LA BICHE DE CÉRYNIE

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La capture de la Biche de Cérynie qu’Héraclès doit ramener vivante symbolise la purification des plans situés au- dessus de l’intellect.

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Héraclès capturant la Biche de Cérynie

Héracles capturant la Biche de Cérynie – British Museum

Le troisième travail imposé par Eurysthée fut la capture de la Biche de Cérynie qui vivait à Oinoé.

Héraclès devait la ramener vivante sans lui faire le moindre mal car elle était consacrée à Artémis. Elle avait des cornes d’or. Héraclès la poursuivit sans relâche pendant une année entière en Arcadie et la captura enfin sur les rives du fleuve Ladon alors qu’elle allait le franchir. L’ayant touchée d’une de ses flèches sans toutefois la blesser, il la chargea sur ses épaules. (Pindare offre une variante dans laquelle le héros poursuivit la biche jusqu’en Hyperborée.)
Sur le chemin du retour, il rencontra Artémis et Apollon. La déesse l’accusa d’avoir voulu tuer la biche qui lui était consacrée et voulut la reprendre. Héraclès rejeta la responsabilité sur Eurysthée et les dieux l’autorisèrent alors à poursuivre son chemin.

Les travaux du Lion de Némée et de l’Hydre de Lerne ont illustré les deux réalisations majeures de la première étape du chemin, la victoire sur l’ego et la suppression du désir, expression de l’intrusion de l’énergie de vie faussée dans les plans supérieurs.
Les trois travaux suivants en donnent les modalités :
– celui de la Biche de Cérynie par la purification des plans de l’esprit (plans au- dessus de l’intellect) afin de permettre l’influence des forces supérieures
– celui du Sanglier d’Érymanthe par un rejet progressif des manifestations du vital grossier (pacification du vital)
– celui des Oiseaux du lac Stymphale par la reconnaissance des mélanges de plans (vital et mental) et la réalisation d’un certain calme mental.
Ces travaux, comme tous les autres, sont des processus en spirale et concomitants. (Ce qui explique que ceux du Sanglier et de la Biche aient pu être intervertis dans les œuvres de Diodore.)
Les deux premiers se déroulent en des lieux symétriques de l’Arcadie, au nord-ouest et au nord-est. Tous deux sont en étroit rapport avec Artémis, la déesse de « l’intégrité » ou de la « pureté totale », laquelle « court les monts parmi les sangliers et les biches légères ». Ainsi, celui qui se soucie de purification doit travailler dans les deux registres, celui de la purification de l’esprit et celui du rejet progressif des perturbations issues de la nature inférieure.
L’Arcadie, rappelons-le, est la province symbolique de « l’endurance » dans le yoga qui conduit vers la réalisation de « l’égalité ». Elle tire son nom de celui du héros Arcas associé à celui de « l’ours », image d’une « puissance de résistance ou d’endurance ». Le nord étant une direction d’ascèse, le nord-est est un yoga en rapport avec le futur (la biche) et le nord-ouest avec le passé (le sanglier). Ce travail indique une réalisation que le chercheur obtiendra au terme de son travail en vue de l’égalité (Arcadie).

Le héros poursuivit la biche pendant une année symbolique entière jusqu’aux rives du fleuve Ladon (proche de l’union et de la libération), affluent de l’Alphée qui coule jusqu’en Élide (également Λ+Δ) et passe par Olympie. Pour le poète Pindare, la course se termine en Hyperborée – la terre au-delà de l’ascèse – où les choses n’ont pas d’ombre, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’Absolu prend en charge le yoga du chercheur parvenu à la transparence totale, lorsque plus rien ne fait obstacle au passage de la lumière. Alors la purification est terminée.
Pindare ajoute que la biche avait été consacrée à Artémis par Taygète, l’une des sept Pléiades filles d’Atlas. En effet, la déesse avait changé temporairement celle-ci en biche pour lui éviter d’être abusée par Zeus. Et Taygète, en signe de gratitude, avait consacré l’animal à la déesse. Taygète est l’avant-dernier plan du mental, le plan du mental intuitif de très grande pureté qui précède juste celui d’Hermès, le surmental. Comme Taygète fut avec Zeus à l’origine de la lignée royale de Spartes, cette version des commentateurs de Pindare semble indiquer que l’accès au mental intuitif exige que les conditions nécessaires soient remplies et ne peut se faire par la force tant que le temps n’est pas venu.
Apollodore ajoute que la biche vivait à Oinoé, le lieu de « l’ivresse divine », ultime but de ce travail. (Le mot Oinoé doit être rapproché de celui d’Oineus ou Œnée qui est un descendant d’Endymion, le chercheur « empli de conscience consacrée » parvenu au silence mental.)

Bien que le nom Elaphos (Ελαφος) employé par les Grecs désigne indistinctement un mâle ou une femelle et bien que l’animal ait été doté dès le début de cornes d’or, les Anciens le considéraient sans ambigüité comme une biche. Il s’agit donc pour le chercheur d’une attitude essentiellement « féminine » de « réceptivité et de consécration » qui est souvent appelée dans cet ouvrage « surrender ». Cette consécration-soumission n’est en aucun cas de la passivité. C’est peut-être pour cela que cerf et biche portaient le même nom en Grèce ancienne et que l’animal semble androgyne, femelle avec les bois du mâle. On peut en effet observer sur les vases antiques d’immenses cornes d’or se dressant vers le ciel.

Quand Héraclès rencontre sur le chemin du retour Artémis et Apollon, c’est le signe que le chercheur expérimente les manifestations de son être psychique. Jason, à l’issue de la quête de la Toison d’Or, ne vit passer qu’au loin Apollon « matinal ».
Si Artémis est mécontente, c’est que l’intégrité parfaite (ou la pureté dans laquelle chaque chose est à sa place) ne doit être recherchée ni par la force, ni pour soi-même, mais seulement dans le cadre étroit de la quête imposée par Eurysthée, de ce qui est requis par « la rectitude intérieure ».