience mentale humaine » réceptive).

Lorsque le chercheur accepte de réorienter son yoga (Laomédon offrant sa fille en sacrifice), une nouvelle possibilité d’évolution se présente mais il doit au préalable démontrer sa sincérité (l’arrivée d’Héraclès et sa demande de contrepartie).
Le prix réclamé pour que la conscience mentale continue à participer au yoga (la délivrance d’Hésione), c’est la promesse de mettre au service de ce qui dirige le yoga de la purification (le transfert à Héraclès) la capacité d’utiliser les forces vitales illimitées de la nature. Celles-ci sont symbolisées par les chevaux immortels que Laomédon avait hérités de son père Tros qui lui-même les avait reçus de Zeus en échange de Ganymède « celui qui veille ou aspire à la joie » : lorsque le chercheur avait accepté que sa « joie » participe à sa croissance en l’esprit, il avait reçu en échange la capacité de puiser de façon illimitée dans les énergies vitales de la nature.

Dans ce travail de réorientation, le chercheur qui travaille dans la voie juste de purification est protégé des forces de destruction (qui menacent celui qui persiste dans la voie de l’ascension sans se consacrer entièrement) : Héraclès fut protégé du monstre par un mur construit par Athéna et par les Troyens. Et lorsque Hellanicos précise qu’Héraclès dut pénétrer dans le ventre du monstre pour le détruire de l’intérieur, il insiste sur la nécessité d’une identification avec l’obstacle pour pouvoir le comprendre intégralement et le dépasser.

Mais pour la seconde fois, le chercheur refuse d’honorer ses engagements intérieurs, refusant de mettre les forces vitales illimitées de la nature (les chevaux immortels) au service de la voie juste de yoga, du travail de purification et de libération complète de la nature inférieure dont Héraclès est le héros.
Ce refus renouvelé du chercheur de s’engager sur la voie d’une consécration et d’une purification/libération plus grandes sera donc le motif du grand conflit intérieur qui s’ensuivra (la cause première de la guerre de Troie).

C’est pourquoi, quelques années plus tard, Héraclès reviendra pour raser Troie. À ce moment-là, « l’évolution de la conscience supérieure » (Hésione) sera donnée en mariage à Télamon « l’endurance », le frère de Pelée. Cette première destruction de Troie doit être mise en rapport avec son siège relaté par Homère dans l’Iliade. Par le mariage d’Hésione et de Télamon, le chercheur est remis dans le droit chemin du yoga impliquant une soumission totale dans l’incarnation, c’est-à-dire le travail de « la voie d’en bas » selon la nature.

Nous étudierons la fin de l’histoire – le rachat de Podarcès/Priam – dans un chapitre ultérieur.