LES CLEFS DE L’INTERPRÉTATION DES MYTHES GRECS

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Pour procéder à une interprétation des mythes grecs – les clefs qui doivent être appliquées au décryptage comprennent essentiellement les lettres symboles, les symboles élémentaires, les arbres généalogiques et la chronologie des mythes.

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INTRODUCTION

La progression des récits mythologiques suit celle de l’évolution humaine. De même que les phases d’apprentissage de l’enfance – marcher, parler, se socialiser, etc. – sont un résumé des étapes universelles de la croissance, de même la mythologie retrace l’évolution humaine dès ses origines et anticipe son développement futur depuis le stade actuel de la domination de l’intellect. Elle n’est pas construite autour d’un système de croyances mais d’après le résultat d’expériences. Elle nous enseigne les préalables requis pour progresser vers chaque nouvelle phase de l’évolution. Si les initiés étaient unanimes en ce qui concernait le début du chemin, il n’en allait pas toujours de même pour les stades les plus avancés. Par exemple, la guerre de Troie illustre non seulement un combat intérieur, mais aussi sans doute une âpre controverse entre les partisans de différentes voies initiatiques.
Cette mythologie est donc l’expression, au travers d’un certain nombre de symboles, de la synthèse de plusieurs millénaires d’expériences individuelles et la présentation sous la forme d’épopées des connaissances qui en résultent.

Inscription en boustrophédon sur le Code de Gortyne

Inscription en boustrophédon sur le Code de Gortyne – © Agon S. Buchholz

Les clefs de cryptage peuvent être classées en différentes catégories plus ou moins complexes.

*La première catégorie utilise les contenus symboliques des lettres de l’alphabet, qui permettent la formation de noms propres dont le sens découle en partie de l’arrangement des lettres employées. Le plus souvent, ces noms (dieux, héros, personnages, lieux…), sont constitués d’une association de lettres signifiantes et de mots du langage courant pour former un rébus symbolique.
Il y a tout lieu de penser que cette méthode de cryptage était déjà utilisée par les Égyptiens. Les Grecs, évoquant les signes égyptiens, les appelaient « Ta hiera grammata », les lettres sacrées, ou « Ta hiera glyphica », expression qui signifie « les (lettres) sacrées gravées » ou hiéroglyphes. Pourquoi « sacrées », si ce n’est qu’elles manifestaient, par leur tracé, un contenu symbolique révélateur des « choses sacrées ».
Les Égyptiens eux-mêmes s’y référaient comme à « l’écriture des mots divins ».

*La seconde catégorie est liée aux sens véhiculés par les symboles élémentaires (images, nombres, etc.), sens souvent multiples que tentent d’approcher les « dictionnaires des symboles ». Toutefois, la prudence est de mise en ce qui concerne les indications données par ces ouvrages car les Grecs ont parfois repris des significations anciennes qui nous sont totalement étrangères. Ils ont par exemple emprunté aux Védas l’image de la vache comme symbole de la « lumière de Vérité », et non de la « Terre nourricière » ou de l’ « abondance » comme l’indiquent ces dictionnaires. Il sera donc question des troupeaux du soleil, Hélios, qui sont les « éclairs de Vérité » perçus par l’âme du chercheur.
Cette catégorie comprend également les nombres comme symboles fondamentaux.

*La troisième catégorie est constituée par une structure propre à la mythologie grecque, du moins dans l’immense usage qui en a été fait, car elle était déjà en germe dans les mythologies d’Égypte et du Moyen Orient : les arbres généalogiques. Ils fournissent des symboles à ramifications multiples et permettent de jouer avec quantité de notions telles que la progression spirituelle, la théorie et la pratique, la succession des plans de conscience, l’histoire de la spiritualité, les étapes du chemin et les conditions requises pour s’y engager.
La connaissance de deux ou trois cents personnages (sur les quelques deux ou trois mille répertoriés) permet de se repérer facilement dans la progression spirituelle.
L’étude détaillée des arbres qui forment la structure fondamentale des mythes, sera entreprise dans le prochain chapitre. Ne sera abordée ici que la façon de les utiliser.

*La quatrième catégorie est constituée par la chronologie des histoires, elles-mêmes assemblages cohérents de symboles élémentaires contenant les enseignements ou décrivant les expériences de façon allégorique.
L’étape du déchiffrement des symboles simples et des contenus d’un mythe particulier ayant été franchie, la difficulté est alors de situer l’histoire dans la progression spirituelle. La réponse est donnée le plus souvent dans les mythes eux-mêmes par l’indication d’un nombre de générations ou d’années « avant » ou « après » les grands repères tels que la Guerre de Troie ou la quête de la Toison d’or. Elle peut aussi être fournie par l’âge des personnages – Thésée, par exemple, avait plus de cinquante ans lors du rapt d’Hélène, et celle-ci était encore nubile – ou encore par la pérégrination des peuples ou des héros au travers de territoires, réels ou imaginaires. D’autres indices plus ponctuels, telles des parentés éloignées ou des « visites », permettent de préciser la chronologie.

*La cinquième et dernière catégorie est relative à un symbole unique, à la fois simple dans son graphisme mais très complexe dans son interprétation : le Caducée d’Hermès.
Il contient à lui seul une connaissance ésotérique très vaste concernant les plans de conscience et leurs interactions, la circulation des énergies… Mieux connu sous sa forme dynamique où il est représenté avec deux serpents enroulés autour d’un bâton, il a été transcrit sous sa forme statique, dans la tradition cabalistique hébraïque, par le symbole de l’ « Arbre de Vie » (voir les planches en annexe). L’exposé concernant ce symbole figure à la fin du dernier tome. Son étude approfondie s’impose seulement pour ceux qui veulent approfondir le décryptage des textes anciens, mythologies ou genèses par exemple.
Outre ces catégories majeures, quelques clefs particulières ne concernent qu’un petit nombre de mythes et ne feront pas l’objet d’une étude détaillée dans ce chapitre. Ainsi par exemple l’appartenance des héros aux différents plans de conscience, ou encore le fonctionnement du mental selon des cycles où alternent les tendances séparatrices et fusionnelles, se manifestant par l’intellect et l’intuition. Nous les aborderons dans les mythes concernés.

La mythologie grecque fait aussi référence à des pratiques, telles que la récitation de mantras, ou l’exécution de danses particulières dont le détail ne nous est pas connu. Elles faisaient probablement partie d’un enseignement oral de maître à disciple qui ne pouvait être transcrit.

LES LETTRES SYMBOLES

Les lettres n’ont pas été dessinées au hasard : leur graphisme a été conçu pour exprimer un concept ou une idée. Cette façon d’utiliser le graphisme comme représentation d’archétypes ne fut pas une invention des anciens Grecs, puisque déjà les Égyptiens puis les Phéniciens y avaient eu recours. Les Grecs ont perfectionné et adapté le système afin de construire un ensemble de symboles picturaux à partir desquels, par le biais de différentes combinaisons, ils pouvaient exprimer la totalité de leur pensée et de leurs expériences.
Cette façon de concevoir l’alphabet implique toute une série de conséquences.

Tout d’abord, si les lettres, par leur contenu symbolique, ont servi à construire le nom des personnages et des lieux, il faut en déduire que l’élaboration de l’alphabet précéda celle des mythes, puis que furent créés de toutes pièces des noms de dieux, de héros et parfois aussi de lieux. Ces derniers étaient ensuite attribués à des sites existants ou non. Par exemple, le nom de la déesse Athéna est construit autour des deux lettres structurantes Θ (thêta) et Ν (nu) qui symbolisent « ce qui est à l’intérieur » pour le Θ, et l’ « évolution » pour le Ν. Athéna est donc la force qui veille à « la croissance de l’être intérieur » aussi appelée « le maître intérieur ». Le lieu symbolique privilégié associé à cette quête fut nommé Athènes. Si donc cette ville existait avant l’élaboration des mythes, elle devait porter un autre nom. La mythologie nous le donne : « Cécropie ».
Toutefois, certains noms de villes, de dieux et peut-être de quelques personnages durent être hérités des époques précédentes, car il fut probablement nécessaire de maintenir une certaine continuité vis-à-vis du monde profane.

En second lieu, cette manière de voir les choses pose la question du « pourquoi » de l’écriture. En effet, si les lettres ont un contenu symbolique, l’écriture n’a probablement pas été inventée pour les besoins de la vie courante, même si elle fut rapidement utilisée à cette fin en parallèle, mais bien pour conserver la trace d’expériences spirituelles et de connaissances qui se transmettaient auparavant depuis des millénaires oralement de maître à disciple. Si donc les sages ressentirent l’impérieuse nécessité de transcrire cette connaissance (et pour les Égyptiens, d’une manière qu’ils voulaient pérenne pour de nombreux siècles, donc gravée dans la pierre), c’est qu’ils avaient pris conscience d’un phénomène très particulier : l’entrée en un temps où dominerait le mental séparateur nécessaire au processus d’individuation. Cette période impliquait, de fait, un éloignement de la Vérité qui est illustré dans de nombreuses traditions par « la chute » hors du paradis, et ressenti comme une perte du sentiment d’unité, un assombrissement et une dégradation de la conscience. Ce phénomène avait pour conséquence une impossibilité de perpétuer la transmission orale, car les maîtres ne trouvaient plus de disciples capables de suivre leurs enseignements. Le contact intuitif avec la Vérité se perdait progressivement. L’humanité devait traverser un âge noir durant lequel la perception de la Réalité s’efface, en réponse à des cycles qui seront explicités plus loin, afin que l’homme puisse conquérir son Individualité et sortir de l’animalité.
Les sages anciens vécurent alors, sans doute comme un ordre intérieur, la nécessité de conserver pour un lointain futur les traces de leurs conquêtes spirituelles les plus élevées.
L’alphabet grec, et avec lui tous les alphabets qui l’ont précédé pendant quelques millénaires, ne serait donc pas une invention géniale apparue pour répondre à une nécessité nouvelle d’expression ou de communication mais plutôt à un impérieux besoin de préserver une connaissance qui disparaissait. Nous avons toujours tendance à penser que les hommes des temps anciens avaient un mode de fonctionnement psychologique identique au nôtre. Mais il est beaucoup plus probable que des capacités de communication intuitives, aujourd’hui disparues, ont longtemps rendu les traces écrites inutiles.

Avant d’aborder le symbolisme des lettres dans le détail, rappelons quelques éléments du contexte historique, celui de la Grèce entre le 11e et le 8e siècle av. J.-C. qui précéda l’apparition des textes qui nous intéressent ici, ceux d’Hésiode et d’Homère. Il faut en effet se demander si les Grecs furent les inventeurs d’une méthode totalement nouvelle de cryptographie ou si, comme il est plus probable, ils reprirent à leur compte les pratiques des peuples qui les avaient précédés.

Quelle est donc la situation dans cette région du monde aux alentours du 10ème siècle avant notre ère ?
En Égypte, la période qui nous intéresse, à la fin du Nouvel Empire (1580 à 1085 avant J.-C.), apporta aux formes créées dans l’Ancien Empire une certaine grâce. Elle est désignée sous le nom de Basse Époque. Elle marque le début du déclin de cette brillante civilisation, car la renaissance saïte n’intervint qu’au milieu du 7e siècle avant J.-C. Toutefois, l’influence culturelle de l’Égypte resta encore très forte dans tout le Moyen-Orient après le 11e siècle, surtout en ce qui concerne les écoles d’initiation aux Mystères. Les relations de ce peuple avec la Grèce se firent d’abord par l’intermédiaire des Phéniciens, puis des liens directs s’établirent à partir du 8e siècle avant J.-C.
L’Égypte semble avoir été peu touchée par les destructions qui ravagèrent la quasi-totalité des autres civilisations du Moyen-Orient vers 1200 av. J.-C. : empire hittite d’Anatolie, civilisations minoenne en Crète et mycénienne en Grèce, etc.
En Crète, il semblerait que ce fut une période de raffinement où la femme tenait une place importante, en religion comme en politique.
En Grèce, la civilisation mycénienne se développa sans vrai centre politique et connut son apogée entre 1450 et 1200 av. J.-C. La langue grecque y était déjà en usage, mais la période entre le 12e et le 8e siècle nous reste mal connue.
La Phénicie, contrée qui recouvre le Liban et une partie de la Syrie, d’Israël et de la Palestine actuels, tenait une place importante dans les échanges qui s’étendaient au Sud jusqu’au royaume de Kouch, l’actuel Soudan.

Toutes ces civilisations eurent de nombreux rapports les unes avec les autres, principalement au travers d’échanges commerciaux. La plupart d’entre-elles connurent une apogée entre 1700 et 1450 av. J.C., puis s’éteignirent lors d’une vague de destructions, encore inexpliquée, qui frappa le bassin méditerranéen et fut probablement la cause d’une migration des populations de la Grèce du Sud vers la côte ouest de l’Anatolie, dont la principale région prit le nom d’Ionie. Cette région comptait douze cités grecques dont le nom nous est parfois familier : Milet, Samos, Éphèse, Chios… Elle était bordée au nord par l’Éolie et au sud par la Doride. Avec ses « lettres signifiantes », le nom « Ionie » signifie « Évolution de la conscience ». Ce fut l’une des premières régions de la Grande Grèce où se développèrent la philosophie et les arts, et sans doute pour les Grecs, le plus grand d’entre eux, l’architecture. De nombreux penseurs présocratiques en étaient issus. Pythagore venait de Samos, île ionienne. Cette province resta le centre intellectuel de la Grèce jusqu’aux guerres médiques et bien des Athéniens, par fierté, prétendaient en être originaires. Notons aussi que la Ligue de Délos, créée en -478, eut initialement pour but de défendre les villes d’Ionie contre l’envahisseur perse.

Les siècles qui suivirent cet effondrement, de 900 à 600 av. J.-C., furent marqués par la domination de l’Empire assyrien.
En Grèce, la période post-Mycénienne est mal connue. Pour les historiens, ce sont des « âges obscurs ». Ils supposent qu’il n’y restait qu’un nombre réduit d’habitants. A son réveil, aux 8e et 7e siècles av. J.-C., la Grèce était composée de cités-états indépendantes, à la fois centres administratifs et politiques. Corinthe, Argos, Thèbes et Sparte étaient les plus influents. Athènes, de son côté, prit rapidement le contrôle de l’Attique, mais ne devint la principale puissance de la grande Grèce que lorsqu’elle assuma, plus tardivement, la direction de la lutte contre les Perses.
Les Phéniciens, après avoir subi eux aussi les destructions du 12e siècle, étendirent leur influence en Méditerranée, vers l’Afrique du nord-ouest, la Sicile, la Sardaigne et l’Espagne. Les Grecs firent de même vers l’Italie jusqu’à la Gaule et l’Espagne, sur la côte nord de la mer Égée et sur la mer Noire.
Chypre, durant cette période, semble avoir été un carrefour de rencontre entre le monde grec et l’Orient, regroupant à la fois des Grecs venus de Mycènes et des Phéniciens.

Les contacts entre Égyptiens et Grecs, dès le 8e siècle av. J.-C. ou même avant, amenèrent les Égyptiens à octroyer un comptoir commercial aux Grecs : la ville de Naucratis située dans le delta du Nil, à proximité de la capitale égyptienne de Saïs. La majeure partie de la population de ce comptoir était originaire d’Ionie.
De plus, fait remarquable pour cette étude, c’est en Ionie qu’apparut la première ligue religieuse, sous l’impulsion des états-cités : elles formèrent « le Panionion », union de ceux « qui consacrent tout à l’évolution de la conscience (Pan+Ι+Ν) ».
L’île de Délos, à mi-chemin entre l’Ionie et l’Attique, et lieu mythique de la naissance d’Apollon, devint aussi l’un des sanctuaires majeurs des Ioniens, avant de passer sous le contrôle d’Athènes comme base de la ligue contre les Perses.
De leur côté, les états doriens (on nomme ainsi les états d’Attique et du Péloponnèse ayant subi l’invasion dorienne qui fait, selon cette étude, plutôt référence à une irruption de « dons spirituels » qu’à l’invasion d’un peuple étranger) choisirent le sanctuaire d’Olympie qu’ils dédièrent à Zeus, bien avant la fondation des Jeux Olympiques au milieu du 8e siècle av. J.-C.
Ces états ressentirent bientôt la nécessité de s’unir afin de se protéger d’un rival persistant, l’Empire perse. Pour ce faire, ils instituèrent la ligue de Délos. Mais les Grecs ne purent éviter aux cités d’Ionie de passer sous contrôle perse vers le milieu du 6e siècle av. J.-C.
Ce bref rappel historique nous laisse entrevoir que cette région du monde, lors de l’apparition de l’alphabet grec, était le théâtre d’une intense activité commerciale et culturelle dont les Grecs ne purent se tenir à l’écart. En dehors même du phénicien, il est donc très improbable qu’ils aient ignoré les autres formes d’écritures en vigueur.

