Les Argonautes dans l’île de Thynie

 

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Ce mythe illustre la rencontre du maître ou la découverte de la voie spirituelle personnelle.

 

Les Argonautes débarquèrent dans le port de l’île déserte de Thynie. C’était le moment juste avant l’aube, lorsqu’apparaît une faible lueur dans la nuit : les hommes à leur réveil l’appellent « le point du jour ».

C’est alors que devant eux surgit Apollon, son arc d’argent à la main. Il se rendait chez les Hyperboréens. Sous ses pieds, l’île entière tremblait et les flots déferlaient sur le rivage. Les héros furent saisis à sa vue d’une stupeur invincible ; aucun d’eux n’osa fixer du regard les beaux yeux de la divinité. Lorsqu’enfin ils relevèrent la tête, Apollon était déjà loin. Ils donnèrent alors à l’île le nom d’ « Apollon matinal » et firent le serment de se porter secours les uns les autres à tout jamais.

 

Phinée n’avait pas seulement mis en garde les héros contre les dangers des Roches Noires mais il leur avait donné aussi des indications précises sur la route à suivre jusqu’en Colchide où se trouvait la Toison d’Or. Le chercheur devine donc dans les grandes lignes ce qu’il doit changer en lui pour affiner sa sensibilité et se purifier. Peut-être est-il aidé en cela par des devins modernes, astrologues ou médiums.

Il arrive au point du chemin où va se manifester de manière fulgurante une toute première lueur de la lumière psychique, alors qu’il pense n’avoir réalisé aucune avancée significative dans la croissance de son être intérieur (les Argonautes sont sur l’ile déserte de Thynie « l’évolution de l’être intérieur »).

Lorsque cette lueur se produit, la quête de « son » chemin disparaît : le chercheur est enfin arrivé au port… du véritable commencement : il a trouvé « sa » voie, le plus souvent sous la forme de la rencontre du « maître » ou de son œuvre si ce dernier a déjà quitté la Terre.

Cette rencontre a lieu alors que le chercheur ne s’y attend pas du tout, selon l’adage : « lorsque le disciple est prêt, le maître apparaît ». Elle est accompagnée d’un sentiment de certitude, de complétude, de joie tranquille, d’émerveillement, et surtout de tranquille évidence. Elle est d’une qualité très différente de toutes les autres rencontres qui ont précédé et qui constituaient des expériences « préparatoires ». Il n’y a pas le moindre doute et l’on sait instantanément que l’on a trouvé « sa » voie et que l’on n’en changera plus de sa vie. De plus, le « maître »,, ne se situe plus au-dessus, ni au-delà, mais comme un ami très proche, même s’il est soi-disant mort.

Mais l’intensité de l’expérience est relativement éphémère et c’est pourquoi la vision d’« Apollon matinal » par les Argonautes est de l’ordre de la fulgurance. Cependant, la certitude d’avoir trouvé « sa » voie est désormais indestructible et inoubliable.

Cette découverte va permettre au chercheur de rassembler et d’orienter enfin toutes ses forces dans une même direction. Jusque-là généralement, les éléments de son être tiraient chacun de leurs côtés du fait d’une quête toujours insatisfaite. Ce n’était jamais « cela » qu’il attendait.

Maintenant, même s’il sait qu’il est encore au début du chemin, si l’une ou l’autre de ses parties défaille, il sait que les autres viendront pallier la déficience. Par exemple, si le corps fatigue ou tombe malade, la volonté mentale et psychique prendra le dessus pour continuer le yoga ; si la dépression survient, le corps résistera de toutes ses forces et le mental endurera ; et si le mental doute ou demeure dans l’incompréhension, le vital maintiendra l’allant et la joie (ils se firent le serment de se porter secours les uns les autres à tout jamais).

