Les Argonautes au jardin des Hespérides

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Parvenus au bord du lac Triton, les héros déposèrent leur vaisseau. Assoiffés, ils cherchaient une source et arrivèrent à l’endroit où, la veille encore, un dragon gardait les pommes d’or du jardin des Hespérides. Mais il avait été terrassé par Héraclès et gisait sans vie contre le tronc du pommier. Les Hespérides leur dirent où trouver la source qu’Héraclès, lui aussi assoiffé, avait fait jaillir de terre. Plusieurs héros – Calaïs et Zétès, Euphémos et Lyncée – pensant pouvoir rejoindre Héraclès, partirent à sa recherche, mais en vain.

Les héros cherchèrent alors comment quitter le lac Triton. Tandis qu’ils erraient, le puissant Triton apparut et leur offrit une motte de terre en leur indiquant la route à suivre. C’était un passage entre les brisants qu’ils trouveraient en se dirigeant là « où l’onde immobile des grands fonds est la plus noire ». Il leur recommanda également de toujours « suivre la terre de près ».

 

Cette « nuit » ouvre enfin sur une période de lumière marquée par plusieurs évènements notables.

Apollonios donne ici quelques éléments notables de la progression.

Tout d’abord, une acquisition de Connaissances vraies (les pommes d’or du jardin des Hespérides). Pour bien montrer qu’il ne s’agit que d’une première approche, les héros s’aperçurent qu’Héraclès les avait devancés et qu’il avait emporté les pommes ! Ainsi, une réalisation sur un plan donné ne peut jamais être prise pour le but ni pour l’accomplissement ultime. Par voie de conséquence et quels que soient les efforts déployés, le chercheur ne peut « connaître » au-delà de la transformation accomplie à ce stade : les héros lancés à la recherche d’Héraclès ne peuvent donc le rejoindre. Ni l’aspiration, ni le besoin, ni la recherche (Calaïs et Zétès), ni les signes encourageants (Euphémos « celui qui prononce des paroles de bon augure »), ni même le discernement (Lyncée) ne peuvent y changer quoi que ce soit. Le chercheur est encore très loin d’avoir accompli les travaux.

Cette étape est marquée par une autre mort, celle du devin Mopsos « une intuition mentale élargie guidée par l’être psychique » Rappelons qu’il avait remplacé le devin Idmon « celui qui est instruit, habile » qui « connaissait par les oiseaux sa destinée » et donc symbole d’une intuition purement mentale.

Autant la mort d’Idmon et le fait que Mopsos lui succède représentaient une évolution des capacités intuitives – le passage d’une intuition intellectuelle à une intuition pure issue de l’être psychique (le père de Mopsos est Apollon) – autant la mort de ce dernier marque la puissante atténuation de toute faculté intuitive afin que le chercheur puisse affronter d’autres épreuves en vue de sa libération. La mort de Mopsos est provoquée par des résidus de la lutte contre la peur et la convoitise vitale (les gouttes de sang issues de la tête tranchée de Méduse, tombées sur le sol de la Libye et changées en serpents).

Très mystérieusement, des facultés solidement établies peuvent ainsi soudainement disparaître lorsque d’autres paliers de réalisation doivent être atteints.

Le chercheur reçoit alors le soutien de Triton « le monstre de la mer » qui l’invite à explorer les profondeurs les plus « inconnues et sombres » de son être, « une route étroite entre les brisants qu’il trouvera en se dirigeant vers l’endroit où l’onde immobile des grands fonds est la plus noire ».

Le nom Triton, relié au trois, renvoie probablement au tracé du caducée au niveau de la Sephira Yesod, l’énergie de vie. Apollonios l’identifie ici à Phorcys et/ou Nérée, c’est-à-dire à l’apparition du mental dans la vie. Nérée est « le vieillard de la mer » et Phorcys la toute première puissance fusionnelle dans le vital -probablement l’instinct – avant que ne commence à agir la force de séparation du mental représentée par Céto.

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