Il faut également préciser quelques éléments de la genèse des écritures qui concernent cette étude.
L’écriture avait déjà subi de nombreuses évolutions depuis son apparition.
En effet, les plus anciens pictogrammes connus datent de 9000 ans avant notre ère, 5000 ans avant les premières traces d’écriture chez les Sumériens.
Le cunéiforme et les hiéroglyphes égyptiens apparurent vers la fin du quatrième millénaire, suivis d’écritures syllabiques au Proche-Orient (Sumérien…). Les premières traces d’alphabet avec les inscriptions protosinaïtiques et protocananéennes datent de 1700 environ avant J.-C.
L’écriture égyptienne est un mélange de ce que les spécialistes appellent logogrammes, phonogrammes et déterminatifs. Dans un logogramme, l’image figure l’objet que l’on veut évoquer : le dessin d’un rectangle, dont un côté est muni d’une ouverture, signifie « maison ». Le phonogramme, souvent dérivé du logogramme, représente un son ; par exemple le logogramme de la maison fut aussi employé comme phonogramme avec la valeur « pr ». Pour illustrer cela en français, le dessin d’une bouche pourrait désigner le son associé à la lettre b qui est au début de ce mot.
Ce type de notations nécessite des signes spécifiques pour lever les incertitudes : les déterminatifs. Ces trois catégories se complexifient encore davantage avec des signes représentant des groupes de lettres de deux ou trois consonnes. Mentionnons aussi que les voyelles n’existent pas et ne sont pas vraiment nécessaires.
Cette première écriture égyptienne eut pour principe de base le rébus : une chose était montrée, une autre signifiée. En appliquant ce principe au français, le mot « ramage» serait représenté par deux dessins, ceux d’un rat et d’un mage. Nous verrons que les Grecs perfectionnèrent ce principe en l’appliquant non seulement à l’écriture avec un nombre réduits de symboles de base, les lettres, mais aussi à la conception générale de la mythologie.
De cette façon, il était facile de dissimuler au non-initié la signification profonde des textes. Ceux d’Homère et d’Hésiode sont des chefs d’œuvre en la matière, à tel point que leur signification cachée est insoupçonnable. Ils purent ainsi garder leur mystère pendant plusieurs millénaires.

Même si elle semble complexe au néophyte, les spécialistes s’accordent à dire que la lecture des hiéroglyphes est plus facile que celle des écritures alphabétiques. Les écritures ultérieures, qui réduisirent le nombre de signes à un petit nombre de consonnes, sacrifièrent la lisibilité à la simplicité.
D’autre part, les hiéroglyphes véhiculent un nombre d’informations très supérieur à celui des lettres de nos alphabets actuels. Les lettres de l’alphabet grec suivent le modèle égyptien : pour reprendre l’exemple de la déesse Athéna, (Θ+Ν), seulement deux signes traduisent ce qui nécessite une longue phrase en français « la puissance qui veille à l’évolution de la croissance intérieure ». Certaines précisions sont ajoutées avec les voyelles utilisées comme « déterminatifs ». En seulement quatre lettres, nous obtenons alors (Α+Θ+Η+Ν) : « la puissance qui veille à l’évolution de la croissance intérieure, depuis le mental jusqu’à la réalisation de l’homme futur où s’équilibrent raison et intuition ».

Parallèlement aux hiéroglyphes égyptiens, est apparu vers le 15e siècle avant notre ère un système d’écriture d’origine suméro-akkadienne (Syrie, Liban, Israël, Jordanie d’aujourd’hui) appelé protosémitique dont dérivent la plupart des écritures du Moyen-Orient et d’Occident. La branche qui nous intéresse est celle de l’écriture phénicienne que les spécialistes considèrent comme l’ancêtre de l’écriture grecque.
Le plus ancien alphabet phénicien connu date de 1500 avant J.-C. C’est un alphabet consonantique – les voyelles ne sont pas notées – dont l’usage implique que l’on connaisse par avance la teneur de ce que l’on va lire. Selon les spécialistes, il arriva à maturité vers 1200 avant J.-C. Il comprenait 22 lettres consonnes, aucune voyelle, et se lisait de droite à gauche. (Les hébreux ont conservé ce nombre, élaborant même un texte ésotérique extrêmement sophistiqué sur la signification symbolique des lettres et leurs relations réciproques – le Sepher Yetzirah. Les 22 lettres sont séparées en 3 lettres mères fondatrices, 7 lettres doubles – forces de création – et 12 lettres simples – les lois de la manifestation. Si l’on ne considère pas le dédoublement des voyelles O (Ο et Ω) et E (Ε et Η), l’alphabet grec est également composé de 22 lettres.)
De plus, les lettres étaient orientées dans le sens de la lecture, en miroir des lettres classiques. Par exemple, le B était écrit «  », signe qui devint plus tard en grec archaïque «  ».
Cet alphabet fut adopté par les Araméens et les Hébreux. L’araméen primitif se divisa en deux branches voisines : l’araméen archaïque, très proche du phénicien (sauf en ce qui concerne le graphisme d’une ou deux lettres), et l’araméen palmyrénien qui s’orienta vers un symbolisme et donc un graphisme différent, et donna naissance à l’hébreu, semble-t-il, par une poursuite de l’esthétique du tracé.

Puis, avec la destruction de la civilisation mycénienne, l’écriture semble avoir disparu de Grèce pendant deux ou trois siècles.
Lorsqu’elle réapparut, l’orientation du tracé et donc aussi celle des lettres s’inversa progressivement pour permettre une lecture de gauche à droite. À une certaine époque, il y eut même des textes écrit en « boustrophédon », c’est-à-dire une succession de lignes se lisant en alternance de droite à gauche puis de gauche à droite. Ce changement d’orientation n’a, semble-t-il, toujours pas été expliqué.

En s’emparant de l’alphabet phénicien, les Grecs récupérèrent la presque totalité des tracés des lettres-symboles phéniciennes, mais rarement leurs significations. Seules trois lettres furent abandonnées : digamma, san et koppa.
Ils ajoutèrent aussi plus tardivement certaines lettres pour introduire de nouveaux concepts : Φ, Χ, Ψ, et Ω (Phi, Ki, Psi et Oméga).

Les lettres minuscules grecques n’apparurent qu’à l’époque hellénistique, au début de notre ère, et leur tracé semble résulter la plupart du temps des nécessités de l’écriture cursive rapide. Cependant, certains graphismes – comme par exemple les deux formes minuscules du sigma selon sa place dans le mot – semblent avoir été conçus pour éclairer le symbolisme de certaines majuscules dont le sens risquait de se perdre.
Les minuscules sont donc utilisées ici par souci de commodité, mais l’analyse des mythes et le décryptage des noms est fait sur la base des principes contenus dans les lettres majuscules selon le tracé ionien.

Les spécialistes distinguent quatre alphabets grecs primitifs : ionique, dorique, éolique et attique. Les plus anciens fragments connus des textes d’Homère sont écrits dans un mélange d’ionien et d’éolien.
De nombreuses variantes se firent jour dans le tracé de certaines lettres selon les régions de Grèce, mais c’est d’Ionie que furent issues la plupart des modifications, ainsi que les lettres supplémentaires.
Finalement, l’alphabet ionique de Milet fut adopté à Athènes en 403-402 avant notre ère, prenant le pas sur l’alphabet athénien.

Si les sources grecques les plus anciennes que nous possédons datent du milieu du 8e siècle avant J.-C., les premiers fragments connus des textes d’Homère ne datent que du 3e siècle avant J.-C. Il est généralement admis que la composition des textes eux-mêmes a eu lieu vers la première moitié du 8e siècle pour l’Iliade et plus d’un siècle plus tard pour l’Odyssée. Ce qui laisse supposer que toute la structure mythologique était en place déjà bien avant.

Ce survol du contexte historique et de la naissance des écritures nous éclaire sur plusieurs points :
– Tout d’abord, du fait de cet immense brassage, le ou les auteurs des textes homériques et leurs contemporains ne pouvaient ignorer l’évolution des écritures de toute cette partie du monde, des hiéroglyphes égyptiens aux alphabets phéniciens, en passant par les écritures étrusques et mycéniennes. Toutes les formes, toutes les astuces étaient à leur disposition : pictogrammes, phonogrammes, écritures syllabiques, alphabets consonantiques, etc.
La forme d’écriture qui leur était la plus familière était sans doute l’écriture phénicienne, de par la position privilégiée des phéniciens comme intermédiaires entre les Grecs et les Égyptiens, ces derniers étant détenteurs de « la science sacrée ». Cependant, si les initiés grecs reprirent la plupart des tracés des lettres phéniciennes, ils abandonnèrent toute référence à des réalités matérielles (objets, animaux…) encore sous-jacentes dans l’alphabet phénicien, et se dégagèrent du symbolisme phénicien par nombre de permutations dans les lettres.
L’alphabet mycénien (le linéaire B) disparut durant les « Âges Obscurs » et le nouvel alphabet grec s’imposa de façon presque uniforme et très soudaine dans l’ensemble des cités grecques au 8e siècle.

En second lieu, nombre d’éléments indiquent l’intervention particulière de l’Ionie dans l’élaboration de l’alphabet :
Parmi les cités qui revendiquèrent la naissance d’Homère, Chios, Colophon (ville située au nord-ouest d’Éphèse) et Smyrne (Izmir) sont situées en Ionie ou sur une île au large de l’Ionie (Chios); les cités de Pylos, Argos et Athènes semblent avoir en revanche usurpé cet honneur. En effet, leurs noms ont une fonction symbolique dans la recherche spirituelle (Athènes, la ville de la « quête intérieure », Argos « la lumineuse », cité des « chercheurs de vérité », et Pylos, « la porte » ou « le passage ») et ils ont sans doute été créés de toutes pièces à une époque plus tardive.
Les premiers fragments des manuscrits de l’Iliade et de l’Odyssée, datés du 3e siècle avant J.-C., sont écrits dans un mélange de dialectes ionien et éolien (ionien de l’Attique). Ce dialecte homérique composite semble n’avoir jamais été parlé. Le texte lui-même aurait été fixé par Pisistrate vers 550 avant J.-C.
Certaines lettres semblent avoir être ajoutées, non par nécessité de langage, mais pour des besoins d’expressions symboliques (Psi, Oméga…), et la plupart d’entre elles apparurent tout d’abord en Ionie.
C’est en Ionie, sur la côte ouest d’Asie Mineure, que fut constituée la première ligue religieuse du Panionion (voir ci-dessus).
Enfin, l’écriture ionienne de Milet fut adoptée comme écriture officielle par Athènes vers 402 avant notre ère. Or, comment imaginer qu’Athènes, ayant progressivement assuré sa domination sur toute la Grèce, ait pu choisir un autre alphabet que le sien ? A cela, sans doute, il y a une raison majeure : les textes fondateurs homériques, et plus généralement tous les textes des initiés, ne pouvaient être totalement déchiffrés et compris de tous qu’à l’aide de l’alphabet ionien qui avait servi à leur élaboration. En effet, certaines lettres avaient été déformées à Athènes et en d’autres provinces, et ne permettaient plus à tous de donner un même sens aux mots dans lesquelles elles figuraient.

L’ELABORATION DE L’ALPHABET GREC

Comme exposé ci-dessus, il n’y a pas eu de lente évolution du sens des lettres de l’alphabet phénicien à celui des lettres grecques, mais un abandon radical, par les initiés originaires d’Ionie, des significations précédentes, à une ou deux exceptions près (le N par exemple). Ces sages recréèrent un ensemble cohérent avec une nouvelle logique, et donc un nouveau contenu symbolique pour chaque lettre.

Cet alphabet, construit consciemment pour répondre à certaines nécessités, essentiellement la transmission des connaissances, devait répondre à certains impératifs afin d’éliminer les inconvénients des méthodes du passé :
Il devait être simple d’usage, et non plus réservé aux scribes ou aux prêtres ; ce qui excluait d’emblée toutes les écritures de type logogrammes qui nécessitaient un apprentissage très long.
(Il faut se souvenir que durant la plus grande partie de la civilisation pharaonique, on estime que moins de un pour cent de la population était alphabétisée. En appliquant ce même pourcentage à la Grèce de l’an mille avant J.-C., on obtient un très petit nombre de lettrés. Un mouvement d’alphabétisation plus large dut avoir été pressenti par les initiés grecs.)
Il devait être inaccessible au profane dans son sens caché, utilisable pour les besoins de la vie courante, et devait permettre d’intégrer, du moins en partie, le langage existant. Il fallait éviter l’erreur qui conduisit l’Égypte à multiplier les formes d’écriture. L’écriture hiéroglyphique, utilisée exclusivement pour les monuments, donna naissance dès son apparition à une écriture cursive, le hiératique, qui elle-même se subdivisa plus tardivement au moment de la renaissance Saïte, donnant naissance au démotique pour les besoins de l’administration et du commerce, le hiératique se cantonnant aux textes religieux. Les hiéroglyphes – les « gravures sacrées » en grec -, étaient nommées par les égyptiens « medou netjer, paroles divines », et furent réservées aux monuments tout au long de l’histoire de l’Égypte ancienne. L’écriture hiératique, du grec « ιερος, sacré », semble marquer une transition de signes au symbolisme étendu vers des lettres-symboles, système qui sera repris par les grecs. L’écriture démotique, du terme « δημος peuple », n’avait plus aucun caractère sacré.
Il devait être déchiffrable sans trop de difficulté si l’on connaissait les principes du cryptage. On se souviendra en effet que c’est par le biais des aèdes, chantant les épopées mythiques, diffusant les histoires et les généalogies à travers la Grèce ancienne que les initiés perfectionnaient les mythes. Ces aèdes pouvaient ainsi répandre des informations sans en connaître eux-mêmes le sens.
Il devait éliminer toute ambigüité.
Il devait inclure dans un nombre restreint de signes tous les concepts essentiels.
Et peut-être, si le message était aussi destiné aux temps futurs, il devait pouvoir traverser les siècles sans déformation.

Seul un alphabet élaboré sur la base de graphismes significatifs pouvait répondre à toutes ces contraintes. Les alphabets phéniciens et araméens remplissaient déjà la plupart de ces conditions, mais ils avaient un inconvénient majeur : comme les voyelles n’étaient pas notées, seul le contexte ou le sens général de la phrase, ou encore une longue pratique des textes sacrés, permettait un déchiffrement sans ambigüité. Cette imprécision réservait de fait l’écriture à une classe de lettrés, prêtres de la religion officielle la plupart du temps.
Il faut noter cependant que l’araméen avait déjà utilisé certaines consonnes pour noter des voyelles. L’idée était donc « dans l’air ».
D’autre part, le manque de voyelles ne permettait pas la création de noms de personnages sur la base des mots du langage courant. Or cette création était absolument nécessaire pour élaborer les arbres généalogiques qui forment la structure de la mythologie.
Un exemple :
Le nom de Polynice, fils d’Œdipe, est formé à partir de Πολυ (nombreux) et Νεικος (querelles). Il représente donc le chercheur qui « assume de nombreuses querelles », c’est-à-dire qui mène « de nombreux combats dans la dualité ».
Sans les voyelles, ce nom ΠΛΝΚ, n’a plus aucun sens.
D’autre part, composer le nom de « celui qui mène de nombreux combats dans la dualité » uniquement avec les lettres archétypes telles que nous allons les présenter, est quasiment impossible.

Les Égyptiens n’avaient pu résoudre ce problème de « l’ambigüité ». Si leur alphabet n’impliquait pas de connaître le sens des mots pour lire les textes sacrés, car ce sens se déduisait des groupes de lettres ou de signes utilisés pour chaque mot, il rendait son usage très difficile pour les besoins courants. Et ce fut sans doute la raison essentielle des différentes formes d’écriture en Égypte.

Si les Grecs voulaient éviter l’écueil de la multiplicité d’alphabets et avoir un même système d’écriture à la fois pour le sacré et le profane, la notation des voyelles, qui déterminaient le sens des mots sans ambigüité, devenait impérative. (Ce ne fut sans doute pas la seule raison de cette amélioration.)
Ce nouvel alphabet évita les concepts sous-jacents aux lettres phéniciennes en introduisant de nombreuses modifications de sens et des permutations dans les graphismes. Une longue maturation concertée semble donc avoir présidé à son élaboration. N’oublions pas, en effet, que l’alphabet grec apparut subitement et de façon quasi identique en plusieurs endroits de Grèce, près de trois siècles après l’arrivée à maturité de l’alphabet phénicien.
Dans la suite, seront donc appelées « qualifiantes » les voyelles qui sont porteuses de sens dans les noms propres, qui modulent la signification apportée par les consonnes « structurantes », ou précisent le plan de leur action.

Compte tenu de l’existence d’écritures sacrées antérieures, il est difficile de cautionner l’idée que l’alphabet grec ancien, à l’instar de nos alphabets modernes, n’ait eu qu’une valeur phonétique et n’ait donc servi qu’à transcrire la langue orale.
Et si l’on refuse d’envisager le sens caché des lettres grecques, on peut se demander la raison de leurs tracés si complexes dès l’origine, la justification du maintien de quelques formes dérivées des hiéroglyphes et de l’abandon de certain tracés phéniciens, et la raison de l’oubli volontaire de l’alphabet cunéiforme ou de tout autre forme purement logique dans le graphisme.

Les initiés grecs sont donc repartis sur une base nouvelle, avec quelques variantes dans les tracés, car les régions suivirent sans doute une évolution indépendante. Tous les tracés devaient cependant exprimer pour chaque lettre la même idée, car l’organisation initiale des différents alphabets était la même. Ils finirent donc par adopter une forme unique, l’alphabet ionien.

Les consonnes – appelées dans cet ouvrage « lettres structurantes » – évoquent davantage des mouvements de conscience ou des principes, et les voyelles, des phases évolutives ou états de la conscience.

