La route du retour des Argonautes

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Le chant 4 traite du retour des Argonautes

 

Médée ayant décidé de fuir avec Jason, elle fit usage de ses pouvoirs pour endormir le monstrueux dragon afin que Jason puisse s’emparer de la Toison.

Puis les Argonautes réembarquèrent sur leur vaisseau et firent voile en toute hâte pour échapper à la colère d’Aiétès.

Ils s’arrêtèrent en Paphlagonie pour offrir un sacrifice à Hécate.

Phinée les avait avertis qu’ils prendraient une autre route pour le retour, mais personne ne la connaissait.

Argos leur parla alors ainsi : « il existait bien en effet une route révélée par les prêtres d’Égypte avant même que n’existe la race sacrée des Danaens. Cette terre d’Égypte était arrosée par le fleuve Triton. Un homme de cette terre aurait, dit-on, fait tout le tour de l’Europe et de l’Asie et fondé des milliers de villes, dont Aia, la capitale d’Aiétès. Les descendants des hommes qui peuplèrent ces villes conservent des inscriptions gravées par leurs pères, qui indiquent toutes les routes et donnent des instructions pour ceux qui veulent faire le tour de la Terre et de la mer. Ils auraient remonté le fleuve Istros qui est très profond et navigable sur une longue distance. Ce fleuve est le seul à traverser un immense territoire, car ses sources mugissent au loin dans les monts Rhipées par delà les souffles de Borée. »

Une déesse envoya alors un rayon céleste montrant une direction et suite à ce présage favorable, tous s’écrièrent qu’il fallait suivre la route indiquée.

(« Déesse » est le sens retenu habituellement pour θεα, mais ce terme signifie aussi « contemplation »)

Le yoga procède par une succession d’ascensions et d’intégrations. Chaque fois qu’un nouveau palier est atteint, il faut repartir en arrière pour hisser l’ensemble de l’être à ce niveau. C’est pour cela que les mythes évoquent différents « retours ». Les plus célèbres sont ceux des Argonautes et des combattants revenant de la guerre de Troie parmi lesquels le retour d’Ulysse conté dans l’Odyssée.

Le chant 3 marque donc le point de départ d’une nécessaire intégration, point où est acquise la conscience ou la sensibilité la plus haute possible à ce moment du chemin, et où se réalise une jonction entre les forces mises en œuvre dans la quête et le dessein de l’âme.

La récupération de la Toison d’Or, symbole d’une sensibilité déjà bien développée, d’un certain « éveil », n’est qu’une formalité, car les épreuves ont été franchies avec succès, aussi bien les tests de maîtrise que la résolution de certains nœuds.

Le chercheur est alors imprégné d’une forte détermination pour assumer son destin, et les forces d’ignorance qui s’opposent à l’évolution sont temporairement endormies (Médée « le dessein de l’âme » ou « la protectrice » endort le dragon né au pied de la roche Typhaonienne, Typhon étant le symbole de l’ignorance). Avec la Toison, le chercheur acquiert donc une possibilité de Connaissance vraie.

L’étroite union du « dessein de l’âme » et de « ce qui reçoit d’en haut de façon imparfaite » (l’union de Médée et Jason) se prolongera durant tout le temps du voyage de retour, et quelque temps encore après, jusqu’à la mort de Pélias et jusqu’au bannissement de Médée par Créon.

 

La récupération de la Toison ne marque pas encore cependant le moment où se produit la grande expérience d’union (il faudra pour cela attendre le mariage de Jason et Médée et la traversée du désert) mais seulement une ouverture de la conscience qui permet la reconnaissance du chemin personnel.

Nous avons dit que la Toison d’Or du bélier était symbole à la fois de sensibilité développée et d’« éveil ». Si l’on considère les lettres structurantes composant les mots employés par Apollonios pour la décrire, on trouve aussi des idées d’ouverture de conscience dans l’incarnation (κωας), d’évolution juste vers l’union (δερος) et pour le bélier, d’ouverture juste de la conscience (κριος).

 

Selon le récit d’Apollonios, le chercheur ne sait pas du tout à ce moment-là comment poursuivre son chemin qui ne doit pas emprunter les mêmes routes, c’est-à-dire utiliser les mêmes moyens que lors de l’ascension : la période d’intégration doit se dérouler selon une ascèse différente. Elle donne aussi lieu à des expériences d’une autre nature.

Ici, Apollonios fait une digression pour indiquer que les Égyptiens avaient déjà expérimenté, clarifié et formalisé la suite du chemin. Il s’exprime par la bouche d’Argos, (fils d’Arestor), symbole de la partie du chercheur la mieux purifiée par le travail de sincérité, et donc le plus « lumineux » des Argonautes : les Égyptiens avaient conservé dans des « tables gravées » toutes les instructions nécessaires.

Par les initiations et ses propres recherches, le chercheur peut utiliser alors les anciennes descriptions du chemin. En effet, vivait en ancienne Égypte un peuple « aérien », c’est-à-dire « qui avait accès aux régions supérieures (de l’esprit) ». Un grand initié de ce peuple avait parcouru le chemin à la fois de ce à quoi donne accès « une vaste vision » obtenue par purification (l’Europe) et les confins de l’ascension des plans de conscience et  de la descente des forces correspondantes (l’Asie) (Un grand initié de ce peuple avait fait le tour de l’Europe et de l’Asie). Il avait organisé les structures de la conscience sur lesquelles les chercheurs pouvaient s’appuyer (il fonda de nombreuses villes, parmi lesquelles Aia). D’autres initiés avaient pris sa suite et ils avaient transmis leurs connaissances à l’aide des hiéroglyphes « les lettres sacrées gravées » (Il eut de nombreux continuateurs qui « gravèrent » le chemin dans la pierre).

 

Le nom du fleuve Istros provient du mot istwr « la connaissance » qui est l’union de la « vision » et de « l’apprentissage ». Son parcours est celui des « voyants » et « connaissants » de toutes les traditions, parmi lesquels les « rishis » védiques.

Cette « connaissance-vision » est le seul moyen de poursuivre le chemin pendant une longue période (l’Istros est le seul fleuve à traverser un immense territoire), jusqu’à la fin de l’ascèse personnelle (par delà les souffles de Borée) lorsque le yoga est pris en mains directement par le Divin, lorsque le chercheur parvient au stade ou agissent en lui les « sources supérieures » issues des monts Rhipées qui établissent le « lien juste » (de l’esprit et de la matière).

Le chercheur reçoit alors un signe clair : une déesse envoya alors un rayon céleste indiquant la direction qu’ils devaient prendre.

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