La rencontre du « maître » est suffisamment décrite dans la littérature spirituelle pour que je ne m’appesantisse pas davantage sur cet épisode. Elle marque la fin de la première étape, un premier grand tournant : c’est pourquoi les héros passent peu de temps après par « le Grand Coude »

 

Ce tournant est marqué par un certain nombre de changements et de prises de conscience qu’Apollonios mentionne sans les détailler :

 

  • Les héros jetèrent l’ancre au-delà du cap de l’Achéron, à proximité de l’entrée de la caverne d’Hadès d’où s’exhalait un souffle glacial qui déposait alentour des cristaux de givres éclatants de blancheur. Là, le roi de cette contrée, Lycos, et son peuple nouèrent amitié avec les Argonautes.

Toujours une expérience « en haut » est suivie d’une expérience « en bas », car le gain en conscience est aussitôt utilisé pour apporter un peu de lumière dans l’inconscience, dans le monde d’Hadès. C’est pour cela que Lycos, symbole de « la lumière qui précède l’aube » est le roi de cette région et prit les Argonautes en amitié.

Mais il n’y a, à ce moment du chemin, aucune descente possible dans l’Hadès : ce n’est qu’une expérience préliminaire à la descente dans les profondeurs.

Tandis que la suprême conscience est associée à un feu d’une extrême mobilité, l’inconscience est le lieu de la fixité glaciale (d’où les cristaux de givre qui s’échappent de la caverne).

 

  • Jason passa une journée d’amitié avec Lycos « (le loup ou) la lumière qui précède l’aube » : même si la rencontre elle-même fut de l’ordre de la fulgurance, le chercheur reste un certain temps en contact avec sa vérité intérieure, ce qui lui permet éventuellement d’intégrer de nombreux éléments de sa vie.

 

  • Le devin Idmon qui connaissait par les oiseaux sa destinée fut tué par un sanglier dans un marais et remplacé par le devin Mopsos: Maintenant que le chercheur a trouvé sa voie, c’est une intuition d’un genre supérieur qui doit le guider. Chez Apollonios, Idmon et Mopsos sont tous deux fils d’Apollon, et concernent donc une lumière psychique. Mais pour Idmon, elle semble encore très associée au mental (il connaît par les oiseaux) alors qu’il s’agit de développer maintenant une intuition issue de l’être intérieur, du noyau d’âme psychique afin de « recevoir d’en haut en état de réceptivité-consécration » (Mopsos). L’intuition liée au mental ne semble pas en effet en mesure de combattre les énergies du bas vital qui sèment le trouble dans le yoga.  C’est pour cela qu’Idmon meurt tué par un sanglier.

 

  • À ce même moment, Tiphys le premier pilote de l’expédition mourut de maladie. Ancaios, Erginos, Nauplios et Euphémos se proposèrent pour le remplacer, mais c’est le premier qui fut choisi.

 

  • Puis les Argonautes arrivèrent bientôt au Grand Coude.

Ancaios et Erginos se flattaient tous deux d’êtres aussi habiles pilotes qu’experts à la guerre et témoignent d’égale façon de l’engagement du chercheur (expert à la guerre) et d’un mélange d’habileté à diriger le yoga (habile pilote).

Ce n’est plus la connaissance de soi émotionnelle et la faculté de s’orienter avec de faibles lueurs (Tiphys) qui doit tenir la barre, mais « celui qui étreint, qui prend dans ses bras » (Ancaios). Il serait le symbole d’un « yoga intégral », celui qui travaille sur tous les plans de l’être, c’est-à-dire intègre les trois yogas de la Connaissance, de la Dévotion et des Œuvres.

Ni les capacités de divination (Euphémos), ni la puissance de travail (Erginos) ni la seule habileté à diriger la quête (Nauplios) ne sont plus habilités à prendre la direction de la quête.

Ainsi se produit une réorientation du yoga : le grand Coude.

 

  • Les héros évitèrent ensuite de justesse un combat avec les Amazones: il n’est pas demandé à ce stade la réalisation correspondante, c’est-à-dire l’adhésion du vital au yoga qui signe l’état de sagesse et de sainteté. La soumission du vital inférieur – colère, sexualité, etc. – est une réalisation d’un stade beaucoup plus avancé du yoga.

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