Si les formes cursives semblent dérivées, la plupart du temps, de l’écriture rapide, certaines paraissent avoir été dessinées pour expliciter ou confirmer une signification qui se perdait avec le temps. Le sigma cursif a même deux formes suivant qu’il est placé à l’intérieur ou à la fin du mot, et donc deux significations symboliques opposées, celles d’enroulement et d’ouverture.

Les lettres doubles

Comme certains noms propres portent, dans les mythes, un sens différent, voire exactement opposé au sens principal défini par leur lettre structurante, le rapprochement a été fait avec l’explication kabbalistique de l’alphabet hébreu, où certaines lettres revêtent deux significations entre lesquelles seul le contexte permet de choisir.
L’alphabet hébraïque comprend vingt-deux lettres, dont trois lettres « mères », sept lettres « doubles » et douze lettres « simples ».
Les sept lettres doubles sont Beth, Gimel, Dalet, Kaph, Pe, Resh et Tav, correspondant aux lettres grecques Bêta, Gamma, Delta, Kappa, Pi, Rhô et Tau.
Un rapprochement entre les noms des héros, leur signification dans les mythes, et les racines de la langue, a permis de confirmer la nature « double » des cinq dernières lettres de cette liste. Les lettres khi (Χ), et lambda (Λ) font aussi très probablement partie de cette catégorie. Plusieurs de ces lettres figurent dans les noms des monstres issus de Typhon « l’ignorance », noms qui illustrent une opposition ou une négation de l’évolution.

LES LETTRES DE L’ALPHABET

L’ordre de présentation des lettres ci-dessous suit l’enchaînement logique dans les graphismes, et non celui de l’alphabet utilisé couramment : voir le Schéma de construction des lettres symboles dans l’onglet divers.

Pour chacune d’elles, figure d’abord la lettre ionienne selon l’alphabet officiel imposé par Athènes et sur laquelle est fondée la composition des noms propres, puis sont notées à la suite quelques-unes de ses autres formes archaïques illustrant la complexité de l’évolution, et enfin, la lettre classique et la minuscule de l’époque hellénistique.

Iota

Forme ionienne :
Formes classiques : Ι ι

Cette lettre est étudiée en premier lieu, car son graphisme est le plus simple qui soit, un trait vertical. Absente dans l’alphabet phénicien, elle fut ajoutée par les Grecs et servit de base au graphisme de dix-sept autres lettres. Elle représente l’idée première sous-jacente à toute manifestation, c’est-à-dire la volonté de « densification » du Suprême.
C’est le premier mouvement de cette totalité indivisible que les Védas nomment Sat-Chit-Ananda, les trois principes Existence-Conscience-Félicité fondus en l’Unité.
(A ce niveau de description, nous sommes hors de toute conception mentale, sur un plan qui précède la manifestation et à fortiori la création et l’espace-temps.)

Elle précède « la projection hors de Soi-même » et la « contemplation de Soi-même », illustrées respectivement par le gamma (Γ) et le rhô (Ρ). Le Rho dessine le mouvement, lancé avec le gamma, qui revient vers sa source afin d’avoir l’expérience de lui-même, expérience qui est Éros, Félicité.

Cette densification peut se comprendre aussi comme un ralentissement des vibrations, le Réel vibrant à une vitesse infinie dans une immobilité totale, et la création, dans son état d’apparente stabilité, nécessitant des vibrations lentes se déployant dans le temps.

Le iota est donc l’expression d’une « densification » du Suprême, une Existence-Conscience, que nous appellerons plus simplement « Conscience », qui s’étend des hauteurs de l’Esprit jusqu’aux plus lointaines profondeurs de la Matière. Symboliquement, et de tous temps, le haut fut attribué à l’Esprit, et le bas à la Matière, en raison de notre perception du monde sensible.

Cette approche de la Conscience implique l’existence de différents niveaux de « conscience » : ceux des plans minéral, végétal, animal, humain qui nous sont familiers et plus ou moins perceptibles, et ceux qui s’étendent encore au-delà jusqu’à la conscience de l’Absolu.
L’étude de ces plans, de leurs interactions et des possibilités de les intégrer et les perfectionner en nous est l’un des objets de la mythologie.

C’est en suivant cette idée de densification que les Grecs ont placé le lieu de séjour de certains dieux au sommet des montagnes (Olympe, Ida), car de même que celles-ci relient le ciel et la terre, ces dieux, puissances les plus élevées du monde mental, font le lien entre l’Esprit d’une part, la vie et la matière d’autre part.

La Conscience des plans supérieurs de l’Esprit n’est accessible à l’homme qu’en de rares éclairs, et subit même alors quantité de déformations et de distorsions, héritages à la fois de l’évolution et de la nature individuelle.
Il n’est donc pas possible de la représenter sous la forme d’un trait vertical, mais seulement d’une ligne brisée en zigzag, .
Si l’on considère les alphabets grecs primitifs, dans nombre d’entre eux le iota et le sigma avaient des tracés similaires : pour le iota, et ou ou encore pour le sigma. Lorsque le tracé ionien fut adopté définitivement par tous, il devint nécessaire de différencier clairement le iota , le zêta et le sigma . Le iota fut retenu pour la Conscience de Vérité pure de toute déformation, le sigma hérita du sens de « conscience mentale partielle » et surtout il symbolisa une circulation de l’énergie entre le bas et le haut dans l’homme mais dans un seul sens. Quant au zêta, il figura le lien dynamique entre l’Esprit et la Matière, qui, à l’instar de l’éclair, prend le chemin le plus court en tenant compte des obstacles rencontrés.
(Dans les alphabets phéniciens archaïque et araméen, on peut supposer que la conscience était représentée par la lettre zayin , puisque le iotan’existait pas.)

Le iota peut être employé à la fois comme voyelle et comme consonne. Il est utilisé comme consonne lorsqu’il se trouve au milieu de deux voyelles et n’appartient pas à la désinence, comme dans les mots Gaia, Laïos et Aiétès. Les autres consonnes indiquent alors le « mouvement » de cette Conscience. Il sert aussi de consonne lorsqu’il n’est utilisé qu’avec une seule voyelle comme dans le mot Io (ΙΩ), princesse de la dynastie royale d’Argos qui fut aimée de Zeus puis changée en génisse. Le tracé de la lettre oméga (Ω) indiquant une ouverture vers l’incarnation, le nom signifie alors une « ouverture de la conscience vers l’incarnation». Io est en effet à l’origine de la lignée des personnages qui décrivent le processus de purification/libération ou intégration : Héraclès, Œdipe et Europe.

En résumé, le exprime donc une verticalité, de l’ordre de la Conscience-Force, non déviée par les couches du mental, car c’est ce dernier, et non la vie, qui est la cause des distorsions.

*Mots clefs : conscience, conscience de vérité, force-conscience, plans de conscience.

Gamma

Forme ionienne : Γ
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Γ γ

Le tracé du gamma exprime un mouvement vers l’avant, une impulsion, qui part du sommet du trait vertical de la « conscience ».
Les deux lettres Γ et nous permettent d’introduire Gaia, la Terre, la Conscience qui se projette hors d’elle-même ou principe d’Existence. (Le iota entre deux voyelles doit être considéré comme une consonne.)
Puis, se scindant elle-même : « en premier lieu, elle fit naître Ouranos le ciel étoilé, égal à elle-même (il fallait qu’il pût la cacher, l’envelopper entièrement), afin qu’il fût, pour les dieux bienheureux, séjour à jamais stable », elle se mua en un couple sans pour autant abandonner son unité : Ouranos, la Force-Conscience concentrée en elle-même, et Gaia, son Énergie Exécutrice. Les deux membres du couple devaient s’unir à leur tour pour que viennent à la lumière les puissances de création, les Titans. Le jeu divin de ces deux principes est illustré par le rhô (P), qui forme la structure du mot Éros, l’extase divine, ou Ânanda. Lorsque les Titans vinrent enfin à la lumière, alors s’opéra le passage de la Force-Conscience/Énergie Exécutrice à la dualité de principes Esprit (Ouranos)/ Matière (Gaia).

Par extension, gamma a plus généralement le sens d’une impulsion, d’un commencement, d’un mouvement vers l’avant. Cette lettre est à l’origine du mot Gorgo (la Gorgone tuée par Persée), symbole d’une impulsion qui revient sur elle-même de par l’ajout du Rho.
Les variantes du gamma que l’on trouve à Corinthe, Argos ou en Eubée expriment une projection de la conscience, verticalement ou horizontalement, mais ce graphisme sera finalement retenu pour le lambda.

*Mots clefs : mise en mouvement, impulsion, commencement.

Pi (Lettre double)

Forme ionienne :
Formes classiques : Π π

Le tracé du pi primitif est identique, quelles que soient les régions où il est apparu. Son graphisme subit l’inversion classique du sens de l’orientation.
Son tracé poursuit celui du gamma par un court trait vertical vers le bas qui suggère un arrêt du mouvement. Ces deux lettres, gamma et pi, nous évoquent la phrase de Platon « Cet univers où nous sommes, tantôt le dieu lui-même dirige sa marche et le fait tourner, tantôt il le laisse aller…» ; l’univers, mis en route par le gamma, poursuit avec le pi sur sa lancée.
Mais le graphisme de cette lettre évoque aussi une instabilité, un repos temporaire.
Dans son tracé définitif, le pi est le principe du repos, de l’arrêt, de la stabilité, de l’immobilité. Il porte aussi l’image d’un pont, d’un lien entre deux piliers.

*Mots clés : – repos, arrêt, immobilité et peut-être inertie.
– lien, équilibre, stabilité, égalité.
– maîtrise (domination), rigidité, fixité et peut-être dépendance.

Rhô (Lettre double)

Formes ioniennes :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Ρ ρ

La deuxième lettre issue du gamma est le rhô. (Il s’écrit comme le P français, mais il est à rapprocher du R). Le mouvement, ici, n’est plus interrompu comme dans le pi, mais revient sur lui-même, vers la source. C’est la respiration de l’Absolu, le jeu d’une création qui vient à l’existence puis est réabsorbée. A un niveau inférieur, il s’agit d’un retour sur soi-même, d’une inversion du sens du mouvement.
Mais les variantes que l’on trouve soit en Ionie () soit dans les autres cités , indiquent que cette action s’inscrit jusque dans la matière, qu’elle n’est pas un simple jeu du Divin. Cette lettre est donc aussi le symbole du mouvement fait « en vérité », de « l’acte juste ». Et celui-ci générant la joie, comme cela est admis dans toutes les traditions, on retrouve le rhô dans le mot Éros, « le plus beau des dieux immortels », symbole de la Joie divine, conséquence du jeu de l’éloignement puis de l’attraction du retour vers l’origine Une.
Dans les significations plus tardives de l’Éros, la vibration est descendue dans les plans les plus denses, où elle est devenue « désir », lequel a pour corollaire le plaisir, lequel n’est qu’une forme déchue – il faudrait en fait plutôt dire primitive – de la Joie.

Le rhô () exprime donc le mouvement de l’évolution selon l’ordre juste et vrai, l’ordre vertical (selon l’Esprit), et le nu (Ν), comme nous le verrons, celui de l’évolution selon l’ordre horizontal (selon la Nature). Le premier est pur, non déformé. Le second est issu de l’inconscience, état premier de la nature, dont il supporte les mélanges et les désordres.
Le rhô procédant du gamma dans son graphisme, il est logique que Rhéa (ΡΗΑ), femme de Cronos, puis Héra (ΗΡΑ), épouse de Zeus (ces deux noms n’ont que le rhô comme lettre structurante), succèdent à Gaia comme puissances féminines régnantes.

Le (rhô), lettre double, a aussi été utilisé pour exprimer une inversion. Par exemple, le symbolisme du chien Orthros – orthos (droit) dans lequel a été inséré le rhô – doit être compris comme l’inverse de la droiture, c’est-à-dire la fausseté, le mensonge, et non comme la Vérité se déployant selon le mouvement de la Suprême Réalité. Quelques scribes, recopiant des manuscrits, ont vu là une faute d’orthographe et l’ont donc parfois transcrit « Orthos ». S’agissant d’un monstre représentant le mensonge, la pertinence de l’orthographe « Orthros » est évidente. Autre exemple : le rhô est la lettre structurante du nom de la déesse de la discorde, Éris. A un certain niveau, l’inverse de l’attraction (Éros) est en effet la répulsion, la discorde.
Un autre exemple, où le Rho inséré exprime une inversion, est le mot Dircé « une manière d’agir fausse » alors que Dicé exprime « une juste manière d’agir » comme dans Eurydice.

*Mots clefs : – mouvement vrai ou juste, selon le plan de l’Absolu
– mouvement d’inversion

Bêta

Forme ionienne : Β
Formes classiques : Β β

Le bêta est obtenu en complétant le rhô () par symétrie. Le mouvement qui s’effectue dans les plans supérieurs doit aussi s’opérer dans les plans inférieurs : c’est donc l’indication d’un principe de densification et d’incarnation du mouvement supérieur (comme dans Érèbe). C’est un mouvement vrai, dans l’ordre des choses.
On trouve le B dans des mots comme Niobé. Avec le N de l’évolution, Niobé signifie « l’évolution du processus d’incarnation ». Or Niobé est « la première femme », la « Mère des Vivants », symbole pour le chercheur du moment où il prend conscience que « ça existe », où il a un moment « d’éveil ». Elle symbolise l’entrée sur le chemin intérieur dans le processus de purification/libération. Elle symbolise aussi l’entrée dans l’âge de la conscience réflexive, celle qui permet de se regarder soi-même et donc de progresser. Et ce qui lui est demandé à ce moment-là, c’est d’incarner l’intelligence et le discernement, car le séjour au jardin d’Éden touche à sa fin.
Le B figure aussi comme seule lettre structurante dans le nom de la déesse Hébé (ΗΒΗ), laquelle symbolise la « jeunesse » éternelle dans le plan du mental le plus haut (le surmental, car elle est fille de Zeus et d’Héra, servant aux dieux le nectar et l’ambroisie), la souplesse qui permet l’adaptation au mouvement du Devenir, la fraicheur et la joie de l’instant présent dans l’incarnation.

*Mots clefs : – processus juste d’incarnation (mise en œuvre, pose des fondations…), densification.
– joie de l’acte juste, attention parfaite à l’instant présent.

Zêta

Forme ionienne :
Formes classiques : Ζ ζ

Le zêta, qui a repris le tracé du zayin phénicien, n’a pas varié sauf dans certaines formes d’araméen où il est représenté seulement par un trait vertical (il était sans doute dans cette langue le symbole de la conscience).
Le zêta ne devait pas être confondu avec le iota , malgré la similitude des tracés primitifs, ce qui peut expliquer le tracé en zigzag Ζ adopté plus tardivement pour le zêta.

Le zêta ionien primitif est donc formé par le trait vertical de la Conscience du iota entouré de part et d’autre par deux barres horizontales que l’on peut identifier comme le plan de l’esprit, en haut, et celui de la matière, en bas. Dans sa globalité, le zêta représente donc une liaison, par la conscience, du monde de l’esprit au monde de la matière.
Peut-être le tracé en Ζ, à l’image de l’éclair, n’est-il pas fortuit : la liaison semble plus « foudroyante », mais moins directe. Toutefois, la base de notre étude est l’alphabet au temps d’Homère et non les formes tardives. Aussi est-ce la forme ionienne que nous retiendrons.

Pour éclairer sa compréhension, il faut la rapprocher des deux lettres apparentées, le tau (Τ) et le xi (Ξ en écriture moderne), lequel provient du phénicien samech. Dans le tracé de ces deux lettres, l’un des traits horizontaux a été soit supprimé, soit ajouté par rapport au zêta.
Ces trois lettres définissent donc des nuances dans l’action de la conscience. Avec le zêta il s’établit un rapport direct entre l’Esprit et la matière, un équilibre, une réflexion.
Avec le tau T, la conscience se maintient sur le plan de l’Esprit et ne s’incarne pas. Avec le xi la conscience établit un principe d’identité entre les plans, ceux de l’esprit, de la matière et du mental/vital, ce dernier étant le plan intermédiaire où se tient l’homme.
Le zêta se situe donc dans le domaine de l’instantané : une liaison qui ne passe pas par le mental, une action directe et illuminatrice. C’est la lettre structurante du nom de Zeus, qui illustre le mode d’action direct, mais non permanent, du plan de l’esprit dans la manifestation.
Cette action directe est confirmée par le tracé de la lettre minuscule ζ, alors que le tracé du xi en minuscule ξ indique bien une action progressive à travers les plans intermédiaires du mental et du vital, et donc sujette à déformation. (Le trait recourbé vers la terre en bas de chaque lettre minuscule indique que cette action du haut se prolonge jusque dans la matière.)

*Mots clefs : liaison directe esprit/matière (non permanente).

