Les Roches Noires (Les Symplégades ou Cyanées)

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Le mythe des roches Noires traite d’un premier grand test.

Phinée prévint les héros en ces termes : « Quand vous m’aurez quitté, vous verrez deux roches à l’endroit où la mer se resserre, les Kyanées (ou Cyanées, bleu sombre, noir). J’affirme que personne n’a jamais réussi à les éviter en passant au travers, car elles n’ont pas d’assises profondes mais continuellement se rejoignent en se heurtant l’une contre l’autre tandis qu’au-dessus d’elles des paquets d’eau de mer jaillissent en bouillonnant… »

Il leur conseilla de lâcher une colombe : si celle-ci traversait saine et sauve, alors ils pourraient tenter de franchir le passage. Mais si l’oiseau périssait, ils devraient faire demi-tour.

Euphémos lâcha donc une colombe. Seule l’extrémité des plumes de sa queue fut coupée par les roches qui se refermaient. Lorsque celles-ci s’écartèrent à nouveau, les héros firent force de rames. Au milieu du passage surgit une énorme vague et remplis d’épouvante, ils se voyaient déjà morts. Mais Athéna, descendue de l’Olympe pour surveiller la progression des héros, s’arc-bouta contre un rocher et de sa main libre poussa le navire pour lui faire franchir la passe.

Les roches depuis lors réunies s’enracinèrent car tel était leur destin voulu par les dieux. Selon Pindare « les roches vivantes moururent ».

 

Le chemin est parsemé d’épreuves ou de tests qui sont autant d’occasions de progresser dans un domaine particulier.

Dans l’Agenda du 12 /11/57, Mère note qu’il y a trois catégories d’examens : « ceux que font passer les forces de la Nature; ceux que font passer les forces spirituelles et divines; et ceux que font passer les forces hostiles. Ces derniers sont les plus trompeurs dans leur apparence et, pour ne pas être pris par surprise et non préparé, cela exige un constant état de vigilance, de sincérité et d’humilité. Les circonstances les plus banales, les événements de la vie de chaque jour, les personnes, les choses en apparence les plus insignifiantes, appartiennent tous à l’une ou l’autre de ces trois catégories d’examinateurs. »

Le premier grand test se situe à l’entrée du Bosphore « le passage de la vache », ainsi nommé en mémoire du passage de la princesse Io, l’ancêtre d’Héraclès, qui avait été changée par Zeus en une belle génisse blanche pour échapper au courroux d’Héra. C’est donc symboliquement « le passage vers l’illumination ». Il marque le début d’un long processus et de nombreuses autres épreuves dont le chercheur est averti assez précisément, soit intérieurement soit extérieurement (Phinée a prévenu les Argonautes).

L’épreuve dont il est question ici est inévitable, étant le test d’entrée sur le chemin (personne n’a jamais réussi à les éviter en passant au travers). C’est, selon Apollonios, un test résultant de mémoires ou « nœuds » dus à des forces hostiles, mais qui ne sont pas toutefois ancrées dans le corps (les Roches Noires qui sont flottantes). Ces nœuds font surgir de vastes remous émotionnels lorsque le chercheur, en entrant dans la quête, leur fait face.

Les roches Noires sont aussi nommées les Symplégades « celles qui s’entrechoquent », exprimant la confrontation de forces entre elles, confrontation au beau milieu de laquelle va se retrouver le chercheur sans vraiment l’avoir voulu. Et c’est la tranquillité intérieure dont il va faire montre qui lui permettra de passer sans trop de dégât.

Ces « roches » sont en rapport avec la peur et les différents comportements possibles face à l’agressivité.

 

Lancer la colombe dans la passe, c’est examiner en conscience si l’on est prêt à réagir d’une façon non conventionnelle à une situation qui génère la peur, par la tranquillité intérieure plutôt que par la force. La colombe est en effet symbole de paix.

Selon Apollonios, s’il n’est pas prêt à cela, il doit renoncer temporairement au chemin (faire demi-tour). Il ajoute que les Argonautes doivent « assurer fortement dans leurs mains les rames et fendre les flots du détroit car le salut dépendra moins de leurs prières que de la force de leurs bras » : à ce stade, la mobilisation de la volonté et de toutes les ressources de la personnalité est plus importante qu’une soumission à l’image que l’on peut se faire de l’Absolu, image encore trop entachée d’illusion.

Notons toutefois que pendant ces épreuves, le chercheur reçoit une aide importante et « palpable » pour peu qu’il reste disponible et confiant : c’est ce que signifie l’intervention d’Athéna. Il ne peut plus ignorer qu’il est « aidé » sur le chemin.

 

La confrontation progressive avec la mort semble une des données du chemin, d’abord sous la forme d’épisodes soudains, tels des accidents, puis de façon de plus en plus consciente et donc de plus en plus longue. La peur doit être éliminée progressivement du mental, puis du vital, avant qu’il ne soit question de livrer les ultimes combats contre elle dans le corps.

L’enracinement des roches – ou leur « mort » – après le passage des héros signifie que le chercheur ne sera pas confronté à nouveau au même nœud si le test a réussi.

 

Le haut Cap Noir

 

Les Argonautes poursuivirent alors le dur travail de la rame. Tiphys encouragea Jason qui se laissait aller au découragement, lui assurant qu’il parviendrait au but. Mais celui-ci lui répondit qu’il ne craignait pas pour lui mais pour ses hommes. Puis ils dépassèrent le haut Cap Noir.

Lors de l’épreuve précédente, le chercheur a pris conscience qu’il devrait abandonner au cours du chemin nombre d’aspects de sa personnalité qui travaillent au yoga, ceux qui justement lui sont bien utiles dans les débuts du chemin (Jason craint pour ses hommes). Il appréhende la transformation, bien que sa bonne « connaissance de soi » tente de le conforter dans sa capacité à parvenir au but.

Apollonios mentionne ensuite une « grande ombre », le haut Cap Noir, que les Argonautes dépassent sans problème, comme si le chercheur prenait conscience d’une déviance possible spirituelle sans toutefois y succomber et donc sans en subir les conséquences.

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