Tau (Lettre double)

Forme ionienne :
Formes classiques : Τ τ

Nous avons déjà dit l’essentiel du tau dans l’étude du zêta ci-dessus.
Il n’y eut pas, semble-t-il, de variantes dans le graphisme du tau. Les formes phéniciennes et araméennes utilisaient le tracé utilisé par les Grecs pour le khi (Χ).
Cette lettre semble appartenir à la catégorie des lettres doubles. Elle peut être prise dans le sens d’une existence dans la conscience la plus haute, qui est inspiration, ou d’une tension vers l’Esprit (comme dans le mot Titaino « aspirer, tendre vers »), mais peut-être aussi d’une fuite dans l’esprit.
On trouve le premier sens avec Aiétès, roi de Colchide, fils du soleil Hélios et frère de la magicienne Circé. Ce roi est le symbole de « la conscience active et totale sur le plan le plus élevé de l’esprit », de l’inspiration et du vrai « pouvoir ». Celui qui réside sur le plus haut plan de l’Esprit « connaît » et donc « peut ». Le Tau a donc aussi un sens de pouvoir, de maîtrise. (Hippotès, ιππο+Τ, est le conducteur de chevaux attelés, celui qui maîtrise la force vitale.)
Le nom de la déesse de l’erreur, de la fatalité et du malheur, Até (ΑΤΗ), celle qui inspire toutes les actions mauvaises, dit l’absence de toute inspiration (a-T), de toute connaissance vraie ; chez Homère, « elle égare tous les hommes et marche sur leurs têtes ». Elle est fille d’Éris, déesse de la discorde, de la « séparation ». Cette interprétation pourrait être confirmée par le second sens de la lettre, en ce que, pour l’homme, toute action qui n’est pas issue de la Réalité (où Vérité) est source d’erreur et de malheurs.

*Mots clefs : – aspiration vers le plan de l’esprit, inspiration.
– existence sur le plan supérieur de l’esprit (Connaissance), maîtrise, pouvoir.
– fuite dans l’esprit, erreur.

Xi

Forme ionienne :
Formes classiques : Ξ ξ

Le tracé du xi a été emprunté à la lettre phénicienne samech et ne semble pas avoir eu de variante, dans aucun des alphabets grec, phénicien ou araméen archaïques.

Nous avons parlé plus haut du xi comme symbole de la conscience qui établit une identité entre les plans, ceux de l’esprit, de la matière, et du mental/vital, plan intermédiaire où se tient l’homme.
Si l’on considère le tracé de la lettre ionienne, il ne semble pas y avoir de sens de lecture, de haut en bas ou de bas en haut. C’est-à-dire que la lettre peut aussi bien indiquer une aspiration de la matière vers les hauteurs de l’esprit, qu’une descente de la conscience supérieure de l’esprit vers les plans les plus denses. Toutefois, avec le tracé de la lettre minuscule, les initiés de l’époque tardive semblent n’avoir retenu que ce dernier sens, l’idée d’une pénétration progressive à travers les plans de plus en plus denses du mental puis du vital.
Si donc le zêta () est la lettre de l’initié qui perçoit la Vérité directement, par des éclairs d’illumination, sans passer par le mental, le xi () est plutôt celle du chercheur qui ne la perçoit qu’après sa descente à travers les différents plans. Cette vérité peut donc subir des déformations lors de sa traversée du mental, dans la mesure où ce dernier n’est pas totalement purifié.
Notons aussi que cette lettre fut, semble-t-il, une combinaison de khi et sigma, indiquant alors « un arrêt de la pénétration de la conscience en l’homme ».
L’illustration la plus évidente est fournie par l’histoire d’Ixion (Ιξιων), symbole de ce chercheur que les dieux avaient pris en amitié mais qui bientôt s’en crut l’égal, le principe d’identité formant la lettre structurante de son nom. Il se rendit coupable d’un crime impardonnable en courtisant l’épouse de Zeus. Ce dernier, après lui avoir permis de s’unir à une nuée d’Héra  (c’est-à-dire à une image rêvée de la déesse), l’envoya, pour le punir, tournoyer dans les airs éternellement, attaché à une roue ailée.

*Mots clés : – identité, identification
– descente progressive de l’Esprit à travers les plans de conscience (inférieurs).
perception partielle de vérités limitées, image.

Epsilon

Formes ioniennes :
Formes classiques : Ε ε

Deux lettres dérivent dans leur tracé de la lettre xi (), principe d’identité et de perception humaine des vérités supérieures, epsilon () et êta (). Ce sont deux voyelles. (Les voyelles, rappelons-le, ne donnent pas le sens fondamental du mot, lequel se déduit des « lettres structurantes », les consonnes, mais agissant à l’instar des déterminatifs égyptiens, indiquent le domaine d’action des principes posés par les consonnes.) L’epsilon reprend le graphisme du hê phénicien. Du xi, il hérite les trois traits horizontaux, symboles des trois plans corps/vital-mental/esprit, mais le trait vertical de la conscience est déporté sur la gauche.
L’epsilon () représente une moitié du xi () tandis que l’êta () en est l’accomplissement. Ces deux lettres sont donc les symboles de l’homme actuel, incomplet, et de l’Homme futur. L’idée sous-jacente à leur tracé est celle de l’action alternée dans le mental des deux principes de fusion et de séparation, s’y manifestant comme intuition et raison, selon de très longs cycles. L’humanité se situerait actuellement, et ce, depuis treize mille ans, dans une phase de séparation nécessaire au processus d’individuation, la conscience mentale se reposant essentiellement sur l’un de ses deux piliers, le gauche, le mental séparateur logique ou mental de raison, dont le cerveau gauche est le support. (Cf. l’hypothèse émise par l’auteur dans l’étude intitulée « Les cycles du mental dans l’histoire de l’humanité ».)

L’epsilon est donc un qualificatif pour l’homme de raison actuel qui a quitté depuis de très nombreux millénaires les « âges de l’intuition ». Selon Sri Aurobindo, le Véda est un testament des âges de l’intuition (« Le secret du Véda »).
L’homme du futur, symbolisé par la lettre êta , est celui qui saura équilibrer en lui, malgré la pression des cycles, raison et intuition, exécutant parfaitement par la raison ce qu’il percevra par son intuition éclairée. De manière plus générale, l’êta traduit un équilibre supérieur.

Si l’on prend l’équivalent en lettres hébraïques de l’epsilon et de l’êta, respectivement hè ה et hèt ח, le dessin de la première lettre évoque une instabilité, quelque chose de bancal ; d’où les personnages « boiteux » dans toutes les mythologies.

*Mot clef : ce qui caractérise l’homme de raison actuel

Êta

Formes ioniennes : Η
Formes classiques : Η η

Le êta a repris le tracé de la lettre phénicienne heth . La forme plus tardive Η ne fait pas figurer les traits du haut et du bas, sans doute pour éviter les risques de confusion avec le thêta.
Une autre hypothèse voudrait que l’on considère que ces deux traits sont implicitement contenus dans celui du milieu, car si l’homme a réalisé l’équilibre des énergies des deux « piliers », alors il a aussi automatiquement réalisé en lui l’équilibre esprit/matière.
Cette lettre est donc aussi en rapport avec le plan des dieux, étape intermédiaire que l’homme futur doit avoir intégrée.

*Mot clef : l’Homme futur. (Équilibre des énergies horizontales et verticales, du ciel et de la terre).

Kappa (Lettre double)

Forme ionienne :
Formes classiques : Κ κ

Le tracé du kappa (K), qui n’a pas de variante, sauf en araméen archaïque, décrit un mouvement issu du milieu du trait vertical de la Conscience-Force et s’éloigne dans deux directions.
Il transmet une impression de dynamisme, d’ouverture, avec l’idée d’une projection de la conscience vers l’avant, et aussi d’une séparation, d’une distinction.

Une variante du tracé du upsilon se rapproche du kappa , puisqu’elle n’en diffère que par la suppression du trait orienté vers le bas. L’upsilon traduisant un état de réceptivité (voir plus loin), le exprime alors la conscience qui reçoit d’en haut et dans un même élan, projette vers la matière : un état de simultanéité de la réception et de l’action.

Il figure dans le nom de quatre Titans – Koios, Krios, Kronos et Okéanos -, lesquels sont des puissances de création issues d’une première « différenciation ».

*Mots clefs : – ouverture ou élargissement de la conscience ; projection de la conscience, création, mise en mouvement.
– différenciation, distinction, séparation.

Lambda (Lettre double)

Formes ioniennes :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Λ λ

Le lambda est certainement la lettre dont le graphisme a le plus varié. Sa forme de crosse retournée dans les écritures phénicienne et araméenne archaïques diffère beaucoup de la forme grecque finale Λ.
Dans la forme ionienne primitive , il y a l’idée d’une projection vers la matière depuis les hauteurs de l’esprit, mais aussi d’une séparation. Les formes en usage dans les autres cités grecques indiquent aussi une projection de la conscience, mais issue d’autres niveaux ( ).
La forme finale Λ introduit un équilibre, une harmonie. Elle induit le principe fondamental de la création par lequel la Conscience-Une se manifeste en une multiplicité de points de conscience appelés à un processus d’individuation.
On peut penser que les Grecs, retenant la direction verticale pour signifier le rapport Conscience/Existence ou Esprit/Matière, avaient logiquement fait jaillir ce principe d’individuation de la conscience suprême. Ils ont donc fait pivoter en conséquence les graphismes phéniciens de 90 degrés ou 180 degrés selon les cas, pour les trois lettres Λ, Α et Δ.
Si lambda Λ est un principe d’élargissement qui conduit vers la liberté – le principe d’individuation – alors alpha Α indique ce processus à mi-course et delta Δ en fin de parcours, lorsque tous les éléments séparés ont retrouvé leur unité. Alpha étant une voyelle, seule la progression de Λ à Δ doit être prise en compte, alpha Α indiquant un état intermédiaire entre l’individuation et la ré-union.
Le lambda est aussi la lettre essentielle du mot Hélios, le soleil, « celui qui voit tout » (Panoptes), au sens d’une « conscience totale ».
Il est possible de considérer aussi le graphisme du lambda dans son mouvement d’ascension, et donc illustrant un principe de concentration tourné vers le haut. Toutefois, peu de noms semblent avoir été construits sur cette base.

*Mots clefs : – élargissement, individuation, liberté.
– séparation, division (multiplicité, diversité, dispersion).
– vision ou conscience totale.
– absorption, engloutissement.

Alpha

Formes ioniennes : A
Autre forme archaïque :
Formes classiques : Α α

La lettre alpha a conservé l’aspect originel de la lettre phénicienne archaïque , bien qu’elle ait subi une rotation de 90°. La barre transversale s’étendait aussi de part et d’autres des branches inclinées.
Lorsque les formes furent figées, les anciens voulurent probablement que son tracé dérive du lambda, la phase finale du processus étant le delta : Λ -› Α -› Δ.
Si lambda Λ est le germe du processus d’individuation, alpha Α en serait la réalisation sur le plan vital/mental (demi-réalisation), et delta Δ la ré-union finale avec l’Absolu, la nature et les autres.
Alpha étant une voyelle, elle désigne le plan vital/mental comme champ d’application des consonnes auxquelles elle est liée.
Tandis qu’epsilon Ε et êta Η concernent respectivement l’homme présent et l’Homme futur dans leur globalité, alpha indique une étape évolutive liée au mental. Et puisque cette individuation mentale est la première étape sur le chemin de la liberté, alpha est restée, comme chez les Phéniciens, la première lettre de l’alphabet. La dernière, le point culminant, est l’oméga, qui est ouverture à l’Absolu, non pas au Divin en Esprit, mais au Réel dans la matière, dans le corps (le tracé de l’Ω est celui du O qui s’ouvre vers le bas).

*Mot clefs : – le plan humain vital/mental ordinaire.
– une demi-réalisation.

Delta (Lettre double)

Forme ionienne :
Formes classiques : Δ δ

Comme évoqué ci-dessus, le delta est l’aboutissement du processus d’individuation et le symbole de la « ré-union ».
Cette lettre n’a subi que peu de variantes dans son tracé. En Eubée, le triangle semble s’être fermé à partir du lambda primitif . En Argolide, sa forme en D préfigure le graphisme latin et exprime aussi la fin d’un processus : ce qui a commencé avec le gamma termine sa course en rejoignant la conscience dans la matière.
On retrouve cette lettre dans de très nombreux noms tels Danaé (évolution vers l’union), Diomède (celui qui a le dessein d’être divin, qui se soucie de l’Un, de l’Union), et surtout Déméter, la Mère de l’Union (Δη-μητηρ), c’est-à-dire la puissance qui œuvre en chacun pour la réalisation de l’unité intérieure.
Dans certaines formes de la déclinaison grecque, le delta remplaça zêta (le génitif de Zeus est Dios, datif Dii…) et chez les Latins, Zeus devint Deus. Le principe d’union devint ainsi prépondérant, du moins dans l’enseignement religieux exotérique.
Il serait aussi surprenant que delta soit la consonne structurante du nom Hadès (Αιδης), le dieu du monde souterrain, si l’on ne considérait que ce dieu travaille à l’union jusque dans l’inconscient matériel.

*Mots clefs : – union, unité, réunion, lien.
– division, crainte, séparation.

Upsilon

Forme ionienne :
Autres formes archaïques :
Formes classiques : Υ υ

Son tracé était utilisé en phénicien et en araméen pour le waw.
Comme psi (), upsilon est une combinaison des formes Ι et V, du trait vertical de la conscience et du V de la réceptivité ; mais avec upsilon, le trait vertical de la conscience ne pénètre pas dans le V : il n’y a pas nécessairement action de la conscience. C’est-à-dire que cette voyelle représente seulement un état de réceptivité.

*Mots clefs : état d’ouverture, de réceptivité au niveau de la conscience (Concentration, convergence).

Psi

Forme ionienne :
Autre forme archaïque :
Formes classiques : Ψ ψ

Pour indiquer « l’action pénétrante de la conscience dans un état de réceptivité, d’ouverture », les anciens grecs créèrent une nouvelle lettre, le psi. (Il semblerait toutefois que la nécessité de cette consonne n’apparut que tardivement, des groupes de consonnes étant utilisés auparavant, ΦΣ et ΠΣ, sinon pour traduire la même idée, du moins pour obtenir la même consonance.)

Cette action peut entraîner aussi bien une « vision » qu’une « expression », d’où les deux sens du mot « Ops, ΟΨ », regard et voix.
Au psi peuvent donc être aussi associées les notions d’illumination, d’inspiration et de révélation.
Cette lettre nous permet d’introduire le mot Psyché ΨυΧη , qui peut être compris comme « l’action de la conscience supérieure, dans un état de réceptivité, au centre de l’être Ψ+Χ ». Elle y construit « l’être psychique ». Dans ce livre, ce terme désignera donc ce corps qui grandit au fil des incarnations successives autour du germe de l’« âme ». Ces termes, « âme » et « psychique », ne seront donc pas employés dans le sens habituel. « L’âme est une étincelle du feu de l’Absolu au cœur de l’être manifesté. Elle descend dans la manifestation afin de soutenir son évolution. L’être psychique (ou individualité d’âme), Psyché, est formé par l’âme au cours de son évolution. Il soutient le mental, le vital et le corps, croît par leurs expériences, porte la nature de vie en vie. Il est d’abord voilé par le mental, le vital et le corps, mais au cours de sa croissance, il devient capable de venir en avant et de dominer ces plans de l’être ».
Ceci semble en accord avec les termes employés par Homère pour désigner les différentes parties de l’être. En particulier, Psyché désigne ce qui transmigre de vie en vie, une « âme » plus ou moins consciente selon l’évolution de chacun. Ce terme désigne aussi les « ombres » parvenues au royaume d’Hadès, c’est-à-dire les expériences ou processus évolutifs achevés qui, en tant que mémoires, s’intègrent à l’être psychique dans le royaume de l’inconscient matériel.

*Mots clefs : – action de la conscience supérieure dans un état de réceptivité, d’ouverture.
– fécondation.
– illumination (réceptive), inspiration, révélation.

Nu

Formes ioniennes :
Formes classiques : Ν ν

Bien que dans leurs formes définitives, les lettres lambda Λ, nu Ν et mu Μ soient assez différentes, elle se présentent dans leur tracé primitif ( , , et ) comme un développement : l’entrée d’une âme dans la manifestation depuis les hauteurs de l’esprit avec le lambda () se poursuit par le retour de cette âme vers son origine avec le nu (), puis le processus se renouvelle avec le mû ().
Le nu est donc un principe d’évolution par une « descente » dans l’incarnation et une « remontée » vers l’origine. C’est ce que les traditions ésotériques appellent « chemin de l’aller » vers la matière et « chemin de retour » vers la lumière. Ainsi, de nombreuses épopées dans la mythologie grecque sont appelées des « retours ». Lorsqu’Ulysse doit s’en retourner à Ithaque au prix de mille épreuves pour retrouver son épouse Pénélope, il ne s’agit de rien d’autre pour lui que de retrouver sa nature divine par la réalisation de la transparence totale dans son être.
Dans cette aventure de l’incarnation, l’âme, en endossant le vêtement temporaire de la personnalité vitale-mentale et du corps, participe à la formation de l’être psychique, lequel peut ensuite, lorsqu’il vient progressivement au premier plan, utiliser librement les plans inférieurs et réaliser toutes ses potentialités.
Le nu est sans doute l’une des rares lettres à avoir gardé sa signification profonde depuis l’alphabet protosinaïtique où il figurait un serpent, symbole de l’évolution dans toutes les traditions. Ce dernier est le tentateur dans la Genèse, c’est-à-dire celui qui ouvre la voie d’une nouvelle évolution. Et c’est la partie réceptrice de l’homme, le féminin en l’homme symbolisé par Ève, qui ressent la première cette nécessité d’évolution en présentant la pomme à l’homme après y avoir goûté elle-même.

Alors que le trait vertical représente l’échelle de la conscience, depuis le plan matériel le plus dense jusqu’aux plus hautes vibrations de l’esprit, le trait horizontal, lui, est le symbole de la nature. Le nu Ν est associé à cette évolution selon la nature – physique, vitale et mentale – et donc aussi à ses rythmes. À l’opposé, l’évolution selon le plan Suprême qui peut imposer sa loi à la nature car elle la transcende, est symbolisée par le rhô .
On comprend alors pourquoi Yahvé, furieux contre le serpent tentateur, lui imposa de marcher sur le ventre, au lieu de rester dressé : l’entrée dans le mental de discernement faisait passer l’humanité de l’évolution selon la loi divine (loi verticale puisqu’elle évoluait alors dans le vital non déformé par le mental) à l’évolution selon la loi de nature (loi horizontale soumise à un mental issu de l’ignorance).
Le nu est souvent utilisé dans la construction des noms de la mythologie grecque. Placé en fin de mot, il exprime l’évolution de ce qui précède. Ainsi Déion (Δ+Ι+Ν) est l’ « évolution de la conscience en vue de l’union ». Phoronée est celui « qui porte l’évolution » (Φορ porter et N). Le nom du troyen Énée, personnage repris par Virgile pour en faire le fondateur de la lignée qui devait gouverner Rome, n’est formé que d’une seule consonne, le nu : c’est donc un pur symbole de l’évolution. Homère, ayant condamné la lignée de Tros qui rejetait la matière pour accéder à l’esprit, ouvrit cependant la porte à l’évolution future : situant Énée dans la descendance d’Assarakos, frère de Tros, il invitait l’humanité à cheminer au-delà de l’union avec le Divin en l’esprit.

*Mots clefs : – évolution (selon la nature),
– évolution par le processus d’ascension/intégration.

Formes ioniennes :
Formes classiques : Μ μ

Dans le tracé primitif du mû , le mouvement d’aller-retour dans l’incarnation se produit une seconde fois. Le retour au monde de l’esprit, la mort, ne met pas fin aux pérégrinations de l’âme qui revient sur terre afin de continuer son travail d’évolution. Le mû serait donc, dans son tracé le plus ancien, le symbole d’un principe de recommencement, de réincarnation. Peut-être aussi de causalité selon la « loi karmique », laquelle n’est pas le principe de rétribution que les hommes imaginent, mais l’opportunité de dépasser l’obstacle.
En évoluant vers le tracé final (M), qui dessine une réceptivité (le V) qui s’exerce dans un cadre strict et équilibré, celui des deux piliers de l’Arbre des Séphiroth (les énergies de puissance concentrée et de réalisation), les anciens ont introduit une notion de soumission librement acceptée et d’obéissance, laquelle est la « virginité spirituelle » ou consécration.

Cette lettre, dans toutes les langues d’origine sémitique, exprime la réceptivité de la mère, l’ouverture, la soumission vraie.
On la rencontre dans de nombreux noms de la mythologie grecque : Minos, roi de Crête et grand législateur, Μ+Ν « l’évolution de la réceptivité » ; Maia, « la consécration de la conscience », etc.

*Mots clefs : – obéissance, réceptivité, virginité, « surrender » (don de soi), consécration.
– équilibre des pôles force-conscience/énergie exécutrice sur chaque plan (raison/intuition, etc.).
– (peut-être liée aux concepts de réincarnation, causalité, loi karmique).

Khi (Lettre double)

Forme ionienne :
Formes classiques : Χ χ

Le tracé grec du khi reprend celui du tav phénicien/araméen, dont le nom a été employé par les Grecs pour le tau (T). Ces permutations laissent supposer que les anciens ne souhaitaient pas conserver les anciennes valeurs symboliques, sans doute pour éviter tout risque d’erreur.
Lettre double, elle symbolise le centre, l’origine, la concentration, l’intégration, l’intériorisation et l’accomplissement, mais aussi la suppression, l’annulation, l’arrêt.
Selon Hésiode, « Aux tous premiers temps, naquit Chaos… ». Ce terme « chaos ΧΑΟΣ », l’abîme béant, dont le khi « X » est l’élément premier (il semblerait que le suffixe OS, présent dans presque tous les noms des premières générations des dieux, signale une évolution selon la Nature), est le symbole de la Force-Conscience concentrée en elle-même.
On trouve aussi le khi dans le nom du passeur des âmes dans le royaume d’Hadès, Charon (Χαρων) : il est celui qui accompagne le mouvement en vérité (Ρ) de l’âme dans son voyage de retour vers le centre (Χ).
Le Khi au sens d’accomplissement est celui qui figure dans le nom d’Achille (Χ+ΛΛ), le héros qui accomplit la totale libération sur les plans du mental et du vital.

La lettre prend sa signification opposée dans le nom de la vipère Échidna, la mère des quatre grands monstres (l’Hydre de Lerne, Cerbère, le chien Orthros et la Chimère) et y exprime « l’arrêt du mouvement de progression dans l’unité » (X+ΔΝ).

*Mots clefs : – centre, origine, concentration, intégration, intériorisation et accomplissement.
– suppression, vide, annulation, arrêt.

Sigma

Formes ioniennes :
Formes classiques : Σ σ ς

Le graphisme évoque l’éclair, symbole de l’intuition foudroyante, qui fut réservé par la suite à Zeus, et donc au zêta. La forme ionienne archaïque puis la forme finale Σ se sont éloignées de cette image pour induire finalement l’idée d’une énergie déviée de son cheminement le plus direct.
On a vu aussi, lors de l’étude du iota, que le trait vertical brisé pouvait indiquer une descente de la force-conscience supérieure se déformant en traversant les couches plus denses.

Si l’on considère l’homme d’abord comme un être mental, le sigma serait alors le représentant de la conscience « mentale » sous ses deux aspects, raison et intuition. Tant que l’intuition n’est pas parfaitement purifiée, elle subit une déformation avant de parvenir à la conscience, d’où la ligne brisée.
Tantale, symbole de « l’aspiration la plus haute », le héros qui endure un si célèbre châtiment dans l’Hadès, régnait sur les terres situées autour du mont Sipulos (Σ+πυλος, la porte du Sigma), image du plus haut niveau mental précédant celui des dieux. Il était réputé pour ses richesses, celles obtenues par un mental vaste et puissant.
De même, le nom Ulysse (Odysseus Δ+ΣΣ) évoque l’union des deux courants qui unissent l’esprit et la matière au plus haut du mental.

Les tracés de la lettre sous sa forme cursive expriment un principe d’intériorisation/extériorisation, ou d’alternance, tantôt de l’extérieur vers l’intérieur, tantôt de l’intérieur vers l’extérieur. Ces deux mouvements, retour sur le moi et ouverture au non-moi, sont à la base du fonctionnement de la conscience humaine.
En effet le sigma minuscule s’écrit de deux façons différentes. Lorsqu’il est à l’intérieur d’un mot, il s’écrit « σ », évoquant un enroulement, un rassemblement de l’énergie. Situé en fin de mot, il s’écrit « ς » : tourné vers l’extérieur, le sigma s’ouvre pour l’action.

*Mot clefs : – conscience (ou énergie) mentale (partielle ou déformée).
– l’une des alternances du mental.

Omicron

Forme ionienne :
Formes classiques : Ο ο

Les dernières lettres que nous allons étudier sont construites à partir du cercle. Celui-ci exprime une totalité : soit celle de l’être humain, le microcosme, soit celle du cosmos, le macrocosme.
Le tracé de l’omicron est identique au tracé phénicien.
Comme voyelle qualifiante, cette lettre indique que le contexte fait référence à l’humanité en général, dans son évolution actuelle.

*Mots clefs : – totalité.
– l’homme dans la totalité de sa personnalité.

Thêta

Formes ioniennes :
Formes classiques : Θ θ

Le tracé du thêta fut dès l’origine composé d’un cercle et d’une indication de son centre par une croix ou un point. L’attention est attirée sur « ce qui advient » dans le cercle .
Le thêta indique donc ce qui est ou croît au centre de l’homme : le Divin intérieur, ou encore « l’être psychique » qui grandit autour de l’âme ou étincelle divine qui, elle, n’est pas évolutive.
La meilleure illustration de cette lettre nous est donnée par le nom de la déesse Athéna. Avec les deux lettres structurantes Θ+Ν, elle symbolise la puissance qui veille sur « l’évolution de ce qui est au centre de l’homme, sur la croissance de son être psychique ». En d’autres mots, elle représente le « maître intérieur ».

*Mots clefs : – l’être intérieur, la Réalité intérieure, l’être psychique (en croissance).
– plus généralement, ce qui est à l’intérieur, au centre.

Phi

Formes ioniennes :
Formes classiques : Φ φ

Le phi a emprunté son tracé au qof phénicien, lettre qui n’a pas été utilisée par les Grecs.
Le graphisme résulte de la combinaison du Ο et du Ι, du trait vertical de la force-conscience qui pénètre (ou traverse) la matière, sans la déformation ni l’atténuation introduite dans le xi (), générant par là même un rayonnement.
Mais, compte tenu des mots formés à partir du phi, il semblerait qu’il faille davantage se baser sur la forme archaïque, où le trait vertical se situe totalement à l’intérieur du cercle. Apparaît alors davantage la notion de la maturité de l’être psychique dont le germe provient du thêta. D’où un « rayonnement » depuis l’intérieur, distinguant cette lettre du psi qui symbolise davantage un état d’ouverture, de réceptivité et de pénétration de la force-conscience.
D’où les racines Φα, Φη, Φω, etc signifiant « briller » et Φυ « naître, croître.
On retrouve cette lettre dans les noms de personnages qui « rayonnent » : Phaéton, Phèdre, Pasiphaé…
Dans sa valeur négative, le phi a le sens d’obscurité

*Mots clefs : – pénétration directe de la force conscience.
– rayonnement.
– obscurité

Oméga

Forme ionienne :
Formes classiques : Ω ω

De même que l’Ionie fut le lieu de la transformation de nombreuses lettres phéniciennes, il semblerait qu’elle fut aussi à l’origine de la création de l’oméga.
Le tracé de cette lettre est dérivé de celui de l’omicron (O) par une ouverture située à la base, laquelle traduit une ouverture de la conscience vers l’incarnation. Elle implique alors en général dans les mots où elle figure un saut évolutif plus ou moins important.
En effet, les initiés exprimèrent par son tracé une « brèche », non pas vers le haut, le monde de l’esprit – ouverture réalisée depuis longtemps dans l’humanité par toutes sortes d’expériences spirituelles -, mais vers le bas, dans le corps, dans la matière.
A l’extrême, oméga Ω peut exprimer une possibilité de dépasser des obstacles sur la voie évolutive jusque-là réputés infranchissables, afin de contacter l’Absolu caché dans la matière et de réaliser l’Homme. Cette réorientation est au cœur même du mythe de la guerre de Troie et du périple d’Ulysse.
Toutefois, cette ouverture ne repose pas uniquement sur l’évolution mentale, mais illustre un long cheminement dont nous allons décrire les étapes au fur et à mesure, comme les Grecs les avaient perçues.

L’alpha et l’oméga sont connus comme les symboles du commencement et de la fin. Or, de même qu’alpha n’est pas, dans cette étude, le signe d’un commencement absolu, mais seulement celui d’un homme à mi-parcours de son évolution vers l’individualité, de même oméga ne représente pas une fin absolue mais le début d’une autre phase évolutive dans l’humanité, l’entrée dans un au-delà du mental.

*Mots clefs : – ouverture de la conscience vers (ou dans) la matière, dans l’incarnation.
– transformation ou transmutation.

Digamma, San et Koppa : les lettres abandonnées.

Certaines lettres furent progressivement abandonnées. Soit parce que leurs contenus symboliques ou leur utilisation pour le langage n’étaient plus nécessaires, soit parce que leur graphisme pouvait être confondu avec celui d’autres lettres, ce qui parait évident pour le san dont la forme fut utilisée pour le mû, et probable pour le koppa qui risquait d’être confondu avec le phi.
Le digamma s’est maintenu un peu plus longtemps, car on le retrouve dans les premiers manuscrits des textes homériques.

Les racines

Les racines, combinaisons de lettres, jouent un rôle important, non seulement dans la constitution des mots du langage courant, mais aussi dans la formation des noms propres de la mythologie. Toutefois, le problème de leur élaboration est relativement complexe et déborde largement du cadre de cette étude. Nous n’en traiterons que les aspects directement liés à notre sujet.

Les lettres-symboles de l’alphabet sont des symboles archétypaux, et comme tels, peuvent être combinés par deux pour exprimer n’importe quel concept ou idée, formant une strate plus élaborée de « signifiants ». A leur tour, ces groupes peuvent être nuancés par une troisième lettre, séparée ou non du premier groupe par une voyelle, afin de former des familles de noms issus d’une même idée.
Ces combinaisons de lettres peuvent encore s’enrichir de toutes les modulations possibles résultant de l’ajout de suffixes, de préfixes, ou de noms communs.
On peut aussi considérer, pour ces groupements, la variation du sens avec la permutation des lettres.

Le sens d’un groupe-racine devrait se déduire logiquement de la combinaison des sens donnés ci-dessus à chaque lettre. Il devait être en effet exempt de toute ambigüité et reconnu par tous, en ce qui concerne du moins les groupes-racines utilisés dans les noms propres de la mythologie.
Notons que si l’exacte compréhension des lettres-symboles peut nous donner une explication des racines, inversement les racines et leur sens commun peuvent nous conduire à une juste approche des lettres-symboles.

Ci-dessous quelques exemples de formation de racines. Le sens issu de la combinaison des significations données ci-dessus aux lettres est mis en rapport avec le sens le plus commun donné dans les dictionnaires :
ΑΓ « l’impulsion (Γ) sur le plan vital-mental (Α) » a donné « conduire, diriger ».
Γ, l’impulsion, a donné « naître »
ΑΘ a donné « pousser, croître », et ΑΙΘ « la conscience qui grandit à l’intérieur », a donné « brûler » (en rapport avec le feu intérieur).
ΚΡ, un juste mouvement d’ouverture de la conscience (de différenciation), a donné ΚΡΙ « trier, séparer », et aussi ΚΡΥ « être froid » (ce qui sépare va vers le froid tandis que ce qui rassemble apporte la chaleur).
ΣΚ « une ouverture mentale (imparfaite) » a donné ΣΚΙΑ, « l’ombre » et aussi ΣΚΥΛ, « déchirer », racine à partir de laquelle est formé le nom du monstre Scylla.
ΣΤ, « la conscience mentale (Σ) tournée vers le haut (Τ) », a donné la racine « se tenir debout », qui se décline en rectitude, intégrité, sincérité et pureté comme dans Nestor, Astyanax, Castor, Jocaste et Oreste.

LE DECRYPTAGE DES NOMS PROPRES

L’étude des noms propres ayant toujours semblé relever davantage de l’histoire que de la linguistique, les spécialistes ne s’y sont jamais attardés, sauf à signaler, à l’occasion, l’origine évidente de certains mots. Aucun document, à notre connaissance, n’est donc disponible sur ce sujet.
Toutefois, la composition des noms propres semble suivre les mêmes règles – formulées par la linguistique depuis le début du vingtième siècle – que celles des autres mots courants du grec ancien. Seuls quelques éléments essentiels peuvent être repris ici.
L’idée générale est que les noms sont formés à partir de racines ou radicaux, aussi appelés « thèmes », auxquels sont adjoints des suffixes et des parties finales et variables, appelées « désinences ».
Dans la majorité des cas, les racines sont monosyllabiques. Elles expriment des idées abstraites et n’ont par elles-mêmes ni valeur verbale, nominale ou autre. Elles ne revêtent non plus ni sens actif, ni sens passif : c’est le contexte du mot, avec ses désinences, qui apporte la nuance.
Les thèmes nominaux ne sont pas déclinés quand ils interviennent dans la première partie des mots composés.
Dans les noms, le radical doit être recherché dans la forme du génitif singulier.
Les termes issus de verbes devront être recherchés à partir des racines provenant de l’aoriste (aoriste second en principe)
Pour les noms composés :
Le premier terme est le plus souvent à l’état de racine ou de radical, agissant comme qualificatif du deuxième terme. Autrement dit, le déterminant précède le déterminé.
Si l’un des termes du nom composé est formé à partir d’un nom, il sera toujours issu de la forme au génitif s’il est placé en premier. Placé en second, il peut être issu de la forme nominative (par exemple, le mot « pied » dans Œdipe « Οιδι-πους ».
Certains mots composés sont formés à partir du redoublement de la consonne principale du deuxième mot.
Des voyelles de liaison, et parfois des consonnes (sigma et très rarement tau ou thêta) sont insérées entre deux racines ou entre les radicaux et les suffixes.

Toutefois, la composition des noms propres de la mythologie est rendue plus complexe encore par l’ajout de quelques procédés particuliers :
par exemple, la formation de mots composés est obtenue non seulement à partir de mots, racines et radicaux comme pour les noms communs, mais aussi à partir des lettres symboles (ou lettres structurantes). Celles-ci peuvent composer un mot, seules ou combinées, ou bien être ajoutées à un nom commun, séparées de lui ou non par des voyelles, ou insérées dans ceux-ci.
Cette pratique permet de nuancer ou modifier le sens symbolique d’un mot sans évoquer en clair le concept sous-jacent tel que nous l’avons explicité dans la signification des lettres.
l’emploi du « rébus » ou de la « devinette » de manière quasi systématique.

Dans l’absolu, on devrait toujours retrouver le même sens, que l’on utilise pour le déchiffrement les racines, les mots inclus ou les lettres structurantes. Mais certains noms, dont la composition reste pour nous mystérieuse, peuvent donner lieu à différentes interprétations. C’est alors le contexte qui permet de se rapprocher du sens le plus exact.

Compte tenu de ce qui précède, les méthodes les plus courantes utilisées par les initiés pour composer les noms propres furent relativement simples :
Soit, le plus souvent, la simple combinaison des mots du langage courant. Le sens du nom est alors obtenu à partir de la combinaison des contenus symboliques de chaque mot. Si le sens général du texte est connu, l’interprétation est rarement ambigüe. Ou si elle l’est, c’est volontaire.
Soit l’utilisation des lettres-symboles et des groupes-racines. Nombre de mots sont aussi formés sur le principe x+Px, d’un mouvement et de son inverse indiqué par la lettre rho (ex : Gorgo)
Soit un mélange des deux premières méthodes.
Soit enfin, beaucoup plus rarement, et sans doute par jeu, l’inclusion de lettres-symboles à l’intérieur de noms courants. Ainsi, le mot Orthros fut construit avec Orthos « droit ». L’inclusion du P, pris dans son second sens (le rho est une lettre double), introduit une inversion de sens, Orthros exprimant alors « le mensonge ».

Certaines particularités de la langue peuvent parfois compliquer le décryptage, comme par exemple l’allongement des voyelles.
Notons aussi que le redoublement d’une lettre structurante peut indiquer un renforcement de ce qui est signifié par cette consonne, mais parfois aussi une réalisation sur plusieurs plans.

Exemples de différentes méthodes de codage :
noms formés à partir d’une image simple comme base du rébus.
Lyncée, (ΛΥΓΚΕΥΣ), compagnon de Jason réputé pour sa vue perçante. Ce nom est en fait dérivé du nom du lynx (ΛΥΞ/ΛΥΓΚΟΣ), animal connu pour l’acuité de sa vision. Pour nous, il s’agira de celui qui sait très finement « distinguer » les choses, et donc d’une forme de « discernement ».
Ou encore Oineus (ou Œnée) « le vigneron » et donc symbole de celui qui recherche « l’ivresse divine »

noms composés de plusieurs images (ou d’une image et d’un qualificatif : adverbe, adjectif, etc.).
Gorgophoné (γοργο+φον): tueur de la Gorgone ; Europe : Euru « vaste », et ops « vision » ; Promachus (Ρρομαχος), « celui qui combat devant ».

noms formés à partir d’un mot (nom, verbe, adverbe ou adjectif) et d’une ou plusieurs lettres-symboles.
Phoronée : racine Φορ (Phor = porter) + N : « celui qui porte l’évolution ». Ou Calydon : racine καλ (appeler)+ Δ (union) : « celui qui appelle l’union ».

noms formés uniquement d’une ou plusieurs lettres-symboles.
Éole (Αιολος) formé avec Ι+Λ, et donc « l’individuation de la conscience ». Niobé, Ν+Β, « l’évolution de l’incarnation ». Nérée, Ν+Ρ, « l’évolution selon le mouvement juste (le plan de l’Absolu) ».

Notons qu’il peut y avoir une nuance de sens entre les lettres-symboles groupées ou ces mêmes lettres séparées par des voyelles. Il semblerait que si deux consonnes sont séparées par une voyelle, leurs significations soient à considérer successivement, tandis que si elles sont accolées, ce soit le sens de la racine correspondante qui prime.

Indications générales pour le décryptage.

Pour procéder au décryptage du nom d’un personnage, de celui d’un lieu ou d’un fleuve, ou tout autre nom propre, on devra respecter certaines étapes.
Considérer le nom dans sa forme la plus ancienne, en alphabet ionien si elle existe. Rappelons que la transcription la plus exacte en alphabet romain est en général la forme anglaise, car dans les noms français issus du latin, les diphtongues ont été modifiées et certaines consonnes changées, comme par exemple le K en C. (ex : Éaque est en fait AIAKOS).

Analyser la façon dont le nom est composé. La plupart du temps, c’est une combinaison de mots du vocabulaire courant : des noms (quelquefois mais rarement déformés par l’insertion d’une lettre, comme le rho dans les mots Orthros et Lyrkos), des prépositions, des verbes, des adjectifs, des adverbes, etc.
Attention à certains faux amis : par exemple, Lykos n’est pas le loup, mais « la lumière qui point juste avant l’aube », et le mot « anti » ne signifie pas toujours « contre » mais parfois « qui soutient ».

Conserver très exactement l’orthographe utilisée par les anciens : en effet, la signification des lettres-symboles n’est pas interchangeable.
Vérifier si certaines voyelles ont été utilisées comme consonnes. En ce cas, cette voyelle est soit entourée de deux autres voyelles (ex : Laïos), soit jointe à une seule autre voyelle (Io (ΙΩ), ou Hyas (Υας), le frère des Pléiades), ou Rhéa (ΡΗΑ) mot dans lequel il faut considérer le groupement de consonnes ΡΗ et non seulement le rho Ρ qui est la lettre structurante du nom Héra.
Lorsque qu’un mot comporte une diphtongue, cela implique parfois que l’une des voyelles est utilisée comme consonne.
Vérifier tous les sens donnés au mot, selon le contexte.

Lorsque toutes les possibilités données par les mots du langage courant ont été envisagées sans succès, avec les règles classiques de formation des mots, chercher le sens avec le symbolisme des racines et des radicaux ainsi que celui des consonnes seules. (Rappelons que les voyelles ne sont utilisées que comme déterminatifs : plans de conscience, niveaux d’être, etc.).
Rechercher si dans certains groupes de consonnes, les sens négatifs des lettres-symboles ont pu être utilisés, par exemple celui de l’ « inversion » pour le rho.
Utiliser les voyelles pour affiner la compréhension (en particulier le plan concerné).
Par exemple, les mots Héra (ΗΡΑ ou ΗΡΗ, femme de Zeus), Rhéa (ΡΗΑ ou ΡΕΙΑ chez Hésiode, femme de Cronos), Éros et Éris sont tous construits autour de la consonne rho. On a vu déjà que pour Rhéa, il fallait considérer le groupement ΡΗ. Pour Éros et Éris, c’est le double sens du rho qui les distingue : le rho comme attirance (Éros, l’attirance, et sous sa forme inférieure le désir) et le rho comme répulsion (Éris, la discorde).
Cependant, les voyelles qui accompagnent les consonnes structurantes n’ont le plus souvent qu’un poids mineur dans le décryptage des mots.
Rapprocher avec les autres noms qui lui sont associés dans les arbres généalogiques (parents, frères et sœurs, enfants), car ils expriment souvent soit un ensemble plus large (les parents) soit des opposés ou des complémentaires (frères et sœurs), soit des réalisations à venir qui lui sont liées.
Vérifier que les significations dégagées à partir des lettres-symboles sont proches de la signification des noms inclus dans ce mot.
Enfin, vérifier la cohérence entre l’interprétation obtenue par cette analyse des noms propres et d’une part, le contexte du mythe, d’autre part, le sens donné par les autres clefs de cryptage.

Voici quelques exemples :

Les fêtes Panathénées, célébrées à Athènes chaque année en l’honneur de la déesse Athéna (ΠΑΝΑΘΗΝΑΙΑ), sont les fêtes qui honorent ceux qui consacrent « tout (pan) à l’évolution (Ν) de ce qui croît à l’intérieur (Θ) ». (Si l’on voulait ajouter les précisions données par les voyelles, le premier alpha (A) du nom Athéna préciserait qu’il s’agit d’une force agissant sur le plan mental et l’êta (Η) que cette force est du domaine de l’homme futur.)
Hypérion (ΥΠΕΡΙΩΝ) représente « la force de création (car c’est un Titan) qui se tient au sommet (ΥΠΕΡ) de la conscience (I) ». L’utilisation du Ω indique une ouverture vers un autre plan, car Hypérion se tient sur le plus haut niveau du monde de création, nommé dans ce livre « supramental », qui fait la transition vers le monde de la Suprême Réalité. Cette dénomination « supramental » a été donnée par Sri Aurobindo aux plans qui s’étendent au-delà du mental (qui pour lui comme pour les anciens Grecs compte sept niveaux : mental physique, mental vital, mental de raison ou intellect, mental supérieur, mental illuminé, mental de discernement intuitif, et surmental). Ce terme peut être rapproché du nom du Titan Hypérion « la conscience tout en haut », symbole de ce même plan.
Danaos (ΔΑΝΑΟΣ) indique une évolution (Ν) vers l’union (Δ).
Hippodamie (ΙΠΠΟΔΑΜΕΙΑ) est le symbole du chercheur « qui a maîtrisé (racine ΔΑΜ) son énergie vitale (ΙΠΠΟ, le cheval, symbole de la force et plus particulièrement de la force vitale) », c’est-à-dire qui a mis cette énergie au service de son être psychique.
Érèbe (ΕΡΕΒΟΣ) et Nuit (ΝΥΞ), enfants du Chaos primordial, évoquent respectivement un mouvement de « densification (Β) du jeu divin (Ρ) » et « (Ν) la descente progressive de l’esprit à travers les plans de conscience (Ξ) »
Philonoé (ΦΙΛΟΝΟΗ) est celle qui « aime (philo) l’évolution (N) ».
Inachos (ΙΝΑΧΟΣ) représente « l’évolution (N) de la concentration (X) »
Déméter (ΔΗΜΗΤΗΡ) est « la mère (ΜΗΤΗΡ) de l’union (Δ) ».

L’orthographe des noms propres.

Il ne semble pas y avoir en français d’orthographe définitivement établie pour les noms propres de la mythologie. Hormis pour les noms consacrés par l’usage, nous avons donc retenu celle qui nous semblait la plus appropriée pour chaque nom, y compris les écritures anglaise ou phonétique, afin de faire ressortir au mieux sa formation.
Un lexique des noms propres figure en annexe. Mentionnons également le livre de Carlos Parada Genealogical guide to greek mythology qui est un outil indispensable pour éviter de confondre les héros homonymes ou éponymes (ceux qui portent le nom d’un lieu), qui véhiculent un sens équivalent, souvent à des degrés divers, mais appartiennent à des filiations variées, et donc interviennent dans des mythes différents.

LES SYMBOLES ELEMENTAIRES – deuxième catégorie

La deuxième catégorie de symboles utilisée est liée aux images. C’est à la fois la clef la plus commune, mais aussi celle qui risque d’induire le plus en erreur. En effet, le symbolisme de l’époque archaïque grecque n’est pas toujours celui des dictionnaires modernes. Ainsi, la vache est l’image d’une illumination intérieure, d’une perception directe de vérités, et non celle de l’abondance ou de la prospérité.
La fonction d’un élément de la vie courante peut aussi fournir un éclairage complémentaire. La robe (ou l’habit), par exemple, définit une fonction.
Certaines images sont employées dans différents contextes où elles apportent des nuances différentes. Par exemple, le chien, symbole de l’intuition subtile et de la vigilance quand Zeus en fait cadeau à Europe, est aussi le « gardien du seuil » lorsqu’il s’agit de Cerbère veillant à l’entrée du monde souterrain.
Notons aussi que fleuves et rivières tiennent une place spéciale, car ils représentent des courants de conscience-énergie.

De manière générale, tous les éléments de la vie courante sont utilisés comme symboles :
montagnes, grottes, mers, rivières, lacs…
arbres, fruits, fleurs, céréales…
animaux, réels ou imaginaires (de terre, d’air ou d’eau).
bateaux et leurs éléments principaux (mât, voiles…)
villes, provinces, pays…
couleurs, matières, directions…
éléments (air, vent, foudre, feu, eau, terre, etc.)
parties du corps humain (jambes, dents, joues, cheveux, peau…)
vêtements, armes, bijoux.
polarités masculine et féminine,
âges de la vie et grandes étapes (naissance, mariage, mort).
positions sociales (roi, chef de guerre, intendant, berger…).
etc.

Ci-dessous la signification de quelques symboles parmi les plus courants :
les quatre éléments :
terre : la matière, le corps.
eau : d’une manière générale, le plan vital, et plus particulièrement les sentiments, émotions, désirs. La mer est aussi le plan du subconscient où s’engage le chercheur.
(Notons que les anciens distinguaient plusieurs « mers » : Pontos, le flot marin, symbole de la Vie ; Thalassa, la mer, et Pelagos, la pleine mer, figurant des niveaux différents du subconscient. Océanos, symbole des courants de conscience-énergie qui parcourent aussi bien l’univers que le corps, n’a été considéré comme « l’océan » que dans les écrits tardifs sans rapport avec la mythologie.)
Signalons également que le don de métamorphose qui est le propre d’un grand nombre de divinités marines, est en rapport avec la souplesse et l’adaptabilité des énergies et formes vitales primitives. C’est une partie du subconscient qui est extrêmement plastique avec une capacité d’adaptation instantanée (cf. Protée dans l’Odyssée).
air : le mental au sens large, le plus souvent suggéré par des ailes ou des oiseaux (les vents sont réservés à des pouvoirs divins), comme dans le deuxième travail d’Héraclès, les Oiseaux du lac Stymphale.
L’air doit être distingué du ciel, symbole de l’esprit ou de la conscience. Dans la répartition du monde entre les trois dieux – Zeus, Poséidon et Hadès – la part attribuée à Zeus fut « le vaste ouranos, en plein éther, en plein nuages » selon l’Iliade, le ciel en tant que supraconscient situé au-delà du mental conscient. La terre – le conscient – et le haut Olympe, lieu du mental le plus haut (le surmental), restèrent leur domaine commun.
feu : symbole de purification, aussi utilisé pour le feu intérieur.

les éléments de la nature :
Ils ont le plus souvent une signification unique et simple. La pomme, par exemple, représente la « connaissance », le frêne le « vital consacré », le laurier (plante d’Apollon) la « victoire » et l’ « immortalité » (après la réalisation de l’union consciente avec l’ « âme » ou « être psychique ») », et l’olivier, consacré à la déesse Athéna, est symbole de « sagesse » et de « pureté » (chaque chose à sa place).

la force vitale :
Elle est représentée par différents animaux selon la caractéristique considérée :
le sanglier : la nature brute vitale, les bas instincts, les automatismes primaires.
le cheval (ou jument) : la force vitale (disciplinée et maîtrisée ou non), et donc siège du pouvoir dans le vital. Lorsqu’ils sont « immortels », le chercheur a atteint l’état de non-dualité dans le vital, la « libération » de la nature (chevaux d’Achille).
les chevaux ailés : le pouvoir du vital à son plus haut niveau, en accord avec l’esprit (Pégase et les chevaux d’Hélios).

les autres animaux comme :
la vache : au temps des rishis védiques, la vache, le taureau et le cheval étaient des symboles fondamentaux. Les Grecs les ont conservés. La vache est le symbole du pouvoir illuminateur de l’âme et de l’être psychique. Un troupeau de vaches traduit de « nombreux éclairs d’illuminations ».
le taureau : c’est l’aspect « pouvoir » de la lumière (la vache), et donc « le pouvoir du mental lumineux », qui est puissance de réalisation. Il appartient par essence au surmental. C’est la raison pour laquelle Indra, roi des dieux, équivalent de Zeus, est aussi qualifié de « Taureau ».
le lion : l’ego, et par extension l’insensibilité, l’orgueil, l’arrogance.
la biche : l’intuition purifiée, l’harmonie, l’équilibre. Et aussi la persévérance, la sensibilité, la rapidité. C’est un animal consacré à Artémis.
le chien : l’intuition subtile (flair), la vigilance (gardien), la protection. Dans les Védas, le chien céleste au flair subtil Sarama guide Agni (la quête du feu intérieur) et le met sur la piste des « troupeaux volés » qui « brillent », de la lumière et du pouvoir de Vérité.
le serpent (ou dragon) : l’évolution, dans la bonne ou la mauvaise direction selon le type de serpent. La vipère Echidna, mère de nombreux monstres, est le symbole de « l’arrêt de l’évolution dans l’union ».
le phoque : il vit à la fois dans l’eau et sur terre. Il représente donc ce qui est « entre », « à la frontière de » ou celui qui « émerge de ». C’est un symbole de transition, le plus souvent entre le vital (l’eau) et le mental (l’air).
les oiseaux : le mental, et parmi ceux-ci :
l’aigle : celui qui vole le plus haut et donc le mental le plus élevé, c’est-à-dire le surmental. Il est « l’oiseau de Zeus ».
la colombe, signe de paix et de pureté.
le cygne : par sa blancheur éclatante, symbole de lumière (lié à Apollon), de l’être psychique, et par son cou en S, signe d’évolution verticale, selon le plan divin. Dans les Védas, le cygne préside à la construction de l’être psychique.

les armes : l’arc exprime une volonté tendue vers le but. Le javelot, une projection de la volonté.

les parties du corps humain :
les jambes : le lieu de la force
les genoux : l’humilité, le respect qui découle de la conscience de sa juste place (chez Homère, on touche les genoux en signe de grand respect.)
les pieds et les chevilles : le lien à la terre, symbole d’incarnation (le chemin spirituel se fait par l’incarnation ; toute blessure au pied ou à la cheville est donc signe d’un déséquilibre.) Mélampous, le devin « aux pieds noirs », est celui qui perçoit intuitivement par le seul mental.
les dents : les mémoires archaïques
les joues : la santé, la vitalité
les cheveux : « l’antenne » vers les mondes de l’esprit
la peau : la sensibilité

les polarités masculine et féminine :
Elles sont utilisées d’une manière assez complexe.
Au plus haut niveau, elles sont liées aux principes fondamentaux qui font du pôle masculin « la conscience-énergie concentrée et rayonnante » et du pôle féminin son « énergie exécutrice ».
Au second niveau, les couples de Titans et Titanides expriment une polarisation sans dualité.
Au troisième niveau, les unions stables de dieux et de déesses représentent la conjonction de forces opposées et complémentaires. Une certaine supériorité des dieux sur les déesses semble exister, une priorité étant ainsi donnée à l’expansion sur la limitation, au devenir sur la stabilisation (cela est flagrant dans le couple Zeus-Héra).

Lorsque l’on aborde le plan humain, le féminin est en général traditionnellement associé à la puissance d’incarnation, et se trouve donc dans un rapport privilégié avec la limitation, la nature (avec une plus grande proximité du vital et de la matière), le réceptif, le particulier (le détail), l’harmonie dans la matière, la quête de l’Absolu dans l’incarnation par le psychique. Le masculin, lui, est en rapport avec les forces qui tendent vers l’esprit, et donc avec l’expansion, le général, la conquête (les « grandes » choses), et est en affinité avec le mental et le vital.
Toutefois, certains des attributs des deux pôles sont susceptibles de s’inverser selon les plans. Par exemple, la force est du côté du féminin dans le mental et du masculin dans le physique. Cela sera précisé lors de l’exposé sur le Caducée figurant à la fin de l’étude.

Signalons également que la mythologie étant construite selon une logique patriarcale, les grands héros sont des hommes, tandis que les femmes représentent, dans les couples, le moyen de l’évolution, le lieu du travail, une réalisation ou un état que le héros doit accomplir (ou cherche à intégrer, par exemple lorsque les enfants tardent à venir), en vue d’un ou plusieurs nouveaux travaux de yoga ou réalisations nouvelles représentés par les enfants.
Cette logique patriarcale, qui faisait sans doute écho à l’organisation de la société aux temps homériques, ne relève en rien du machisme dans le cadre des mythes.
Une héroïne représente donc une potentialité qui se révèle lors de la naissance de cette héroïne et qui s’actualise lorsqu’elle s’unit à un homme. (Les déesses, elles, sont actives directement).
Le héros représente un travail de yoga dont le chercheur prend conscience et initie lors de la naissance de ce héros et qui trouve son point d’application – ou le but vers lequel il tend – lorsque le héros s’unit à une héroïne.

Toutefois, il est essentiel de se souvenir que les histoires concernant de nombreux héros, surtout en début de lignée, décrivent l’aboutissement d’une longue maturation et non un évènement temporaire qu’il s’agit de dépasser. Ainsi en est-il par exemple de Cadmos épousant Harmonie : l’état d’exactitude ou d’harmonie n’est atteint que par le travail de purification réalisé par sa descendance, en particulier lors des guerres de Thèbes. Il en est de même pour Persée dont la réalisation – la victoire sur la peur – ne peut être totale qu’à la fin des travaux d’Héraclès, lequel est son lointain descendant.

On remarquera aussi que de manière générale, seuls les dieux s’autorisent des liaisons avec des mortelles, alors qu’il est formellement déconseillé aux déesses de s’unir à des mortels, bien que l’interdiction ne soit pas formulée. Si elles existaient, ces unions seraient la marque soit d’un orgueil spirituel, soit d’un mauvais discernement. Il n’existe qu’une seule union de ce type célébrée par les dieux, celle de Thétis et Pelée. Toutefois, elle ne devait pas se poursuivre longtemps consciemment, car Thétis repartit bientôt vivre avec ses sœurs les Néréides. (Nous ne prenons pas en compte ici le mariage de Cadmos et d’Harmonie, car bien que celle-ci fût la fille de deux divinités, elle n’est pas considérée comme une déesse).
Ces unions des dieux avec des mortelles représentent des impulsions évolutives, une action ou une influence des plans supérieurs qui favorisent en conséquence une plus grande incarnation de l’esprit dans la matière tout autant que la croissance des dieux en l’homme, c’est-à-dire l’ascension des plans de conscience dans le mental (Io, Europe, Danaé, Sémélé, Léda…).
Dans la plupart des cas, lors de telles unions, il existe, en sus du père « divin », un « père humain » qui permet de reconnaître la lignée dans laquelle doit s’effectuer le travail.
Les unions entre les monstres constituent une catégorie à part que nous étudierons au cas par cas.

les évènements violents, la mort.
Les meurtres, les viols, la naissance et la mort des personnages ne doivent être considérés que d’un point de vue évolutif : ces évènements n’ont aucun sens dans une autre réalité. Un viol exprime la volonté d’accéder par la force à un état donné. Un meurtre indique seulement que certaines réalisations, utiles en leur temps, n’ont, momentanément ou définitivement, plus de raison d’être prolongées. Ainsi Médée donne la mort à ses enfants simplement parce que le chercheur n’est pas capable de conserver les fruits d’une forte expérience à laquelle cette déesse magicienne a contribué.
Notons d’autre part que, selon le sens caché des mythes, la naissance et la mort ne sont que des changements d’état de conscience. Hadès régnant sur l’inconscient et donc sur le corps – un monde dont nous ne pouvons être conscients pour l’instant -, la mort des héros peut par exemple indiquer des réalisations achevées sur les plans du mental et du vital, et pour certaines, devant se poursuivre dans le corps.

les positions sociales :
Selon le contexte, les personnages représenteront le chercheur lui-même ou bien l’une ou l’autre des composantes de sa conscience ou de sa personnalité.
le roi : il est l’homme le plus élevé dans la hiérarchie sociale – le clergé ayant une place à part -, et donc le symbole de l’élément le plus avancé, en général dans une direction spécifique de la quête : Thésée, l’un des rois d’Athènes, dirige la recherche de l’union avec le Divin intérieur ; Éaque, roi des Myrmidons « roi des fourmis », est celui qui ne néglige aucun des détails de la vie et des mouvements de la conscience, aussi infimes soient-ils.
le prêtre : il est l’intermédiaire entre l’homme et les dieux, celui qui instaure les lois religieuses, établit les rituels, et transmet les prières et les demandes des fidèles. Son action, dans la conscience du chercheur, concerne les plus hauts plans du mental pour le prêtre de Zeus, l’être psychique pour celui d’Apollon ou d’Artémis, etc.
le devin : il reçoit une connaissance du futur qu’il transmet directement ou dans un langage symbolique imagé dont il donne quelquefois les clefs.
C’est essentiellement une capacité intuitive, mais à ses plus hauts sommets, elle peut s’apparenter à la « révélation » ou à « l’inspiration ».
C’est une part de l’être qui connaît la vérité à laquelle le conscient n’a pas d’accès direct, et qui la transmet sous une forme imagée. Le message doit donc être déchiffré.
Il y a différentes classes de devins selon le plan qui veut s’exprimer : ceux qui transmettent des messages depuis les sommets de l’esprit, d’autres depuis le « psychique » (âme individuelle), d’autres enfin depuis le corps.
Quelques noms de devins archétypiques : Tirésias, Calchas, Mélampous, Mopsos… Si le devin a une spécialité, elle renseigne sur le plan de l’oracle : par exemple, celui qui interprète « le vol des oiseaux » éclaire le mental du chercheur.
le chef de guerre : ce qui rassemble et concentre un certain type d’énergies ou d’éléments de conscience – qui sont indiqués par la nature des troupes – en vue d’un travail de yoga, et les dirige dans le combat intérieur.
les prétendants au mariage : éléments qui aspirent à travailler dans une direction donnée, mais qui peuvent aussi tirer le chercheur en arrière parce qu’ils n’ont plus leur place dans le yoga, tels par exemple les prétendants de Pénélope.

les éléments vestimentaires, ceinture, collier… :
la ceinture : maîtrise de la force vitale, et aussi de la peur (elle ceint les reins).
la robe : symbole de la fonction. Peut aussi indiquer les parties de l’être consacrées, par exemple pour la robe sacerdotale qui « couvre » ou « stimule » plusieurs centres d’énergie du corps, suivant la couleur ou les motifs utilisés.
le collier : maîtrise ou vérité de la parole (par analogie avec la ceinture, car c’est la maîtrise au niveau de la gorge). Peut aussi indiquer un rang, une fonction ou un attachement.
On pourra remarquer, en référence aux deux derniers symboles, que la tenue vestimentaire des magistrats est de nos jours la robe noire avec un jabot blanc : cela voudrait signifier que tous les centres d’énergie du bas sont « mis en veilleuse », tandis que la parole, au niveau du chakra de la gorge, est « éclairée » et donc pure et vraie.
couronne : maîtrise mentale, accès au monde de l’Esprit.

les voyages sur et sous la terre, sur et sous la mer, et dans les airs (Icare)
Le voyage est le symbole de l’évolution, et donc de la recherche spirituelle et de la transformation qui l’accompagne ; aussi pourrait-on donner au chercheur le nom de « voyageur ». L’élément, terre, eau ou air est le plan concerné par cette évolution :
sur terre : dans la réalité
sous terre : dans l’inconscient corporel
sur l’eau (frontière air/eau) : dans le monde mental-vital qui constitue la personnalité humaine ordinaire faite de pensées, sentiments, émotions…
sous l’eau : dans le monde vital profond (associé dans cette étude au subconscient profond) avec son cortège de passions, de désirs, d’instincts…  (le fond de la mer est la résidence des Néréides, filles du « vieillard de la mer »).
dans l’air : dans le mental

les combats, les péripéties : les étapes du chemin, ce qui doit être surmonté.

les crimes et leur purification : si les dieux acceptent de purifier le héros, le crime fait alors partie du chemin et indique soit la fin d’une étape – Héraclès fut purifié du meurtre de ses enfants – soit l’abandon temporaire de certains acquis.

les villes et les régions : appliquer le principe de codage par les lettres signifiantes aux noms des villes et des provinces implique qu’elles furent nommées ou renommées après la conception des mythes. Pour que cela soit plausible, il faut concevoir les villes de la Grèce ancienne comme des bourgades de taille modeste dont le nom pouvait être changé aisément (La population totale de la Grèce au temps d’Homère est estimée à sept cent mille habitants). Voici quelques exemples :
Athènes : Θ+Ν : l’évolution de la croissance intérieure ou du contact avec l’âme.
Thèbes : Θ+Β : l’incarnation de la croissance intérieure.
Argos « lumineux » : les chercheurs de vérité.
Élide : province de l’individuation ou « libération » (Λ): c’est bien sûr le plus haut accomplissement. C’est pourquoi la ville principale en est Olympie, la ville des vainqueurs.
Doride : province de l’irruption de dons ou de celui qui se donne totalement au Divin (doros)
Il est important de noter que l’évolution du chercheur progresse à travers une succession de provinces qui en symbolise les étapes : Béotie, Thessalie, Élide…

les nombres :
A la frontière de la catégorie des lettres-symboles et des images, sont les nombres, symboles à la fois les plus simples et les plus parfaits. Mais ce sont probablement les plus complexes à déchiffrer, car susceptibles de quantité d’interprétations. De plus, dans un même contexte, ils varient selon les auteurs. Ils sont aussi utilisés dans la structure des arbres généalogiques et très largement dans « le catalogue des vaisseaux », au début de l’Iliade.
L’Arbre de Vie (ou Arbre des Sephiroth) est construit autour d’eux. Des traités entiers ont été écrits à leur sujet, avec le plus souvent un symbolisme propre à chaque doctrine ou chaque auteur.

Les attributions suivantes, que nous avons rapprochées de celles données par Mère dans l’Agenda, semblent avoir été utilisées dans la mythologie.
1 et 3 en référence à l’Un, à l’Absolu
2 : objectivation, dualité
4 : manifestation, monde de la matière
5 : pouvoir, nombre du monde des formes (surtout vitales)
6 : nouvelle création
7 : réalisation (les étapes du mental, et aussi nombre du monde de création).
8 : rapport de l’Esprit (l’Absolu) à la Nature, du monde de création au monde créé
9 : génération, enfantement, seconde naissance, ou naissance divine
10, 100 et 1000 : totalité d’expression (lorsqu’un nombre est multiplié par dix, cent ou mille, il exprime la totalité ou l’achèvement de la phase correspondante, sur un plan, ou plusieurs plans. Le nombre 50, par exemple, exprime la totalité d’une expression vitale ou mentale.)
11 : progrès
12 : création dans son essence, perfection dans l’exécution (le plus souvent exprimé comme 6×2, les forces de création sous deux aspects complémentaires, masculin et féminin)

LA STRUCTURE DES ARBRES GENEALOGIQUES – troisième catégorie

La troisième clef majeure pour le décryptage des mythes grecs est constituée par la structure des arbres généalogiques. Ces arbres dessinent les différentes approches spirituelles, la progression à l’intérieur de chacune d’entre elles, les plans de conscience, les forces qui accompagnent le chercheur et les évolutions dans les différents plans.
Les généalogies illustrent non seulement le nouveau qui se déploie mais aussi ce qui accomplit ce qui a été annoncé dans le symbolisme des noms des ancêtres.
Leur construction, leur symbolisme général et leurs interactions seront étudiés dans le quatrième chapitre « Le monde des Titans ». Nous ne traiterons ici que de la façon d’aborder un personnage quelconque en fonction de son environnement immédiat.

La presque totalité des personnages peut figurer sur un arbre unique, dont les branches principales sont issues des couples de Titans.
Chacune des branches secondaires peut :
soit expliciter les caractéristiques ou les développements du couple racine, donnant lieu éventuellement à de nouvelles branches secondaires.
soit proposer un certain nombre d’options du chemin à un moment donné.
soit décrire une phase de la progression spirituelle.
soit illustrer une succession d’éléments historiques, supposés réels ou purement conceptuels.
soit donner une description des courants de conscience ou des forces à l’œuvre.

Il n’y a cependant aucune référence au temps individuel, car le rythme de progression dans le domaine spirituel est propre à chacun. Une même étape peut être franchie en quelques années par l’un et en plusieurs vies par un autre. Le temps relatif est donc marqué soit par la succession des générations (une « génération » ne devant en aucune façon être associée à un nombre d’années) soit par un nombre symbolique d’années (10 en général), les deux signant l’accomplissement d’une étape.
Les générations prennent en général pour point de départ la guerre de Troie. Comme cette guerre – associée aux « retours » des héros parmi lesquels celui d’Ulysse conté dans l’Odyssée – était considérée comme l’accomplissement ultime au temps des Grecs, les générations sont comptées à rebours : les poètes précisent que tel évènement eut lieu tant de générations avant la guerre de Troie.

Pour étudier un personnage, il faut donc commencer par repérer la branche généalogique dans laquelle il se situe, sachant que les filiations ou ascendances multiples sont complémentaires, jamais contradictoires et s’enrichissent l’une l’autre.
Lorsque le personnage est bien repéré, on peut alors l’étudier comme un membre d’une famille ordinaire, à savoir : ses ascendants, ses frères et sœurs, ses enfants (naturels ou légitimes, parfois abandonnés ou plutôt « exposés »), ses unions (légales ou non) et ses séparations, ses relations privilégiées, son enfance, ses rapports avec les autres grandes familles, ses particularités physiques et celles de sa personnalité, ses lieux de résidence, ses attributs personnels, son métier, etc., et d’une manière générale tout ce que l’on rencontre dans la vie, y compris les accidents, les maladies, les meurtres, les incestes, etc.
Aucun des éléments indiqués dans les mythes primitifs ne l’est au hasard, ni même pour agrémenter ou pimenter le récit. Dès l’époque des tragiques – Eschyle, Euripide et Sophocle – de nombreux éléments ont été rajoutés qui ne font plus sens.

Les filiations
De manière générale, la filiation dans les mythes grecs est patrilinéaire. Il y a toutefois une exception notable lorsque le personnage s’unit à un dieu pour générer un héros. Le plus souvent, il s’agit de Poséidon – ce qui trahit une progression subconsciente – ou de Zeus – ce qui annonce un contact conscient avec les plans de l’Esprit. Apollon est beaucoup plus rarement « le père divin », car il s’agit alors d’un contact psychique, de même qu’Hermès qui signe une approche des plus hauts plans de la Connaissance.

On n’est donc autorisé à remonter une filiation par une femme que si l’union eut lieu avec un dieu. Toutefois, dans ce cas précis, les héros ont souvent aussi « un père humain », lequel indique une période précise du chemin. Les enfants nés une même nuit de ces deux pères expriment deux aspects de l’évolution en cours. Les demi-frères, issus du père humain, représentent la partie de la personnalité (ou « petit moi ») qui aide ou freine parfois la progression du héros. Ainsi en est-il d’Iphiclès, demi-frère d’Héraclès, ou encore les enfants de Zeus (père divin) et de Tyndare (père humain) avec Léda (Castor et Clytemnestre sont les enfants de Tyndare, Hélène et Pollux ceux de Zeus).
Nombre de héros sont ainsi le fruit d’unions de Zeus avec des mortelles : Héraclès (Alcmène), Persée (Danaé), Éaque (Égine), Minos (Europe), Épaphos (Io), Argos (Niobé) et Dionysos (Sémélé).
Toutes ces unions marquent une prise de conscience importante et un contact avec les plans supérieurs à un moment précis du yoga.

Les évolutions moins conscientes sont exprimées par des unions avec Poséidon, dieu qui règne sur le subconscient : Agénor et Bélos (avec Lybie), Pélias et Nélée (avec Tyro), etc.

Remonter une filiation permet donc de situer un personnage dans la progression spirituelle individuelle, et plus généralement dans l’évolution humaine.
Il y a parfois pour certains héros, selon les auteurs, plusieurs ascendances différentes exprimées. Elles ne sont en rien contradictoires, mais montrent qu’un certain travail ou qu’une expérience particulière peut se rencontrer sur différentes voies.
Comme il importait de pouvoir situer un chercheur dans sa progression ou les phases majeures du chemin les unes par rapport aux autres, ou encore de comprendre les raisons d’une difficulté ou les conditions requises pour franchir une étape, les maîtres anciens se livraient, dit-on, à d’interminables débats à propos des arbres généalogiques.

– Les unions
D’une manière générale, une union est le symbole de la convergence d’un état de conscience et d’une direction évolutive – à un moment précis du chemin selon la place occupée par les personnages dans les généalogies – afin de réaliser ce que représentent les enfants issus de cette union. La direction évolutive est représentée le plus souvent par le personnage féminin, mais il y a des exceptions.
Ainsi, l’union de Pélops « la vision de l’ombre », fils de Tantale « l’aspiration », avec Hippodamie « la maîtrise de l’énergie vitale », ouvre la lignée des Atrides. Ou encore, l’union d’Héraclès avec sa seconde femme Déjanire « le détachement », génère Hyllos « une grande liberté », Ktésippos « celui qui a à sa disposition l’énergie vitale », Glénos « le rayonnement », et Onites « celui qui est efficace sur le plan supérieur ».
Le personnage féminin peut aussi représenter une qualité (Callirhoé « ce qui s’écoule bien »), une étape sur le chemin (Niktéis « la nuit ») ou historique (Memphis).
Un même héros peut contracter plusieurs unions simultanées ou successives et ce sont alors divers aspects ou phases du yoga qui sont concernés. Ainsi Héraclès épousa successivement Mégare (celle qui agit grandement selon le juste mouvement) puis Déjanire (le détachement), pour tomber finalement amoureux d’Iole (la libération).
Il y a aussi quelques unions sans enfants et des amours entre personnages de même sexe, qui démontrent une nécessité d’intégration, ou un encouragement (surtout si l’un des personnages est un dieu), mais ne peuvent produire de résultats.

Les membres de la famille hors ascendants.
Les frères et sœurs représentent les différentes « réalisations » de leurs parents, sous les deux aspects d’états et d’énergies exécutrices.
Parfois, ils incarnent des paires de complémentaires ou d’opposés : Érèbe et Nyx, Aéther et Héméra, Arès et Héphaïstos, Aiétès et Circé, Prométhée et Épiméthée, Étéocle et Polynice, Castor et Pollux, Hélène et Clytemnestre….
Les jumeaux expriment les deux aspects d’une même réalité (tels Apollon et Artémis), ou introduisent deux façons d’aborder un problème, sous les aspects théoriques et expérimentaux.
Les oncles et tantes des branches cadettes représentent des aspects secondaires de la quête. Ainsi Eurysthée, oncle d’Héraclès, indique qu’un travail peut commencer lorsque suffisamment de force a été accumulée (Euru= vaste + racine sthé= force).
Les enfants hors mariage, hormis ceux issus d’unions avec les dieux, mettent l’accent sur des aspects secondaires du chemin.

– Les évènements familiaux
La naissance est liée à l’apparition de quelque chose de nouveau.
La mort d’un personnage est symbole de la fin d’un processus, qu’elle soit ou non prématurée. La mort au combat indique une action consciente, volontaire et juste, tandis que le décès naturel exprime une évolution parvenue naturellement à son terme.
Le viol (ou la tentative de viol), exprime qu’un personnage veut se hisser à un niveau qui ne lui correspond pas, sous l’influence de l’ego. Lorsqu’il est perpétré par un dieu, c’est le signe d’une irruption inattendue de forces particulières.
L’inceste, hors unions divines où il est normal et logique (Gaia et son fils Ouranos, les Titans et Titanides entre eux…), ne fait scandale que dans le cas d’Œdipe et de sa mère Jocaste, et dans celui de Thyeste et de sa fille Pélopia. Dans le mythe primitif, Œdipe épouse effectivement Jocaste (laquelle s’appelle en fait Épicaste chez Homère), mais ses enfants sont issus d’une autre union. Les anciens, soucieux de spiritualité et non de moralité, voulaient sans doute éviter ainsi toute spéculation inutile sur l’inceste, souci que n’ont pas eu les Tragiques (Euripide, Eschyle, Sophocle) par la suite.
De même, la folie a souvent été invoquée par des auteurs tardifs pour justifier l’injustifiable dans une lecture morale du mythe : ainsi, Héraclès, un immense héros, ne pouvait avoir tué ses enfants sans être sous l’emprise de la folie, alors qu’il s’agit seulement d’une réorientation du yoga.

– Indices divers
Pour compléter l’examen d’un personnage, tous les indices seront à considérer car aucun n’est inutile, sous réserve toutefois qu’ils n’aient pas été ajoutés indûment par des non-initiés.

Une attention particulière sera consacrée aux « homonymes », porteurs du même contenu symbolique à des degrés variables de réalisation selon le contexte, mais qui appartiennent à différentes branches généalogiques. Il y en a parfois presque une dizaine. Il faudra veiller à ne pas les confondre, afin d’éviter toute confusion dans l’organisation généalogique, et par suite dans l’interprétation globale.
L’existence même de ces noms identiques pourrait, s’il en était besoin, apporter un argument supplémentaire à l’existence d’un contenu symbolique dans les mythes, car les anciens avaient une possibilité illimitée pour la création de noms nouveaux.

On pourra aussi avoir recours aux différentes versions du mythe qui, donnant des compléments d’indications ou des filiations différentes, loin de contredire le sens principal, l’éclaireront.

Certaines listes de personnages varient selon les auteurs : si l’expérience est dans son essence la même pour tous, elle est vécue, interprétée et rapportée par chacun selon sa sensibilité et son histoire. Celui qui la raconte peut donc ajouter plusieurs personnages pour préciser à son gré des éléments qui lui paraissent importants.
De même, certains maîtres, jugeant sans doute que telle capacité devait être acquise pour atteindre telle expérience, modifiaient en conséquence les listes de héros précédentes.
Ces listes constituaient donc un élément essentiel pour la guidance spirituelle, chaque nom pouvant introduire un enseignement particulier. Seuls les personnages communs à toutes les listes faisaient l’unanimité, et de manière générale, ce sont les seuls abordés dans cette étude.

Dans le cadre de l’interprétation, il est nécessaire de garder en mémoire que tous les personnages sans exception représentent le chercheur. Par exemple, le devin Tirésias qui énonce sa vision et le héros qui reçoit le message codé sont différents aspects du chercheur lui-même : c’est l’intuition, favorisée par l’intériorisation (ici la cécité du devin), qui, sous forme symbolique, guide le héros.

C’est seulement en tenant compte de la totalité des indications fournies par le mythe que l’on pourra approcher le sens d’une histoire. Cette exigence pourra éviter bien des erreurs d’interprétation.

LA CHRONOLOGIE – quatrième catégorie

La quatrième catégorie symbolique est constituée par la chronologie des différents mythes qui décrivent les expériences spirituelles de façon allégorique. Ce qui rend indispensable la connaissance des éléments établissant cette chronologie.
Malheureusement, elle est assez peu explicitée dans les récits, malgré les « catalogues » de généalogies que nous ont laissés les mythologues d’autrefois et leurs efforts pour synchroniser les différentes voies ou les enseignements théoriques avec les expériences. En outre, les initiés, plus au fait de l’extrême diversité des chemins, évitèrent en général des parallèles trop précis.

Nous verrons dans le chapitre qui traite de la structure de la mythologie que les anciens ont ordonné les mythes principaux selon deux grandes voies : les premiers dans la descendance du titan Océanos et les seconds dans celle du Titan Japet. Dans chacune de ces voies, certaines branches décrivent les enseignements théoriques tandis que d’autres relatent les expériences.
La descendance du Titan Japet explore l’ascension des plans de la conscience mentale.
Celle du Titan Océanos traite des voies d’évolution selon la Nature, en accord avec les processus classiques de « purification » et de « libération ».
Ces deux voies principales sont donc la base de la chronologie générale.
Bien qu’elles abordent la spiritualité sous des angles différents, certaines expériences y sont bien évidemment similaires, comme par exemple le premier contact avec l’Absolu.
Dans chacune d’elles, les mythes d’enseignements suivent leur propre chronologie et ne doivent pas être rattachés trop précisément aux expériences. Par exemple, le mythe de Persée qui traite de la victoire sur le processus de « captation » et sur la peur ne peut concerner un moment précis du chemin, mais représente une longue suite de combats, donnant lieu à des libérations successives.
Ceci nous amène à souligner le fait que beaucoup de mythes, même s’ils exposent le terme du processus, représentent, non pas des étapes à franchir une fois pour toutes, mais le processus lui-même qui comprend de nombreux cycles.

Ce sont les étapes les plus avancées du chemin, consignées par le plus grand initié de l’époque, Homère, qui constituent la référence à partir de laquelle furent élaborés les autres mythes. Ceux-ci enrichirent progressivement la connaissance des chemins qui pouvaient conduire à cette ultime réalisation.

Le temps d’une génération, ou une durée de dix ans, n’indique pas un nombre d’années, mais une période de maturation spirituelle. Selon les chercheurs, elle peut s’étendre sur plusieurs mois, plusieurs années ou plusieurs vies.
Une « génération » (le nom grec est en rapport avec la naissance) semble impliquer le franchissement d’une étape, tandis que le terme « dix années » indiquerait plutôt un parcours évolutif.

Les mythes d’enseignement suivent leur propre « chronologie ». Il ne s’agit pas vraiment d’un « ordre », car certains enseignements sont valables pour toute la durée du chemin. Si chronologie il y a, c’est seulement dans le fait que certains « travaux » ne doivent pas être entrepris trop tôt, et que d’autres concernent « plutôt » une phase donnée du chemin.
Dans la voie de purification/libération, les enseignements sont illustrés principalement par les travaux d’Héraclès – le mythe de Persée ou le combat contre les peurs constituant un prélude valable pour toute la durée des travaux. Le repère chronologique est alors donné par le lieu de leur exécution. Par exemple, les six premiers travaux, situés dans le Péloponnèse, concernent la première phase du chemin, tandis que les six derniers s’en éloignent de plus en plus, jusqu’en des contrées mythiques.

Dans la voie de l’ascension des plans de conscience, ce sont les sept Pléiades qui donnent la chronologie des enseignements. Après les deux premiers plans qui ne concernent plus les chercheurs, on trouve Méropé, femme de Sisyphe, le représentant de l’intellect, puis Stéropé (le mental supérieur), Électre (le mental illuminé), Taygète (le discernement intuitif), et enfin Maia (le surmental). Cet ordre n’est pas explicite dans les mythes et a été reconstitué par l’auteur.
Quant aux expériences, elles suivent à la fois la chronologie ci-dessus et la structure des arbres généalogiques. Pour établir des ponts entre les expériences appartenant aux deux voies, les anciens ont introduit des mariages et des visites lors de voyages ou d’exils.
La chronologie générale des expériences s’établit comme suit :
Trois générations avant le début de la guerre de Troie : Europe et premières incursions dans le mental supérieur.
Une génération avant Troie : quête de la Toison d’Or
Quatre mois après le retour de la quête : jeux funèbres en l’honneur de Pélias.
Environ dix ans après la quête de la Toison d’or : exploits de Thésée et mort du Minotaure. L’histoire de Thésée se situe sur plusieurs générations, depuis le temps de Minos jusqu’à l’enlèvement d’Hélène alors à peine nubile, perpétré par le héros déjà âgé de 50 ans et son ami Pirithoos.
Une vingtaine d’années avant Troie : première guerre de Thèbes.
Une dizaine d’années avant Troie : deuxième guerre de Thèbes.
Une génération après la quête de la Toison d’Or, début de la guerre de Troie.
Durée de la guerre de Troie : dix ans. (Homère, dans l’Iliade, ne traite que la fin de la guerre.)
Durant les dix années après la guerre de Troie : « Retour » d’Ulysse jusqu’à son arrivée à Ithaque.

Mais la succession des grandes épopées héroïques n’est pas la seule clef de codage temporel. Les anciens ont aussi caractérisé la progression en mentionnant l’appartenance des héros à des peuples, réels ou mythiques (Pélasges, Lapithes, Argiens ou Achéens, Troyens …), à des pays et provinces (Crête, Béotie, Thessalie, Élide…) et à des villes. Par exemple, Corinthe est la ville de l’intellect et du combat contre les illusions. La Béotie est la province des commencements de la purification mais concerne aussi des chercheurs très avancés car Thèbes, sa ville principale, est celle de l’incarnation du psychique. La Thessalie concerne la traversée du mental supérieur et la Phocide marque le passage vers la prochaine évolution.
On notera cependant que ces noms géographiques recouvrent aussi parfois des modalités différentes de la quête, ainsi que, semble-t-il, un résumé historique de la migration de la connaissance de l’Égypte à la Grèce, en passant par la Crète.

LES SOURCES

De manière générale, on peut considérer que les initiés furent des poètes. C’est donc leurs écrits qui ont été privilégiés dans cette étude, principalement ceux d’Homère, d’Hésiode (y compris le Catalogue des Femmes), de Pindare, d’Apollonios de Rhodes (pour ce qui concerne uniquement la première partie du chemin) et avec quelques précautions, Bacchylide, Callimaque et de Moschus.
Les travaux des historiens et des mythographes ont été considérés avec beaucoup plus de précaution, mais ils constituent bien souvent les seules sources. De nombreux recoupements ont donc été indispensables. Les sources les plus utilisées dans ce cadre sont les œuvres d’Apollodore, Pausanias, Diodore de Sicile, Hygin et indirectement, Phérécyde et Stésichore.
Apollodore semble-t-il, tenta de rester au plus près des sources antiques. Il est, selon notre interprétation, très exact dans la plupart des détails comme s’il avait compris les mythes en profondeur, quoique n’étant pas à priori un initié. Il élimina également les variantes douteuses.
En ce qui concerne les tragiques, Sophocle et Eschyle, aucune certitude n’a pu être acquise concernant leur initiation.
En effet, s’ils compilèrent des œuvres aujourd’hui disparues, ils y mêlèrent des considérations morales et historiques. Bien souvent, ils changèrent les noms, ou transformèrent les mythes de telle sorte qu’un initié devait considérer comme juste la position inverse de celle que glorifiait l’auteur.
Eschyle, rappelons-le, fut accusé d’avoir révélé des secrets que seul un initié pouvait connaître, et évita la mort en assurant qu’il ne l’était pas. Mais cela seul ne peut constituer une preuve.
Euripide, le troisième grand tragique, émaille ses œuvres de tellement d’invraisemblances, tant du point de vue de la mythologie canonique que du point de vue du chemin spirituel, qu’elles doivent être examinées avec la plus grande prudence.
En ce qui concerne les latins, Ovide semble avoir compris le sens profond des mythes grecs. Il en reprit une grande partie et les développa selon sa propre vision.
Quant à Virgile, afin de donner aux empereurs d’illustres ancêtres, il fit remonter leur généalogie au Troyen Énée, et l’on peut supposer qu’il connaissait la valeur symbolique de cette lignée royale. Ses œuvres mériteraient une étude particulière. S’il était un initié, il a certainement utilisé d’autres clefs de cryptage que celles énoncées ici, ou du moins, des clefs adaptées aux noms latins et aux lettres de l’alphabet correspondant.

De manière générale, on a donc choisi de privilégier les versions les plus anciennes, même si leur rédaction est tardive.
Pour ne pas alourdir le texte, les variantes n’ont pas été traitées. Toutefois, leur étude ne présente pas de difficulté particulière. La déesse de l’amour, Aphrodite, est par exemple, chez Homère, une fille de Zeus et Dioné, elle-même fille d’Océanos. Tandis que chez Hésiode et beaucoup d’autres auteurs, elle est fille d’Ouranos, née de l’écume de la mer qui se forma autour des organes génitaux de ce dieu lorsqu’ils furent tranchés par son fils Cronos et tombèrent dans la mer. Ces deux versions peuvent paraître inconciliables, mais il s’agit en fait de deux visions complémentaires de l’amour, sur des plans différents. En faisant d’Aphrodite une fille de Zeus, Homère considère l’amour comme une expression du plus haut niveau mental auquel puisse prétendre l’homme. Le nom de sa mère Dioné (ΔΙ+Ν), fille d’Océanos, indique que c’est un amour en évolution (Océanos), depuis ses niveaux les plus bas de dévoration et de captation, jusqu’à l’union en conscience (ΔΙ) la plus haute. De son côté, Hésiode considère un Amour beaucoup plus élevé, jailli de la rencontre du pouvoir générateur de la Conscience suprême (les organes sexuels d’Ouranos) avec la Vie (la mer). Cet Amour-là, qui n’a aucune des caractéristiques de l’amour humain, est plus difficile à concevoir pour le mental.